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Amir, l’autre visage de Gaza

Marie-Armelle Beaulieu
30 septembre 2013
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Le dernier numéro de Terre Sainte Magazine l’annonçait. Nous avons rencontré Amir Hassan, jeune palestinien de Gaza. Il faudrait lui consacrer bien plus de deux pages. Pour l’heure nous découvrirons son amour de la langue française et ce qu’elle lui apporte.


Dimanche 7 juillet, un message sur mon téléphone : “Je suis à Jérusalem. Amir” C’est la première fois qu’Amir, le gazaoui, 23 ans, se rend à Jérusalem. C’est le Consulat Général de France qui lui a obtenu la permission des Autorités israéliennes. Et voir le sourire d’Amir, et l’entendre parler de ses découvertes de ce côté de la vie, le faire parler aussi de Gaza est une bien belle rencontre.

Je le savais pour avoir lu ses écrits et messages, Amir possède admirablement la langue française. Il ne l’a pourtant étudiée que quatre ans à l’université publique Al Aqsa de Gaza. “Je voulais étudier dans le département des médias, mais une courte visite au département de français m’a fait changer d’avis. Quand j’ai entendu cette belle langue rythmée avec amour, j’ai fait mon choix.”

Francophile

Depuis, Amir est, si ce n’est le meilleur francophone de Gaza (qui n’en compterait avec un tel niveau de maîtrise qu’une vingtaine sur 1,5 million d’habitants), certainement le plus francophile. Quand on lui demande ce que lui apporte la langue française il répond “La liberté. J’ai mon propre monde, j’ai une identité différente. Cette langue c’est mon propre plaisir, quand j’écoute les chansons en français je me rends compte que j’ai de la chance de comprendre. Grâce à cette langue j’ai un deuxième pays, j’ai une autre histoire et une autre géographie, mes meilleurs amis sont francophones, ma vie entière je la vis en français.”

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“Je suis un grand amateur de la culture française.” Sa culture française, il la nourrit en passant le plus clair de son temps à l’Institut français de Gaza. “J’ai vu les 1400 films de la DVDthèque” et en regardant la seule chaîne française à sa disposition TV5 Monde. “Je ne peux regarder la télévision que la nuit quand il y a de l’électricité après minuit. Ma famille en a assez de me voir monopoliser la télécommande.”

Étonnement Amir lit peu de littérature. “Je lis peu comme tous les Palestiniens”. Les nouvelles de Maupassant et les poèmes de Louis Aragon trouvent toutefois grâce à ses yeux. “J’ai du mal à lire en français, surtout les grands romans”. Mais passionné d’information, Internet et ses journaux en ligne constituent le reste de ses lectures. “Je lis aussi les livres de politique française”.

Grâce à cette langue j’ai un deuxième pays, j’ai une autre histoire et une autre géographie, mes meilleurs amis sont francophones, ma vie entière je la vis en français

Et quand il n’est pas derrière son ordinateur ou la télévision, Amir écrit, toujours assujetti à la fourniture d’électricité. “Avant j’écrivais en arabe, mais quand je suis entré au département de français en 2009, j’ai arrêté pour consacrer mon temps au français. Actuellement, j’écris des poèmes, des nouvelles et des récits, et j’espère écrire des pièces de théâtre bientôt, surtout que je suis auteur associé à une compagnie de théâtre (la Compagnie Erinna) à Paris.”

La haine ne sert à rien

Paris… où Amir va séjourner à partir de septembre pour un an puisqu’il a décroché un poste d’enseignant en arabe au Lycée Henri IV. Ensuite il aimerait bien faire un master en France en journalisme ou en enseignement du Français langue étrangère. La France, il la connaît déjà pour y être allé cinq fois : “Une fois grâce à une bourse de stage linguistique de trois semaines à Perpignan, deux fois grâce à des concours (de langue française) que j’ai gagnés, et deux fois grâce aux invitations de la compagnie Erinna.”

Comme il participe en France à des soirées organisées par des associations “pro palestiniennes” je l’interroge sur son militantisme. “Je ne suis pas un activiste politique, je suis un jeune palestinien de Gaza, et je trouve que je ne peux pas refuser de témoigner de ma vie quotidienne sous un blocus illégal, et je suis contre les guerres et les attaques, je milite contre la violence et pour l’humain avant tout.” Amir n’a pas de haine contre les juifs parce que “cela ne sert à rien”.

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“Je veux la justice pour eux comme pour nous.” “Israël existe, c’est un fait. La paix doit s’instaurer ici pour les deux peuples et aucun des deux peuples ne doit vouloir l’éviction de l’autre.” “Je suis contre la violence, toute sorte de violence, je suis contre les balles, les roquettes, les missiles, les chars, les avions militaires, car cela ne sert qu’à tuer les innocents. Je ne peux pas souhaiter ma vie misérable, et ce que j’ai vécu à d’autres gens. Tout est possible sur la terre, on est là pour faire la paix entre les gens et pas faire la guerre, c’est ça le message essentiel dans la vie.”

“Il faut arrêter de diaboliser les Palestiniens et les Israéliens, nous sommes tous des êtres humains et des victimes de l’ignorance.” Amir, c’est un message d’espoir à lui tout seul. C’est un autre visage de Gaza. C’est un espoir de paix.

Dernière mise à jour: 31/12/2023 00:26