Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Quelle intervention pour stopper la persécution des chrétiens au Moyen-Orient?

Edward Pentin
13 octobre 2013
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Le monde est confronté à une nouvelle génération de martyrs, et les chrétiens du Moyen-Orient sont sans doute les plus vulnérables, selon un journaliste américain, John Allen Jr. L’auteur du nouveau livre,  «La guerre mondiale contre la religion – Dépêches de la ligne de front des persécutions anti-chrétiennes », Allen reprend des statistiques montrant qu'en moyenne 100 000 chrétiens ont été tués pour leur foi, chaque année pendant la dernière décennie. Interview.


(Rome) – Le monde est confronté à une nouvelle génération de martyrs chrétiens, et les chrétiens du Moyen-Orient sont sans doute les plus vulnérables, selon un journaliste américain, John Allen Jr. L’auteur du nouveau livre, « La guerre mondiale contre la Religion – Dépêches de la ligne de front des persécutions anti-chrétiennes » ( « The Global War on Religion – Dispatches from the Front Lines of Anti-Christian Persecution”), Allen reprend des statistiques montrant qu’en moyenne 100 000 chrétiens ont été tués pour leur foi, chaque année pendant la dernière décennie, ce qui équivaut à 11 chrétiens tués quelque part dans le monde toutes les heures.

Dans une interview accordée le 9 octobre à Rome à Terrasanta.net, il discute de la situation actuelle du Moyen-Orient, pourquoi l’Église doit s’exprimer avec autant de véhémence que le peuple juif quand il est persécuté, et l’importance de la prière pour la sensibilisation face à cette situation.

Selon vos recherches, qu’en est-il des persécutions au Moyen-Orient à l’heure actuelle ?

Un des mythes que j’essaie de déconstruire dans mon livre, est que la persécution anti- chrétienne ne serait liée qu’à l’islam, car les musulmans seraient la seule menace. Or, le plus grand pogrom anti-chrétien de l’histoire récente ne s’est pas produit dans le monde islamique, mais dans l’état indien d’Orissa, en 2008. Cela dit, si vous regardez sur une carte les endroits où les chrétiens sont sans doute le plus en danger aujourd’hui, vous  tomberez principalement sur le Moyen-Orient, l’Irak étant le cas le plus emblématique : une Église qui avait 1,5 million à 2 millions de membres au moment de la première guerre du Golfe en 1990, n’en compte plus aujourd’hui que 400 000 fidèles au maximum. Certains pensent que le véritable chiffre est inférieur, aux alentours de 250 000. Ce que je veux dire, c’est qu’il s’agit d’une Église âgée de 2 millénaires, qui a essentiellement été éviscérée durant ces deux dernières décennies. Et il y a beaucoup de leaders chrétiens au Moyen-Orient, en particulier en Syrie et en Égypte aujourd’hui, qui sentent que ces deux sociétés pourraient subir le sort de l’Irak. Ils seraient les prochains États où un État policier s’écroulant, s’ensuit le chaos, et les chrétiens deviennent les premières victimes. Donc je pense que s’il y a un seul endroit sur ​​la carte où la conscience chrétienne doit être la plus attentive au danger encouru par les chrétiens, c’est probablement là-bas.

Selon vous, la situation est-elle vraiment susceptible de s’aggraver ?

Sans jouer au prophète, si les trajectoires actuelles se poursuivent, il me semble plus qu’évident que les choses vont s’aggraver, et cela va nécessiter une intervention massive pour le compte de tiers, afin de tenter de modifier la trajectoire. Je ne pense pas que vous puissiez mettre tous les œufs dans le panier et dire : « C’est l’armée américaine qui doit mettre des bottes sur le terrain». Cela peut se produire à un certain stade, mais ce que je souhaiterais voir, ce serait une mobilisation de la part de la conscience chrétienne, et vous auriez, dans le monde chrétien, quelque chose d’analogue à ce qui se passe dans le monde juif chaque fois qu’une attaque antisémite a lieu quelque part. Lorsqu’une croix gammée est peinte à la bombe sur les murs d’une une synagogue, la communauté juive mondiale – qui, avouons-le, est beaucoup plus restreinte que la communauté chrétienne – s’organise de manière cohérente pour attirer l’attention sur l’événement, et presse le gouvernement local de réagir. Nous, les chrétiens, nous n’avons pas réagi de la même manière jusqu’à présent, et je pense que nous devons le faire. Nous avons laissé passer trop de temps.

Donc ne plus « tendre l’autre joue » comme certains le conçoivent ?

Je ne parle pas de combattre le feu par le feu. Ce que je dis, c’est que l’esprit de tendre l’autre joue ne signifie pas fermer les yeux sur nos frères et sœurs qui sont brutalisés. Avec tous les instruments de non-violence que nous avons dans la boîte à outils, il faut se lever et dire que c’est tout simplement inacceptable, et je pense que nous avons les options pour le faire.

Le pape François a demandé récemment aux fidèles s’ils priaient pour les persécutés. [Dans son audience générale hebdomadaire du 25 septembre, le pape a demandé si le sort des persécutés touchait notre cœur, et aussi : «Combien d’entre vous prient pour les chrétiens qui sont persécutés ? Combien? … Il est important de regarder au-delà de nos propres frontières, de sentir que nous sommes Église, une seule famille en Dieu ! »]

Oui, ces remarques ont eu raison sur l’argent. Je pense qu’il y a un rôle de la prière dans tout cela. [Il y avait] un prière pour la conversion de la Russie dans la messe d’avant Vatican II. Aujourd’hui, bien que la prière pour la Russie ne soit pas vraiment œcuménique, puisqu’il s’agit d’une société profondément chrétienne et que nous n’avons pas nécessairement besoin de prier pour sa conversion, du moins techniquement, la prière avait une empreinte profonde sur la conscience catholique d’avant Vatican II. Elle a gardé vivante l’idée qu’il y avait une Église silencieuse derrière le rideau de fer, et qu’elle avait besoin de notre soutien. De même, je pense qu’il y a un besoin de prières pour les persécutés d’aujourd’hui, et je dirais qu’elle pourrait être officialisée, et pas seulement dans les célébrations liturgiques catholiques, mais que cela pourrait devenir une prière œcuménique à travers toute la chrétienté. Dans le monde chrétien, le culte et la prière façonnent la culture, la psychologie. Si vous allez à l’église tous les dimanches et que vous priez pour les chrétiens persécutés à travers le monde, vous ressortez en réalisant qu’il y a vraiment des chrétiens persécutés là-bas.

Diriez-vous que la veillée pour la paix en Syrie et dans le monde a également favorisé cela ?

Ce fut profondément puissant, mais ça ne peut pas rester simplement une affaire ponctuelle.

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