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Abdallah II à Rome après avoir reçu les Eglises de Jérusalem

Christophe Lafontaine
19 décembre 2017
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Abdallah II à Rome après avoir reçu les Eglises de Jérusalem
Le pape François et le roi Abdallah II lors de leur rencontre en 2014 à l'occasion du voyage papal ©Mounir Hodali/lpj

Le roi de Jordanie a rencontré le pape le 19 décembre 2017 au Vatican au lendemain du veto américain sur une résolution de l’Onu concernant Jérusalem. Dimanche, le roi avait reçu une délégation des Eglises de Jérusalem.


« Le thème de la promotion de la paix et de la stabilité au Moyen-Orient, avec une référence particulière à Jérusalem et au rôle du souverain hachémite comme gardien de lieux saints. » Voilà le cœur de la rencontre du roi de Jordanie avec le pape François mardi 19 décembre 2017. A quelques jours de Noël, Abdallah II s’est rendu au Vatican pour s’entretenir également avec le Cardinal Parolin, Secrétaire d’Etat, accompagné de Mgr Gallagher, Secrétaire aux Relations avec les Etats. Au vu du contexte régional et international suite à la reconnaissance unilatérale des Etats-Unis de reconnaître Jérusalem, comme capitale d’Israël, un communiqué de presse du Saint-Siège indique que les deux hommes se sont réengagés « à encourager les négociations entre les parties intéressées (ndlr : entre Israéliens et Palestiniens), ainsi qu’à promouvoir le dialogue interreligieux. » Les protagonistes ont aussi souligné, complète le communiqué, « l’importance d’aider les chrétiens à rester au Moyen-Orient » en reconnaissant « les contributions positives qu’ils apportent aux sociétés de la région, dont ils font partie intégrante. » Le roi a par ailleurs offert un tableau représentant la vieille ville de Jérusalem, où figurent le dôme du Rocher et l’église du Saint-Sépulcre dominée par sa croix, a précisé l’AFP.

Contre la judaïsation de Jérusalem

Le dimanche 17 décembre, deux jours avant sa rencontre avec le Saint-Père, le monarque hachémite considéré comme le protecteur des lieux saints musulmans et chrétiens à Jérusalem a reçu, sur le site du baptême du Christ en Jordanie, une délégation des chefs des Eglises chrétiennes de Jérusalem. Accompagné de nombreux responsables jordaniens dont le  Prince Ghazi Ben Mohammed, conseiller spécial auprès du roi pour les affaires religieuses et culturelles, le Premier ministre du royaume, le chef de la Cour royale, un certain nombre de ministres et d’autres hauts fonctionnaires, le monarque a présenté solennellement ses vœux à la communauté chrétienne en Jordanie, en Palestine et dans le monde arabe pour les fêtes de Noël. Selon Petra, l’agence de presse officielle du pouvoir jordanien, le roi a souhaité saluer la fraternité entre musulmans et chrétiens dans le royaume, qui constitue – selon lui –  un modèle d’harmonie et de coexistence.

Parmi les chefs religieux  présents, on comptait l’administrateur apostolique du patriarcat latin de Jérusalem, Mgr Pizzaballa, et son vicaire pour la Jordanie Mgr Shomali, ainsi que le patriarche grec-orthodoxe, Mgr Theophilos III, le Custode de Terre Sainte, le Père Francesco Patton, l’évêque luthérien Munib Younan ainsi que des membres du Waqf islamique, organisation jordanienne en charge des lieux saints musulmans sur l’esplanade des mosquées (Mont du Temple pour les juifs), dans la Vieille Ville de Jérusalem.

Les dignitaires religieux ont répété leur opposition à la reconnaissance américaine de la ville en tant que capitale d’Israël et ont « souligné que cette décision est illégale, qu’elle sape la paix et qu’elle est contraire aux enseignements chrétiens ». Ils ont par ailleurs condamné « toutes les tentatives de judaïsation de Jérusalem ou d’oblitération de son identité arabe », a fait savoir l’agence de presse jordanienne.

Dans leur message de Noël publié hier, lundi 18 décembre 2017, sur le site du Patriarcat latin de Jérusalem, les 13 Patriarches et chefs d’Eglises et de communautés chrétiennes présentes en Terre Sainte ont rappelé que toute prétention de vouloir exercer une possession exclusive sur Jérusalem ouvre la route à une « situation vraiment obscure » et contredit « l’essence et les caractéristiques de la Ville Sainte. » Une telle attitude « foule aux pieds le mécanisme même qui a préservé la paix au travers des époques » ont-ils insisté. Ils ont en outre réaffirmé la position commune qui est la leur « en faveur du statu quo de la Ville Sainte jusqu’à l’avènement d’un juste accord de paix entre Israéliens et Palestiniens sur la base des négociations et des lois internationales ». Le statu quo est un ensemble de principes régissant les Lieux Saints dans la Vieille Ville de Jérusalem, mis en place afin de faire respecter les croyances des juifs, des chrétiens et des musulmans. Les chrétiens de Terre Sainte – peut-on lire également dans leur message  – savent que leur présence et leur témoignage « est strictement liée aux Lieux Saints et à leur accessibilité » qui fait de la ville un lieu potentiel de rencontre et d’unité entre « personnes de fois différentes. »

Lutte pacifique

Ce matin, mardi 19 décembre, rapporte l’agence Fides, une trentaine de Chefs et de représentants des Eglises et communautés chrétiennes de Terre Sainte a été reçue à Ramallah au siège de l’Autorité Palestinienne pour l’échange, là aussi, des vœux de Noël. « Certaines déclarations récentes visent à nier notre histoire mais ceci est notre terre et les palestiniens continueront à lutter de manière pacifique » a déclaré le président palestinien Mahmoud Abbas.

Le statut de Jérusalem est la question la plus épineuse à débrouiller dans l’écheveau du conflit israélo-palestinien. Israël voit la ville entière comme sa capitale indivisible, tandis que les Palestiniens veulent que Jérusalem-Est – que la communauté internationale considère comme ayant été annexé par Israël – devienne la capitale de leur futur Etat.

La reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par les Etats-Unis a déclenché la colère des Palestiniens, provoquant une levée de bouclier quasi unanime de la communauté internationale et des manifestations dans le monde musulman qui se sont soldées en Terre Sainte par la mort de huit Palestiniens depuis le 6 décembre dernier, jour du discours de Donald Trump. Notons que le président américain n’a pas spécifié les limites de la souveraineté israélienne dans la ville, et a appelé à ne pas changer le statu quo dans les Lieux saints de la ville.

Un veto sur la paix ?

Une résolution du Conseil de sécurité de l’Onu, soumise hier, a appelé Donald Trump à revenir sur sa décision. En vain, Washington a opposé lundi soir son veto, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité. Les quatorze autres membres du Conseil de sécurité ont voté pour la résolution considérant que le statut de Jérusalem doit être fixé par une négociation entre Israéliens et Palestiniens. Si ce recours au veto confirme l’isolement de l’administration Trump à l’international, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a en revanche exprimé sa reconnaissance envers les Etats-Unis après le veto mis par ces derniers à cette résolution. « Merci madame l’ambassadrice Haley [et merci] président Trump, vous avez allumé une bougie de vérité, dissipé les ténèbres », a réagi sur Twitter le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, en cette période des fêtes d’Hannouka, « la fête des lumières ». Nabil Abou Roudeina, porte-parole du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abba  a déclaré à l’AFP que « le recours condamnable et inacceptable des Etats-Unis au veto menace la stabilité de la communauté internationale par l’absence de respect qu’il révèle. »

Le 13 décembre, des leaders musulmans ont appelé le monde à reconnaître Jérusalem-Est comme capitale d’un Etat palestinien, à l’issue d’un sommet extraordinaire de l’Organisation de la Coopération islamique (OCI) à Istanbul. Le 17 décembre, Recep Tayyip Erdogan espérait que la Turquie ouvrirait bientôt une ambassade à Jérusalem-Est en tant que capitale d’un Etat palestinien.