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« La paix en Terre Sainte, nous la confions aux femmes »

Nello Del Gatto
5 décembre 2018
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« La paix en Terre Sainte, nous la confions aux femmes »
Le docteur Izzeldin Abuelaish. ©Hadas Parush/Flash90

En 2009, le médecin palestinien Izzeldin Abuelaish a perdu trois filles à Gaza, tuées par une frappe d'artillerie israélienne pendant l'opération Plomb durci. Pour lui, la paix doit trouver de nouvelles voies, ouvertes par les femmes.


Pour la paix en Terre Sainte, il est nécessaire de faire jouer la diplomatie des femmes. Izzeldin Abuelaish en est convaincu ; pour lui, après des années de vaines négociations, de tentatives plus ou moins significatives, il est temps de changer de cap et de confier la résolution du conflit israélo-palestinien aux femmes et à leurs compétences.

 

Médecin originaire de Gaza, en Palestine, spécialisé dans les traitements de l’infertilité, Izzeldin a malheureusement fait la une des journaux du monde entier, lorsquen janvier 2009, un char israélien, dans le cadre de l’opération Plomb durci, a frappé sa maison en tuant trois de ses filles – Bessan, Mayar et Aya – qui avaient respectivement 21 ans, 15 ans et 13 ans. Veuf, sa femme ayant succombé seulement quatre mois plus tôt à un cancer, Izzeldin a lentement recommencé à vivre malgré la tragédie, en faisant de son travail, mais aussi de la cause palestinienne, sa raison de vivre. Il vit au Canada depuis plusieurs années et travaille à l’Université de Toronto, mais n’a jamais oublié son peuple ni son désir de justice. Il est retourné depuis quelques jours en Terre Sainte pour assister au premier congrès international sur l’élimination des obstacles à la paix au Moyen-Orient, organisé le 27 novembre dernier à Tel Aviv par le mouvement Women Wage Peace. (Les femmes œuvrent pour la paix)

 

« Il devrait y avoir plus de femmes conviées à la table des négociations – a déclaré le médecin lors de la conférence – car les femmes donnent la vie et donc en connaissent mieux que quiconque la valeur. Je suis sûr qu’elles pourraient obtenir des résultats là où beaucoup d’hommes ont échoué. Les hommes sont principalement motivés par leur ego incommensurable. Ils ont essayé pendant 100 ans de trouver des solutions, en vain. Il est temps de changer de cap, d’essayer de nouvelles voies ».

 

En mémoire de ses filles, le médecin palestinien a créé la fondation Daughters for life (Filles pour la vie), fondée sur l’idée que le changement de société et la solution aux problèmes du Moyen-Orient passeront par l’éducation des jeunes femmes, auxquelles Il faut donner plus de place et de pouvoir au sein de la société et des institutions. C’est justement dans ce but que la fondation attribue également des bourses aux femmes qui le méritent, et qui sans cela ne pourraient pas avoir accès aux études à cause des barrières sociales ou économiques. « J’ai tout perdu – raconte Abuelaish – Je sais ce que j’ai perdu et cela ne me sera jamais rendu. Mais en tant que médecin et en tant qu’homme de foi, je ne dois pas abandonner, je dois penser aux lueurs d’espoir, je suis poussé par l’esprit de mes êtres chers. Je le leur dois, je dois leur rendre justice ».

 

Le médecin palestinien vit beaucoup à l’étranger, mais il reste toujours en contact avec sa famille et ses amis restés à Gaza, et est très inquiet pour son peuple : « La situation à Gaza est terrible » – a-t-il déclaré à la presse à la fin de la conférence – les enfants sont privés de leur enfance, vivent dans la pauvreté, ils souffrent et sont constamment menacés. C’est absurde de penser que là-bas, les jeunes de 15 ans ont déjà vécu trois guerres ». Auteur, en 2010, du livre I shall not hate (traduit en français par les éditions Robert Laffont en 2011 sous le titre Je ne haïrai point – ndlr) et détenteur de nombreux prix, Izzeldin Abuelaish, pense qu’outre les femmes, les médecins aussi, s’ils exercent leur profession comme une mission, pourraient jouer un rôle fondamental en tant que médiateurs de paix. Lui-même, par sa vie, est le symbole d’un pont possible entre les deux peuples, ce n’est pas un hasard s’il a été le premier Palestinien à occuper un poste permanent dans un hôpital israélien ; il parle aussi très bien l’hébreu. Pour lui, la paix est possible et doit être recherchée à travers la diplomatie, la culture et la lutte contre la corruption et les intérêts personnels. Jamais par la violence, condamnable quelle que soit son origine.

« La situation est toujours difficile – a-t-il déclaré – mais je suis optimiste et j’espère qu’à un moment donné, il y aura un leadership avisé, pas comme celui de Benjamin Netanyahu, qui reconnaisse les droits du peuple palestinien, tout comme les Palestiniens devront reconnaître l’État d’Israël. C’est le seul moyen de pouvoir mettre fin à cette situation de tension et de conflit permanent ».