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A Alep, les chrétiens sont de moins en moins nombreux mais déterminés à résister

Carlo Giorgi
30 avril 2015
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A Alep, les chrétiens sont de moins en moins nombreux mais déterminés à résister
Frère Ibrahim (troisième à droite) visitant une famille d'Alep, durant les premières semaines de 2015.

"A Alep les gens s’appauvrissent tous les jours et nous sommes surs que la situation va empirer. Ce qui me donne espoir cependant, c’est de voir que nombre de chrétiens ne veulent pas partir. L'armée a renforcé ses positions. J’ai le sentiment que la ville peut résister et ne pas tomber aux mains des fondamentalistes...". Voici les dernières nouvelles de Frère Ibrahim Sabbagh, curé de la paroisse latine d’Alep.


« A Alep nous mourons, les gens s’appauvrissent tous les jours et nous sommes surs que la situation va empirer. Ce qui me donne espoir cependant, c’est de voir que nombre de chrétiens ne veulent pas partir. L’armée a renforcé ses positions. J’ai le sentiment que la ville peut résister et ne pas tomber aux mains des fondamentalistes… ».

Terrasanta.net a rencontré le franciscain Ibrahim Sabbagh, curé de la paroisse latine de la seconde ville de Syrie, à Milan. Présent quelques jours en Italie pour un court séjour et pour recueillir de l’aide pour sa paroisse, c’est un véritable périple qu’il a vécu : tout d’abord rejoindre Damas (dix heures pour faire 360 ​​km avec de nombreux postes de contrôle et l’explosion d’un véhicule blindé de l’armée sur une mine tuant trois soldats), puis Beyrouth et enfin l’Italie.

Les propos d’Ibrahim, qui a laissé ses trois autres frères franciscains de la Custodie à Alep, dépeignent une situation tragique: « Nos martyrs, à savoir les chrétiens morts dans la ville au cours des trois dernières années sous les bombardements, atteignent les 178 personnes – souligne Ibrahim – 20 sont de l’Église latine, 20 de l’Eglise Melkite, 14 Grec-orthodoxes, 9 Syriens orthodoxes, 7 Syriaques catholiques, 7 Maronites et 101 Arméniens. Avant que la guerre n’éclate, Alep rassemblait environ un million de chrétiens. Aujourd’hui, on ne sait pas combien nous sommes peut-être un tiers, un quart… Lorsque nous tenons notre réunion régulière avec tous les chefs des Eglises à Alep, personne ne prétend connaître le nombre de familles ou de personnes appartenant à son église. Mais certaines données nous laissent imaginer la situation: les 9 écoles catholiques de la ville qui enregistraient, il y a deux ans 10 500 enfants, n’en comptent plus que 2 500. Cela confirmerait que les chrétiens ne sont plus qu’un quart de ce qu’ils étaient. Ceux qui restent s’appauvrissent de jour en jour. Selon les données dont je dispose, nous avons avec certitude 442 familles inscrites à notre association de bienfaisance paroissiale. Quand je suis arrivé à Alep, à la fin de l’année 2014, il n’y avait que 220 familles enregistrées mais en cinq mois le chiffre a doublé. Lentement, je crois que toutes les familles vont frapper aux portes de l’association … Selon les enquêtes de Caritas, 70% des personnes vivant aujourd’hui dans Alep sont sous le seuil de pauvreté. Contrairement à Damas, où la plupart de la population travaille encore, à Alep seulement un cinquième de la population travaille encore « .

« Les provisions alimentaires – poursuit le prêtre de la paroisse franciscaine – arrivent en ville, mais ceux qui les vendent profitent de la situation et les prix augmentent jusqu’à devenir insupportable. Les gens sont très pauvres : dernièrement, il nous est arrivé de devoir payer tous les frais des funérailles, car les familles n’ont pas d’argent, même pour cela… Il y a malgré tout plusieurs choses qui me donnent espoir : tout d’abord, le fait que beaucoup de chrétiens sont déterminés à rester à Alep, ils ne veulent pas abandonner la ville. Ils aiment Alep et savent que s’ils partent ils perdront tout. C’est positif de voir que certains pensent encore que les conditions soient suffisantes pour rester ! Malgré le siège et les bombardements la vie ne cesse pas : la bibliothèque que nous, frères, avons ouverte il y a quelques mois pour les étudiants l’est encore et les jeunes continuent d’étudier et de passer des examens ; les cours de catéchisme ont continué à se dérouler jusqu’à ce que la dernière leçon qui a réuni plus de 170 enfants. Et puis je me console en regardant combien les personnes bonnes sont nombreuses : je trouve toujours très facilement des gens prêts à aider, disponibles, patients. Parmi nous enfin, les prêtres et hommes d’ Eglise, la communion créé par cette situation de guerre est admirable ».