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Jordanie: première fête interreligieuse de l’Annonciation

Christophe Lafontaine
27 mars 2018
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La prochaine célébration de l’Annonciation en Jordanie rassemblera chrétiens et musulmans pour la première fois, a annoncé le 20 mars, le Centre Catholique d'Etudes et de Médias (CCSM), auteur de l’initiative.


Le 28 mars sera à marquer d’une pierre blanche en Jordanie. Pour la première fois dans le royaume, l’Annonciation sera l’occasion d’une célébration islamo-chrétienne. L’événement servira à souligner « l’importance de Marie dans le Coran, et la valeur du récit de l’Annonciation dans l’Evangile de Luc », a voulu faire remarquer à l’agence AsiaNews Mgr William Shomali, vicaire patriarcal du Patriarcat latin à Amman. De fait, la Bible et le Coran affirment que le Christ est né de Marie à travers une naissance virginale. « Que sa signification religieuse incite à enrichir notre unité nationale et notre cohésion sociale », espère le père Rifat Bader, directeur du Centre Catholique d’Etudes et de Médias (CCSM) en Jordanie qui en a fait l’annonce via abouna.org, site catholique arabe.

Dans sa lettre publiée le 20 mars 2018 (en anglais et en arabe), le prêtre du patriarcat latin explique que l’initiative émane du CCSM en collaboration avec les responsables des Eglises chrétiennes de Jordanie. La solennité mariale devrait ainsi être organisée chaque année dans tout le pays pour favoriser le dialogue entre chrétiens et musulmans, autour de Marie. Pour cette première édition, elle sera placée sous le patronage du vice-Premier ministre Jamal Sarayrah en présence notamment de représentants du département général de l’Iftaa (plus haute autorité religieuse de Jordanie), du ministère des Affaires islamiques et du Waqf (biens religieux) et bien sûr des chefs des Eglises chrétiennes en Jordanie. Un concert est prévu à Amman.

Le père Bader explique l’origine de l’initiative en se référant aux propos que le monarque hachémite avait tenus lors  de la 71ème Assemblée générale des Nations Unies le 20 septembre 2016.  Le roi Abdallah II avait alors déclaré que le Coran cite abondamment Jésus (25 fois) et la Vierge Marie (35 fois), reconnue comme  « la meilleure de toutes les femmes dans la création. » Le souverain avait alors accusé les « khawarij » (les hors-la-loi de l’Islam,)  de dissimuler délibérément ces vérités pour séparer musulmans et non-musulmans. Et le monarque d’avertir : «  nous ne pouvons pas permettre que cela se produise. »

Fête nationale au Liban

C’est dans cette lignée que le père Rifat Bader écrit que « la Vierge Marie rassemble » les chrétiens et les musulmans et  qu’elle n’est « ni une source de controverse ni de dispute. » Ajoutant que l’épisode de l’Annonciation est pertinemment mentionné dans la Bible comme dans le Coran. Et revenant à son pays, le père jordanien explique que « depuis la création de l’Emirat de Jordanie en 1921, et quelques années après la Grande Révolte arabe, dont le centenaire a été marqué il y a deux ans, les chrétiens et les musulmans ont vécu côte à côte et ont contribué à l’établissement de l’Emirat de Jordanie. Plus tard reconnu comme le Royaume hachémite de Jordanie. »

En ce sens, l’initiative jordanienne veut s’inspirer de l’exemple libanais, où l’Annonciation, chaque 25 mars (reportée cette année au 9 avril à cause du Dimanche des Rameaux selon le calendrier grégorien), est depuis 2010 une fête nationale. Qui plus est, fériée. « La Solennité chrétienne de l’Annonciation du Seigneur a été reconnue comme fête nationale libanaise dans le but déclaré de trouver dans la dévotion à Notre-Dame – partagée également par les musulmans – un point de convergence entre les différentes communautés religieuses, afin de désamorcer également de cette manière les tensions sectaires qui pèsent toujours sur la coexistence sociale dans le pays et qui, cette année, risquent de se rallumer notamment en vue des élections législatives, prévues pour le 6 mai prochain », rapporte l’agence Fides.

Ce n’est donc pas un hasard si des membres du « Comité national libanais pour la célébration de la fête et de l’Annonciation »  seront présents en Jordanie le 28 mars.

Pour le père Bader, la Jordanie a toute légitimité pour se lancer dans ce qu’il appelle « une nouvelle renaissance de l’harmonie et de la fraternité islamo-chrétienne. » Mettant en avant le « message d’Amman » de 2004 lancé par le Roi Abdallah II de Jordanie qui avait alors invité à l’unité entre musulmans, en soutenant le véritable Islam et en combattant l’extrémisme.

A cette déclaration, on peut ajouter que la Jordanie a proposé l’idée d’une « semaine mondiale d’harmonie interconfessionnelle » à l’Assemblée générale de l’Onu en septembre 2010. Proposition qui a été acceptée à l’unanimité. Désormais l’événement est célébré depuis 2011 chaque année au cours de la première semaine de février.  « Les religions doivent faire partie des solutions et non pas des problèmes », avait alors souligné le Prince Ghazi Ben Mohammed de Jordanie (conseiller spécial auprès du roi son cousin pour les affaires religieuses et culturelles), en présentant la résolution.

Notons aussi que la Jordanie a également organisé à Amman, sa capitale, une « Conférence internationale sur les défis des chrétiens arabes » en 2013. Environ 70 patriarches, délégués patriarcaux, évêques, prêtres et autres responsables de l’ensemble des communautés chrétiennes de la région s’étaient ainsi retrouvés deux jours durant sur le territoire jordanien.