Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

La fureur islamiste qui abat les églises

Carlo Giorgi
26 janvier 2016
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En Syrie et en Irak, durant ces quatre dernières années de guerre, il y a eu des dizaines, sinon des centaines, de lieux de culte chrétien détruits ou profanés par des fondamentalistes islamistes. Il y a quelques jours, les télévisions du monde entier ont diffusé des photos satellites du monastère rasé de Saint Elias à Mossoul. Quelle sera la prochaine église à être réduite en morceaux ?


Quelle sera la prochaine église à être réduite en morceaux par l’État islamique ? Celle du quartier chrétien de Deir al Zor, ville syrienne sur l’Euphrate où les terroristes ont avancé ces dernières heures? Ou la soi-disante Domus Ecclesiae du site archéologique syrien de Doura Europos (datant du deuxième siècle de notre ère), un des plus anciens lieux de culte chrétiens dans le monde et maintenant sous le contrôle de Daesh ?

En Syrie et en Irak, durant ces quatre dernières années de guerre, il y a eu des dizaines, sinon des centaines, de lieux de culte chrétien détruits ou profanés par des fondamentalistes islamistes. Peu importe qu’il s’agisse d’églises modernes ou de sites archéologiques : chaque bâtiment qui porte la marque de la foi chrétienne (croix, statues de la Vierge Marie et des saints) est considéré, dans la logique folle des terroristes, comme un lieu de «polythéisme» qui mérite d’être détruit.

Il y a quelques jours, les télévisions du monde entier ont relayé des photos satellites du monastère de Saint Elie près de la ville irakienne de Mossoul. Les images montrent le site archéologique avant et après sa destruction totale à l’été 2014 – quelques semaines après la conquête de Mossoul par l’Etat islamique – que l’on ne découvre qu’aujourd’hui. Le monastère, fondé en 590 après JC, avait résisté à quatorze siècles de conquêtes et de persécutions, devenant l’un des plus précieux pour les chrétiens assyriens d’Irak. Il s’agit d’une grande perte et non pas seulement pour les croyants.

Quatorze mois se sont écoulés entre le moment où le monastère de Saint Elie a été détruit et aujourd’hui. Cela signifie que la profanation des églises – même ancienne – n’est pas divulguée, à des fins de propagande, par les terroristes. Par conséquent, on peut penser que la liste connue, à ce jour, des lieux de culte chrétien détruits est à la fois erronée et incomplète. Faire défiler cette liste des lieux dont nous avons déjà connaissance est effrayant.

Déjà en 2013, quand l’Etat Islamique mit la main sur Raqqa, les deux églises de la ville syrienne furent profanées. En septembre 2013, ce sont les terroristes d’Al Nusra qui occupèrent la ville chrétienne de Maaloula, dans les montagnes entre Damas et le Liban, avec ses 5000 habitants pour la plupart chrétiens et qui parlent encore l’araméen, la langue utilisée par Jésus. L’ancienne église de Saints-Serge-et-Saint-Bacchus, datant du IVe siècle, et le monastère de Sainte Thècle, furent profanés et détruits (au bout de quelques mois, l’armée gouvernementale soutenue par le Hezbollah, reprit la ville et rendit ces lieux de culte aux chrétiens).

L’été 2014 a aussi été un moment crucial : le 29 juin, Abou Bakr Al-Baghdadi se proclamant calife de l’État islamique, les actions de propagande fondamentaliste augmentèrent. Au cours de ces semaines, les cinquante églises de Mossoul, nouvellement conquises par Daesh, furent profanés et détruites (entre août et septembre le monastère de Saint Elie, décrit ci-dessus, subit le même sort). En septembre, à Tikrit en Irak, l’Etat islamique détruisit la dite «Église verte», datant du VIIe siècle, très chère aux chrétiens assyriens. Durant le même mois, fut détruite en la ville de Deir Ezzor l’église-mausolée du génocide arménien, construite pour commémorer le massacre en ce lieu de 200.000 chrétiens arméniens en 1916. A l’automne 2014, en Syrie, ce furent les paroisses franciscaines situées dans les villages de la vallée Oronte, près de la frontière avec la Turquie, qui furent profanés : croix démolies, destruction des symboles chrétiens. En 2015, fut rasé le monastère de Mar Elian (cinquième siècle), dont le prieur, le père Jacques Mourad, avait été enlevé par les terroristes (pour rappel il avait réussi à s’échapper après cinq mois de captivité en octobre dernier). Enfin, selon les informations de l’agence internationale des chrétiens assyriens, au début de l’année 2015, une attaque de l’Etat islamique a été menée dans la vallée chrétienne du Khabur (province de Hassaké) et onze églises d’autant de villages ont été mises à terre.

L’espoir de tous, en Syrie et en Irak, est de voir cette destruction systématique de l’histoire de la présence chrétienne prendre fin. Cependant, il est à croire que, où ils arrivent, les terroristes de l’Etat islamique ne perdent pas une chance de détruire toute présence chrétienne. Quel pourrait être leurs prochaines cibles ? La Syrie est la terre où le christianisme a pris racine à partir du premier siècle et est riche en preuve de l’ancienne présence chrétienne. Par exemple, dans la zone située entre la ville de Idlib et la frontière avec la Turquie, territoire désormais sous l’influence des militants islamistes, se trouvent les restes de dizaines d’églises chrétiennes datant du quatrième siècle et que les Franciscains de la Custodie ont contribué à faire connaitre et valoriser.

Dans les zones sous le contrôle du gouvernement du président Bachar al-Assad, le danger pour les églises vient du ciel comme à Alep, où en octobre dernier la paroisse Saint-François, tenue par les frères de la Custodie, a été touchée en pleine messe par un obus de mortier tiré par les rebelles. Le massacre a été évité de peu, il n’y a eu « que » sept blessés. Les fidèles se sont immédiatement précipités de leurs maisons pour réparer les dégâts et nettoyer l’église.

Pour ceux qui veulent explorer le thème des reliques chrétiennes en Syrie terrasanta.net recommande le livre Eglises syriennes du quatrième siècle (Edizioni Terra de Santa 2014 -. II ed), disponible en ligne en langue italienne.