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La guerre démographique aura-t-elle lieu ?

Mélinée Le Priol
6 février 2016
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Le Bureau palestinien des statistiques a estimé le 31 décembre dernier que d'ici à 2020, les Palestiniens seraient plus nombreux que les Juifs israéliens sur l'ensemble du territoire Israël-Palestine (7, 13 millions contre 6, 96 millions). Youssef Courbage, démographe spécialiste du Proche-Orient, ne croit pas pour autant que cette nouvelle donne servira la cause palestinienne.


Le Bureau palestinien des statistiques a estimé le 31 décembre dernier que d’ici à 2020, les Palestiniens seraient plus nombreux que les Juifs israéliens sur l’ensemble du territoire Israël-Palestine (7, 13 millions contre 6, 96 millions). Youssef Courbage, démographe spécialiste du Proche-Orient, ne croit pas pour autant que cette nouvelle donne servira la cause palestinienne.

 

Comment expliquer ces prévisions ?

Par le phénomène de l’inertie démographique, qui contrebalance celui d’une natalité palestinienne en diminution face à une natalité juive en expansion. En clair, même si une population voit sa natalité baisser, elle peut garder un fort potentiel de croissance. La natalité de population palestinienne a beau avoir beaucoup baissé ces dernières années (huit enfants par femme dans les années 1960, et « seulement » 4,1 aujourd’hui), elle jouit pour encore quelque temps d’un potentiel de croissance plus élevé que la population juive.

 

Ce changement de donne aura-t-il un impact politique ?

A mon avis, non. Tant que la bande de Gaza restera détachée de l’ensemble palestinien, les Juifs israéliens garderont la majorité démographique. Ils sont donc encore tranquilles un certain temps, puisqu’ils font grand cas de la démographie. Il faut dire que le projet israélien implicite est celui d’un seul Etat qui s’accommoderait de quelques enclaves palestiniennes (les villes et pourtours de Ramallah, Naplouse, Jénine, etc.) mais sans Gaza. D’autre part, la population israélienne connaît un fort regain de sa natalité : plus de trois enfants par femme, soit le double de la plupart des pays d’Europe.

 

Pourquoi ?

Parce que nationalisme et démographie vont souvent de pair. Les Israéliens sont convaincus qu’ils doivent gagner la « bataille démographique » sur les Palestiniens, alors Israël encourage beaucoup la natalité. Dans les zones de friction, comme à Jérusalem et dans les colonies de Cisjordanie, la fécondité juive est particulièrement élevée : plus de cinq enfants par femme en 2014 ! Cela crée un décalage angoissant pour les Palestiniens, étant donné que leur fécondité, pourtant élevée (3,7 enfants par femme Cisjordanie), est bien plus basse que celle des colons.

 

Et à Gaza ?

La dernière enquête en 2014 fait état de 4,5 enfants par femme. On en déduit que le centre de gravité démographique de la Palestine se déplace inexorablement de Cisjordanie vers Gaza.

 

Cette surfécondité de Gaza est-elle politique ?

Oui, je pense. Il pourrait s’agir d’une forme de revanche par rapport à l’histoire, étant donné que la majorité des Gazaouis sont des réfugiés qui ont dû quitter leurs maisons après 1948… Ils sont aussi plus politisés que les Palestiniens de Cisjordanie. Cela expliquerait que les discours politiques sur l’importance de la famille nombreuse pour la cause palestinienne (notamment ceux de Yasser Arafat) aient été mieux suivis dans la bande de Gaza, moins « embourgeoisée » que la Cisjordanie. Là, au contraire, le bien-être des familles prime aujourd’hui sur les injonctions des politiques.

 

Qu’en est-il de l’immigration juive vers Israël ?

Elle reste positive, même si elle a beaucoup diminué ces dernières années. Notons que beaucoup de Juifs de l’extérieur viennent directement s’installer dans les colonies de Cisjordanie. Cela accentue l’essor démographique de ces colonies, en plus de leur natalité exubérante. Bien sûr, ceci est orchestré par le politique, puisque les terrains y sont moins chers qu’ailleurs en Israël et qu’il existe de fortes subventions de l’Etat et de l’Agence juive pour s’installer dans des colonies.