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Gilets jaunes: émulation en Israël, méfiance en Egypte

Christophe Lafontaine
13 décembre 2018
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Gilets jaunes: émulation en Israël, méfiance en Egypte
Appel sur Facebook à manifester à Tel Aviv et Jérusalem en gilet jaune le 14 décembre

Un appel à manifester en gilet jaune demain en Israël est lancé contre la hausse des prix. L’Egypte, elle, à l'aube de l’anniversaire des révoltes de janvier 2011, craint une récupération du symbole fluo.


Y a-t-il un risque de contagion de fièvre jaune en Orient ? En Israël, un appel à se mobiliser « à la française » vendredi 14 décembre circule sur Facebook. « Les prix montent partout et nous en avons marre. Tout le monde dans les rues avec des gilets jaunes ! », ont lancé les organisateurs de l’événement. L’influence du mouvement social français contre la baisse du pouvoir d’achat est clair d’autant qu’il s’inspire d’une photo récente capturée lors des manifestations à Paris devant l’Arc de Triomphe pour dénoncer initialement l’augmentation des taxes sur le carburant. Une revendication qui s’est depuis élargie.

Ceux qui se revendiquent comme les « gilets jaunes » en Israël veulent protester demain de 12h à 15h à Tel Aviv et Jérusalem (à Tsarfat square – place de la France – tout un symbole !) contre l’augmentation des prix de l’électricité, de l’eau et de certains produits alimentaires.  Selon le journal financier israélien Globes, les prix de l’électricité devraient augmenter entre 6% et 8% le 1er janvier 2019 et les prix de l’eau de 4,5%. Les taxes municipales augmenteront de 2% en 2019. D’après la même source, les opérateurs de téléphonie mobile ont annoncé des hausses de prix dans leurs forfaits mensuels. Et ce, « alors que neuf des dix plus grands producteurs et distributeurs de produits d’alimentation et d’articles ménagers en Israël (ndlr : représentant 56% du marché) ont augmenté leurs prix en 2018 », rapporte le journal économique qui rajoute que « des dizaines de petits producteurs et distributeurs ont déjà envisagé d’augmenter leurs prix ou envisagent de le faire. » Eux aussi.

« Où est le gouvernement qui a promis de prendre en charge le coût de la vie ? Pourquoi les prix continuent-ils d’augmenter, nos salaires sont gelés et personne à Jérusalem ne s’en soucie ?! » s’exaspèrent les leaders israéliens du mouvement qui veulent prendre exemple sur les français qui « font du bruit jusqu’à ce que le gouvernement les écoute. » Afin que cela « se produise également en Israël », lancent-ils à la fin de leur communiqué publié sur Facebook. 

A 15h (heure d’Israël) ce 13 décembre 2018, soit moins de 24 heures avant le début des manifestations des « gilets jaunes » israéliens, 1500 personnes avaient répondu présentes. Et 3000 s’étaient dites intéressées.

Les motivations de cet événement ne sont pas sans rappeler celles de « la révolte des tentes » en 2011 et 2012, ce mouvement social israélien souvent rapproché de celui des « indignés ». Cette mobilisation sans précédent s’était levée contre le coût élevé des logements en Israël puis s’était étendue à la vie chère. En août 2011, des milliers personnes (étudiants, retraités, salariés) avaient planté leurs tentes un peu partout dans les villes du pays. Après l‘été 2001, les prix avaient diminué de 2% avant que cette tendance ne s’inverse, avec une hausse de 11% des prix des produits frais et de 8% des prix de la viande sur les cinq années suivantes.

Effet domino dans les pays arabes ?

De l’autre côté de la frontière ouest d’Israël, en Egypte, « par peur de la contagion », a rapporté l’AFP, les ventes de gilets de sécurité fluo sont désormais soumises au contrôle de la police et interdites aux particuliers. Cette interdiction devrait perdurer jusqu’à la fin du mois de janvier. Pourquoi ? Parce que les autorités égyptiennes voient dans le désormais célèbre gilet jaune un symbole de contestation voire de résistance en France qui pourrait être récupéré contre le régime d’Abdel Fatah al-Sissi, l’actuel président égyptien, et faire des émules à l’approche du 25 janvier 2019, date anniversaire du soulèvement populaire qui avait entraîné la chute de l’ex-président égyptien Hosni Moubarak en 2011. Pour mémoire, ces deux dernières années, les autorités égyptiennes ont réprimé – parfois violemment – les manifestations destinées à célébrer le 25 janvier.

En Irak, des centaines de manifestants se sont mobilisés à Bassora, dans le sud du pays. Ces « gilets jaunes » réclament de meilleurs services et un meilleur accès à l’électricité et l’eau potable tout en manifestant contre la corruption endémique de la grande cité pétrolière. On les voit donc affublés de gilets de sécurité fluorescents, « comme à Paris », souligne la presse locale. Mais cependant ils en revendiquent l’antériorité. « Nous sommes les premiers à en avoir arboré, dès 2015, quand nous voulions signifier que nous étions des éboueurs venus pour enlever les détritus politiques », a confié un militant au journal cité par le quotidien Al-Mada.

Vu comme « symbole de la résistance contre toutes les formes d’oppression », le gilet jaune a aussi été porté par des Palestiniens à Hébron comme l’a indiqué le site musulman francophone Oumma.com début décembre. Le lieu était symbolique puisque la photo a été prise à l’intérieur du Tombeau des Patriarches.