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Le cardinal Sandri en Irak: «Chrétiens trahis par le silence et l’inaction du monde»

Terrasanta.net
7 mai 2015
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Le cardinal Sandri en Irak: «Chrétiens trahis par le silence et l’inaction du monde»
Le Cardinal Sandri, au centre, avec un groupe de chrétiens à Erbil.

Aujourd'hui se conclut le bref voyage en Irak du Préfet de la Congrégation pour les Eglises Orientales, le cardinal Leonardo Sandri. A Bagdad, le cardinal a rencontré le chef de l'Etat et le Premier ministre, à qui il a exprimé le point de vue du Saint-Siège. À Erbil, il a exprimé sa solidarité avec les réfugiés chrétiens forcés de quitter leurs maisons face à l'avancée du soi-disant État islamique.


(Mb/com) – Indignation et plainte, tels sont les mots que le préfet de la Congrégation pour les Eglises Orientales, le cardinal Leonardo Sandri, a adressé aux fidèles, réunis à Duhoc le 4 mai, dans la plaine de Ninive, en avant-dernière étape de son voyage débuté le 1er mai en Irak. « Trahison », non seulement celle de ceux qui ont attaqué et saisi maisons et biens, profané les églises où était enseigné la paix ou « violenté et kidnappé les enfants et jeunes filles pour leurs satisfactions basses et premières ». La trahison, en fait, a dénoncé le cardinal lors de la messe qu’il a célébré au sein de la communauté assyrienne au Kurdistan, est aussi celle « du silence qui a trop longtemps duré, celui de la communauté internationale, ou l’abandon des forces nationales et régionales qui, initialement, avaient offert des garanties de sécurité ».

Accompagné d’une délégation de la R.O.A.C.O., le réseau des agences humanitaires du Saint-Siège au service des fidèles des Églises Orientales qui prévoit un certain nombre de projets caritatifs dans le pays, le cardinal Sandri a affirmé être venu « pour secouer la conscience parfois engourdie de notre Occident. C’est avant tout à vous et avec vous que nous disons au Seigneur: miséricorde, pardon et compassion ». Cette visite, qui fait suite à celle de décembre 2012, s’est déroulée durant les trois premiers jours dans la capitale fédérale, Bagdad, pour atteindre ensuite dans le Kurdistan irakien, Erbil.

Lors de la réunion entre le cardinal et le président de la République Irakienne, Fuad Masum, ce dernier a invité le pape François à visiter l’Irak « dès que les conditions le permettront, » et l’a remercié pour avoir «depuis le début soulevé sa voix pour condamner la violence et appelé à la protection, en particulier, de la communauté chrétienne et des autres minorités ». En présence du cardinal, il a également « réaffirmé la prise de conscience que les chrétiens appartiennent à ce pays depuis des milliers d’années et qu’ils en sont des citoyens à part entière », soulignant que « ceux qui, depuis des mois, utilisent la violence et la dévastation veulent faire de l’Irak un point de déstabilisation de la région entière ».

Lors de la réunion du 3 mai au soir avec le Premier ministre, le chiite Haider al Abadi, Sandri a réitéré la préoccupation du Saint-Siège envers les «avancées de Daesh (soi-disant l’Etat islamique – ndlr), la violence, le commerce des femmes et des enfants, la persécution auparavant des minorités et maintenant des chiites et sunnites: dans les faits, il s’agit d’une idéologie extrémiste qui vise à éliminer tout ce qui ne coïncide pas avec sa propre vision ». Le cardinal a redit l’importance de veiller à ce que «les prédications ne favorisent en aucune manière la formation d’idéologies extrémistes et que les pays qui, à cet égard, sont restés silencieux doivent maintenant avoir un sursaut de sensibilisation et de coopération afin de tourner cette page de l’Histoire ». Pour sa part, le Premier ministre, tel que rapporté par une note de la Congrégation pour les Eglises orientales, « a fait remarquer que, même si au début de sa formation, l’Etat islamique enregistrait dans ses rangs de nombreux combattants irakiens, ils ont  désormais beaucoup régressé après avoir compris la nature perverse de ce phénomène et sa polarisation politique et religieuse ».

Au cours de la messe célébrée dans la cathédrale chaldéenne Saint-Joseph de Bagdad, le cardinal avait stigmatisé l’aveuglement « de nombreux combattants qui font rage entre l’Irak et la Syrie, et qui croient  accomplir un acte de religion, défigurant leur propre dignité humaine et celle de ceux qui souffrent de leurs outrages. Nous devons dire hardiment que cela n’existe pas et ne de doit pas rester une condition durable. Nous espérons qu’au plus profond des cœurs et même de chacun d’eux, guides comme militants, un sursaut vienne s’agiter, qu’il les porte à reconnaitre leur propre éblouissement et les pousse à vouloir changer de vie pour s’engager à la construction au lieu de la destruction et anéantissement ». Mais pour que cela se produise, « tout le monde doit faire sa part du travail: ceux qui ont autorité sur les Nations afin que soit poursuivi le bien commun et non pas les intérêts de ceux qui créent de nouveaux antagonismes dont le poids est, cependant, porté, plus que jamais, par les plus humbles et les plus pauvres ».

Le cardinal Sandri a passé les deux derniers jours de son voyage en Irak à Erbil, où la Conférence épiscopale italienne participe à la construction d’une université catholique, en apportant 2.6 millions d’euros. Evoquant le colloque qui s’est tenu la semaine dernière à Bari évoquant l’avenir des chrétiens au Moyen-Orient, Sandri a dénoncé, une fois de plus, la disparition de cette coexistence entre les communautés chrétiennes, musulmanes et juives dans le Moyen-Orient aujourd’hui: « nous voyons non seulement une mise en péril, laquelle semble déjà bien avancée – nous ne l’espérons pas inexorable – mais aussi un véritable démantèlement, pour ne pas dire une réorganisation des Etats sur une base confessionnelle ».