Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Femmes et foi

Archiprêtre Alexandre Winogradsky
4 juillet 2013
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Jérusalem et la modernité. Une terre où l’ancien et le nouveau se croisent, s’interpellent, s’expriment sans toujours s’écouter. Eh, il faut bien en convenir, il y a des hommes et des femmes depuis le temps le plus reculé de la destinée humaine. La Genèse décrit la chose de manière colorée : Adam, le premier homme, reçoit la tâche divine de nommer la création et les créatures (Gn 2,28). Il ne trouve personne avec qui converser, qui lui soit semblable. La Bible perçoit d’emblée un appel à transmettre la vie, en paroles et en échanges. Dieu prend pitié de lui, le fait dormir, le réveille et “mène à lui” “une aide prête à le contre-dire”, ce qui est dynamique. Le réveil d’Adam le rend conscient : “voilà les os de mes os, la chair de ma chair”, mots qui indiquent une vocation à un parcours transgénérationnel.

Lisons attentivement l’Évangile. En célébrant la Pâque, l’Église orthodoxe affirme la résurrection du Seigneur. Marie-Madeleine et les trois femmes portant les baumes pour sa sépulture s’approchent. Né d’une femme vierge, Jésus est porté en terre selon la tradition de ses pères par des femmes qui l’enfantent à la traversée de la mort. Au troisième jour, Marie-Madeleine se promène dans le jardin (on ne reconnaît plus cet aspect au Saint-Sépulcre actuel). Elle aperçoit un jardinier et lui demande où l’on a mis Jésus de Nazareth. Jésus prononce le nom même de Marie. Elle répond en araméen “rabbouni – mon maître”. Elle porte un nom comme lorsqu’Adam avait nommé la création sans trouver sa pareille. Marie-Madeleine rencontre le “nouvel Adam” et l’accompagne dans la vie comme dans ce temps de la résurrection. Jésus ne se laisse pas saisir. Il lui confie la tâche de prévenir les disciples et de lancer la “création de l’Église”.

Chaque samedi, l’Église orthodoxe rappelle le rôle fondateur de Marie-Madeleine, considérée comme “première parmi

les Apôtres”. La vie terrestre du Christ s’achève par sa mise au tombeau et les femmes viennent le pleurer et l’enfanter à sa vie nouvelle. Le troisième dimanche de Pâque leur est consacré dans l’Orthodoxie byzantine : un rôle essentiel au service du Corps comme de la Présence eucharistique du Seigneur alors qu’il semble s’apprêter à traverser les siècles comme tous les mortels.

La bonne nouvelle de la résurrection passe ainsi par la femme. Marie-Madeleine voudrait bien retenir le maître, réflexe très féminin, mais elle a le courage d’annoncer aux disciples un peu désespérés par la disparition de Jésus, qu’il est vraiment ressuscité. La Samaritaine avait eu ce même sens d’annonce de la bonne nouvelle du Salut auprès des villageois qui ne connaissaient que trop son parcours.

Transmettre la vie

En ce sens, la vocation d’engendrement des femmes est proche de celle du Christ : il y a un sens unique de la transmission de la vie, de la survie, du miracle perçu comme naturel. Il échappe aux règles de la nature humaine. La tradition juive et orientale – au fond profondément chrétienne – insiste sur ce rôle salvifique. On lira avec profit le remarquable ouvrage du Père Alexandre Eltchaninoff, théologien russe orthodoxe “La Femme et le Salut du Monde” (Le Cerf).

Le mot d’Isaïe 7,14 “Voici, la femme enfantera un fils/ hinne haalma yalda ben” montre ce mouvement novateur, générateur, géniteur, qui traverse le temps et l’espace. “alma” (jeune femme), venue du “monde” (olam), dévoilant ce qui est “caché” (ne’ilam) et portant en soi plénitude et abondance. En araméen, “almatho” ne chicane pas sur la véracité virginale : la foi sémitique sait que rien n’est impossible à Dieu, donc à celles que Dieu a placées pour accompagner l’homme sur le chemin terrestre.

Le juif pieux en est conscient qui, chaque shabbat, lit à son épouse l’éloge de la “femme vertueuse” (Pr 31, 10-fin) : “En elle se confie le cœur de son mari, il ne manque pas d’en tirer profit, tous les jours de sa vie (celle de sa femme, non la sienne !)”.

Il est peut-être significatif que la femme soit apparemment si fragilisée, souvent humiliée ou, au contraire, tentée par la solitude et un pouvoir qui ne serait pas de sa nature. Il en va dans l’Église comme dans la rédemption, de la foi la plus complète en Dieu et en l’homme.

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