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Le Pape à Beyrouth : « Les chrétiens doivent travailler à construire la paix »

Carlo Giorgi, envoyé
17 septembre 2012
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Le Pape à Beyrouth : « Les chrétiens doivent travailler à construire la paix »
Au moins 350000 fidèles ont participé ce matin à la messe présidée par le Pape sur le front de mer de Beyrouth. (photo C. Giorgi)

Le front de mer de la capitale libanaise, un énorme espace ouvert face à la baie de Saint-Georges, où les riches libanais mouillent leurs yachts de luxe, n'a probablement jamais vu un tel spectacle: une marée de chrétiens, au moins 350 000 personnes), assis patiemment sous un soleil de plomb pour écouter le Pape, chanter et prier ensemble.


(Beyrouth – 17 septembre) – Le front de mer de la capitale libanaise, un énorme espace ouvert face à la baie de Saint-Georges, où les riches libanais mouillent leurs yachts de luxe, n’a probablement jamais vu un tel spectacle: une marée de chrétiens, au moins 350 000 personnes, selon une estimation faite par les organisateurs, (dont un grand nombre sont restés de huit à midi sous un soleil de plomb), assis patiemment pour écouter le Pape, chanter et prier ensemble. Avec les Libanais, de nombreux étrangers : soit des travailleurs immigrés en provenance d’Afrique et d’Asie soit des ressortissants d’autres pays arabes, venus à Beyrouth pour profiter de l’exceptionnelle « proximité » du pape.

« Le pape est venu au Liban et je veux le voir – dit Joe Khomy, 25 ans, libanais maronite, avant le début de la Messe-. Je veux entendre ce qu’il va dire. Mon espoir est qu’après l’avoir entendu, les hommes politiques chrétiens parviennent enfin à un accord. Ils doivent reprendre le travail ensemble pour le bien commun! Ils ne le font plus depuis de nombreuses années et regardez où nous en sommes … Je ne veux pas partir, je veux rester au Liban! Mais tout s’y oppose : trouver un emploi à l’étranger dans la mentalité libanaise, c’est un plus, tous mes plus proches amis ont émigré et si je n’avais pas trouvé une place dans une multinationale française, je serai probablement parti moi aussi « .

« Je suis ici pour assister à la messe du pape avec les autres chrétiens – dit Elane Al Rachid, 26 ans, présente sur la place bien qu’elle soit manifestement enceinte, et je veux montrer que nous (chrétiens) sommes encore au Liban, une terre par laquelle le Seigneur Jésus est passé. J’espère que l’esprit de communion qui être en train de naître durant ce séjour du pape demeurera. La lettre du mufti Mohammad Kabbani adressée au Pape ces jours-ci (dans laquelle il dit, entre autres choses, que toute attaque contre un chrétien doit être considérée comme une attaque contre un musulman et que l’un et l’autre doivent construire ensemble l’avenir ndlr) est un signe d’espoir pourvu que cela dure … Le fondamentalisme que nous avons autour de nous ne me dérange pas beaucoup, cela fait des générations que c’est comme cela et les chrétiens ont toujours été protégés. « 

Non loin d’Elane flottent de nombreux drapeaux irakiens. Ils sont un groupe de 250 Irakiens, presque tous d’Ebril, au Kurdistan, 20 seulement sont de Bagdad. «Nous sommes ici pour recevoir la bénédiction du pape et vivre cette messe avec le peuple libanais », explique Mariam, 18 ans, qui fait partie d’une communauté du Néo-catéchuménat à Ebril. Rose Lea, elle, a 40 ans et vient du Sénégal: «Je suis très heureuse, c’est la première fois que je vois le pape! » explique-t-elle enveloppée dans le drapeau de son pays. À Beyrouth, elle travaille dans un hôpital et est ici avec quelques uns de ses concitoyens chrétiens. La majorité des Sénégalais sont musulmans et Rose Lea fait l’expérience au Liban d’une situation de cohabitation similaire à celle qu’elle a connue dans son pays d’origine. Africains et les Asiatiques sont nombreux aujourd’hui dans le pays du cèdre, ce qui montre que la migration vers le Liban n’est pas seulement celle des pays musulmans comme la Syrie.

Il y a même un groupe de jeunes du Sud-Soudan, avec une pancarte, ils invitent Benoît XVI à se rendre dans leur «nouveau» pays.

La grande scène où le pape Benoît XVI célèbre la messe est décorée d’oliviers : il y en a deux énormes sur la gauche, de même à la droite et à la gauche de l’autel, puis, d’autres qui portent symboliquement dans leurs branches de grandes croix et beaucoup de fleurs . L’autel lui-même repose sur deux troncs d’oliviers, ainsi que le lutrin où les lecteurs proclament la Parole de Dieu L’olivier est l’arbre des racines vivaces et résistantes. Un signe clair, répété sans cesse pour que ceux qui sont près ou lointains le comprennent bien, un signe qui représente les racines du christianisme dans ce pays. Et puis, bien sûr, sur l’autel il y a aussi les cèdres, le symbole du Liban: certains sont vrais, d’un vert brillant. Et une représentation stylisée : l’immense fond de la scène, tout blanc, plein de lumières, qui imite la forme d’un grand cèdre. Sur la cathèdre du pape, une simple croix.

La lecture de l’Évangile d’aujourd’hui est tirée de l’Évangile de Marc (8, 27-35: « Et vous qui dites-vous que je suis ? ») et le passage de la reconnaissance de Pierre est le plus approprié pour confirmer l’unité des chrétiens des divers rites orientaux réunis autour du Successeur de Pierre. Le Pape, en signe d’unité concélèbre l’eucharistie avec les quatre patriarches résidant au Liban. L’homélie du Pape est un hymne au service, le seul style de vie qui sied aux chrétiens, auquel nous sommes appelés : «Qui veut être son disciple doit accepter d’être un serviteur, comme il est devenu un serviteur. (…)La vocation de l’Église et du chrétien est de servir, comme le Seigneur lui-même l’a fait, gratuitement et pour tous, sans distinction. (…).Chers frères et sœurs, je prie particulièrement le Seigneur de donner à cette région du Moyen-Orient des serviteurs de la paix et de la réconciliation pour que tous puissent vivre paisiblement et dans la dignité. C’est un témoignage essentiel que les chrétiens doivent rendre ici, en collaboration avec toutes les personnes de bonne volonté. Je vous appelle tous à œuvrer pour la paix. Chacun à son niveau et là où il se trouve. »

Particulièrement intense a été l’appel du pape à l’Angélus, prononcé dans un pays comme le Liban, où les chrétiens et les musulmans ont en commun une dévotion particulière à la Mère de Jésus, « tournons-nous maintenant vers Marie, Notre-Dame du Liban, autour de laquelle se retrouvent les chrétiens et les musulmans. Demandons-lui d’intercéder auprès de son divin Fils pour vous et, plus particulièrement, pour les habitants de la Syrie et des pays voisins implorant le don de la paix. Vous connaissez bien la tragédie des conflits et de la violence qui génère tant de souffrances. Malheureusement, le bruit des armes continue de se faire entendre, ainsi que le cri des veuves et des orphelins ! La violence et la haine envahissent les vies, et les femmes et les enfants en sont les premières victimes. Pourquoi tant d’horreurs ? Pourquoi tant de morts ? J’en appelle à la communauté internationale ! J’en appelle aux pays arabes afin qu’en frères, ils proposent des solutions viables qui respectent la dignité de chaque personne humaine, ses droits et sa religion ! »