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Israël a commencé à mettre en prison les migrants

Christophe Lafontaine
23 février 2018
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Israël a commencé à mettre en prison les migrants
L'expulsion ou la prison. Près de 40 000 demandeurs d'asile entrés illégalement en Israël sont confrontés à ce choix d'ici le 1er avril 2018. ©Flash90

Des centaines de migrants africains ont entamé une grève de la faim mardi 20 février alors qu'Israël a mené les premières arrestations en vertu d'un plan controversé leur donnant le choix entre l’expulsion et la prison.


Ils sont les premiers à se voir appliquer la nouvelle politique de l’Etat hébreu en matière d’immigration. Sept demandeurs d’asiles érythréens visés par des procédures d’expulsion ont été incarcérés mardi 20 février 2018 en Israël après avoir refusé de quitter le pays, a fait savoir l’agence de presse missionnaire catholique AsiaNews.

Ils ont été conduits à la prison de Saharonim dans le désert du Négev. Auparavant, ils étaient détenus à Holot (aussi dans le sud d’Israël), un centre de détention mis en place il y a quatre ans pour les demandeurs d’asile pouvant être libres la journée mais devant émarger le soir.

Parmi les sept Erythréens incarcérés mardi, deux d’entre eux ont survécu à la torture dans le Sinaï, rapporte AsiaNews. Mais aucun d’eux n’a été reconnu comme demandeurs de l’asile politique. Ils resteront donc en prison indéfiniment. A moins qu’ils ne changent d’avis et décident d’accepter  l’expulsion.

Les nouvelles règles prises par le gouvernement du premier ministre israélien Benyamin Netanyahu le 3 janvier dernier stipulent que les Erythréens et les Soudanais – considèrés comme des « infiltrés illégaux » – qui n’ont pas de demande d’asile en cours d’instruction peuvent être expulsés avec 3 500 dollars et un billet d’avion vers un pays tiers – probablement le Rwanda et l’Ouganda, en vertu d’accord financiers non-confirmés. Sinon, c’est la prison illimitée. A l’heure actuelle, rappelle AsiaNews, il y a un peu moins de 40 000 Erythréens et Soudanais en Israël. Les migrants sont pour la plupart entrés illégalement en Israël via le Sinaï égyptien à compter de 2006-2007. Un flux enrayé avec la construction par l’Etat hébreu d’une clôture le long de la frontière avec l’Egypte.

Protestations

En signe de protestation contre les arrestations, les réfugiés détenus dans le camp de Holot ont entamé une grève de la faim. Sur les 900 demandeurs d’asile détenus dans ce centre, 100 ont reçu la notification d’expulsion, d’après la chaîne de télévision israélienne i24news.

Selon les rapports gouvernementaux, Israël prétend vouloir expulser 7 200 personnes par an. S’ils refusent, il y aura un problème de capacité. Les prisons israéliennes ne pouvant pas accueillir des milliers de migrants dans leurs murs, a indiqué le service de détention du pays.

Le plan du gouvernement – précise l’AFP – qui touche dans un premier temps les hommes seuls qui n’ont pas soumis de demande d’asile, ou dont la demande a été rejetée, a été farouchement critiqué par l’agence de l’Onu pour les réfugiés (HCR), les responsables de l’Eglise catholique de Terre Sainte, d’intellectuels, des médecins, et des rescapés de la Shoah.

Cependant, i24news indique qu’un sondage réalisé en janvier a révélé que 56% des Israéliens soutiennent les expulsions, notamment si la force n’est pas employée. En revanche, un tiers des Israéliens s’opposent au renvoi des migrants. Plusieurs manifestations ont eu lieu depuis le début de l’année condamnant la décision gouvernementale.

Le tribunal de l’espoir ?

Pour mettre de l’eau à leur moulin, RFI s’est fait l’écho d’une décision de justice qui pourrait changer le cours des choses. Un tribunal de Tel Aviv a rendu jeudi 15 février un arrêt qui pourrait contrarier le projet gouvernemental d’expulser d’ici le mois d’avril plusieurs milliers d’exilés érythréens, environ 20 000 sont entrés illégalement en Israël, a fait savoir la radio française. Le tribunal a estimé que la désertion de l’armée érythréenne était « une base solide de persécution » et que les réfugiés qui avaient quitté clandestinement les rangs des forces de sécurité pouvaient donc, légitimement, obtenir l’asile politique en Israël. Jusqu’ici, ce motif ne suffisait pas pour obtenir ce statut.

Pour Ori Lahat, qui dirige une ONG de défense des migrants africains, la décision du tribunal constitue un tournant qui devrait normalement se traduire par un arrêt des projets d’expulsion. Yossi Edelstein, chef de la police et des affaires étrangères à l’Autorité de l’immigration et des frontières, a cependant déclaré – rapporte le Times of Israel, que le ministère de l’Intérieur est toujours en train de déterminer comment l’arrêt affectera les Erythréens qui ont demandé l’asile.

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