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À la (re)découverte d’Hérode le Grand au Musée d’Israël

Louise Couturaud
9 mars 2013
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À la (re)découverte d’Hérode le Grand au Musée d’Israël
Exposition monumentale sur Hérode le Grand. © Yossi Zamir/Flash 90

Depuis le 13 février, le musée d’Israël propose une exposition consacrée à l’héritage archéologique d’Hérode le Grand, le roi qui gouverna la Judée de -37 à l'an 4 après Jésus-Christ. Cette exposition fait beaucoup parler d’elle : elle est extrêmement riche, mais elle suscite aussi une polémique.


(Jérusalem) – Depuis le 13 février, le musée d’Israël propose une exposition consacrée à l’héritage archéologique d’Hérode le Grand, le roi qui gouverna la Judée de -37 à l’an 4 après Jésus-Christ. Cette exposition fait beaucoup parler d’elle : elle est extrêmement riche, mais elle suscite aussi une polémique. Elle présente en effet de nombreux vestiges provenant de sites archéologiques des Territoires occupés. 

Les premiers pas qui vous font pénétrer dans la galerie de l’exposition sont les plus émouvants. En quelques instants, vous êtes projetés 2000 ans en arrière. L’impression est saisissante. Il est vous alors difficile de croire que tous ces trésors sont authentiques. Vous pensez évidemment à une reconstitution très réussie et pourtant, ce sont les pièces originales qui sont sous vos yeux. Aux côtés d’un grand nombre d’objets archéologiques, des pans de mur, des fresques, et des mosaïques ont été déplacés pour être exposés au musée d’Israël. Si la reconstitution est magnifique, elle en dérange plus d’un. 

L’exposition est dédiée à la mémoire d’Ehud Neher, l’archéologue israélien qui découvrit en 2007 la sépulture d’Hérode sur l’Hérodion, à proximité de Bethléem, en Cisjordanie. Cette découverte couronnait un travail colossal : au cours de nombreuses années de fouilles, ce professeur d’archéologie à l’Université Hébraïque de Jérusalem mit à jour un palais fortifié agrémenté de jardins, de piscines, de thermes, d’un théâtre, ainsi que la sépulture d’Hérode. Dans la salle où se trouve le mausolée, véritable clou de l’exposition, une vidéo offre une reconstitution dynamique qui permet de replacer le monument exposé dans son contexte géographique. Ce petit film raconte aussi qu’en 2010, Ehud Neher trouva la mort à proximité de ce tombeau, faisant une mauvaise chute alors qu’il repérait les pierres destinées à quitter le site pour l’exposition.

Pour offrir aux visiteurs un décor réellement historique, les conservateurs du musée ont fait le choix controversé de faire venir des vestiges en provenance de sites dépendant de l’Autorité Palestinienne. C’est le cas par exemple des trois sarcophages sortis du tombeau d’Hérode et de certaines fresques qui viennent de l’ Hérodion, ou de vestiges en provenance du palais de Jéricho. Naturellement, l’exposition relance par la même occasion la polémique sur les fouilles israéliennes effectuées en Cisjordanie. Roula Ma’ayah, ministre palestinien du Tourisme et des Antiquités, explique : « Toutes les fouilles effectuées dans les Territoires occupés sont illégales, mais les Israéliens les font quand même, et quand ils ne fouillent pas, ils nous empêchent de le faire.» La question qui se pose est surtout celle de leur destination future. Ces objets ne retrouveront vraisemblablement pas leur site archéologique originel.
Tout au long de la visite, les très nombreux vestiges rassemblés sont accompagnés de commentaires et de vidéos qui esquissent de manière intelligente un portrait du roi Hérode : ses liens avec le peuple juif et les empereurs romains, sa relation au pouvoir et surtout son génie constructeur. Ehud Neher disait lui-même : « L’architecte du XXe siècle se retrouve face à un homme né il y a 2000 ans, un roi qui n’avait jamais étudié l’architecture et ne s’était jamais considéré comme architecte et qui, pourtant, vivait de l’art de la construction, comprenait profondément son fonctionnement et, tout simplement, aimait bâtir ». La grande diversité des vestiges présentés est une des qualités majeures de cette exposition. En admirant le buste d’Auguste, le visiteur prendra conscience de la dépendance d’Hérode le Grand à l’empire romain, en déchiffrant les quelques mots inscrits sur des fragments d’amphore, il en connaîtra plus sur la dégustation de vin du roi… et en parcourant l’ensemble de l’exposition, il se fera une idée complète de l’influence politique, artistique et culturel du règne d’Hérode.

En sortant du musée, on comprend mieux la fascination que pouvait exercer la figure d’Hérode, ce « roi des Juifs » pourtant si mal accepté par son peuple. Parmi les Palestiniens, les esprits les plus critiques n’ont pas manqué pas de souligner la réhabilitation subite d’Hérode le Grand, pourtant réputé pour sa cruauté envers le peuple juif. Une manière pour Israël, selon certains, de mieux revendiquer cet héritage culturel et historique.