Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Unité des primats d’Alexandrie, Antioche, Jérusalem, Chypre

Christophe Lafontaine
25 avril 2019
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L'archevêque de Chypre Chrysostome II, le patriarche d'Antioche Jean X, le patriarche d'Alexandrie Theodoros II, le patriarche de Jérusalem Théophilos III © Patriarcat orthodoxe d'Antioche

A Chypre, le 18 avril, trois primats des patriarcats orthodoxes les plus anciens (Alexandrie, Antioche et Jérusalem), et l’archevêque de Chypre ont abordé la question ukrainienne et le sort des chrétiens au Moyen-Orient.


A l’invitation de Chrysostome II, archevêque orthodoxe de Chypre, les patriarches orthodoxes Théodore II d’Alexandrie, Jean X d’Antioche et Théophile III de Jérusalem se sont retrouvés à l’archevêché de Chypre à Nicosie.

Bien que l’Eglise de Chypre ne soit pas un patriarcat, elle doit son autocéphalie (très ancienne aussi) à un concile œcuménique (en 431) à l’instar des trois anciens patriarcats précités. Ces derniers, avec le Patriarcat de Constantinople et Rome, conformément au découpage des provinces de l’empire romain formaient la « pentarchie ». Après la sortie de Rome de la communion des Eglises orthodoxes en 1054, la pentarchie s’est trouvée réduite aux anciens Patriarcats de Constantinople, d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem.

Il est intéressant de noter que le 18 avril dernier, aux côtés du primat de Chypre, trois d’entre eux se sont retrouvés pour discuter de la question ukrainienne, de leur propre chef, sans la participation du Patriarcat de Constantinople qui a octroyé il y a quatre mois l’autocéphalie à l’Eglise orthodoxe d’Ukraine, en lui accordant le « tomos » c’est-à-dire l’indépendance canonique. Au grand dam de l’Eglise russe, jusqu’alors seule Eglise canonique sur le territoire ukrainien, qui a alors interrompu la communion eucharistique avec Constantinople. Provoquant ipso facto un schisme entre ces deux Eglises. Ce qui signifie que désormais, tout prêtre orthodoxe relevant du Patriarcat de Moscou se voit interdit de concélébrer avec des prêtres de l’Eglise orthodoxe sous égide constantinopolitaine.

En ce sens, les conclusions de la synaxe (assemblée) des quatre primats orthodoxes réunis à Chypre étaient attendues ou plutôt surveillées par le Patriarcat œcuménique de Constantinople, le Patriarcat de Moscou, la nouvelle Eglise orthodoxe d’Ukraine et le monde orthodoxe en général pour voir si une reconnaissance officielle de la nouvelle Eglise serait faite. Ce qui n’a pas été le cas.

Mission de médiation

L’Ukraine compte ainsi aujourd’hui deux Eglises. L’une dite loyale à Moscou, l’Eglise orthodoxe ukrainienne (Patriarcat de Moscou), dirigée par le métropolite, Onuphre de Kiev. L’autre dite nationale, il s’agit de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine, considérée comme schismatique dont le métropolite Epiphane est à la tête. Depuis cette crise ouverte, les partisans de la nouvelle Eglise autocéphale ont saisi par la force plus de dizaines d’églises en Ukraine appartenant à l’Eglise orthodoxe ukrainienne (dépendant du métropolite de Kiev Onuphre).

Dans leur déclaration commune publiée le 18 avril en arabe et en grec, les primats des Eglises orthodoxes d’Alexandrie, d’Antioche, de Jérusalem et de Chypre ont appelé « toutes les parties à collaborer » pour « protéger les fidèles, les lieux de culte et monastères des attaques et de tout acte violent, quels qu’en soit l’origine et quels qu’en soient les raisons et les motifs. » Ils ont d’autre part invité les mêmes parties à travailler ensemble « en vue de réaliser la communion eucharistique (ndlr : qui matérialise donc la communion des Eglises orthodoxes entre elles…) » Comprendre que les fidèles n’ont pas à payer les différends entre les Eglises et à subir l’interruption sacramentelle de l’Eucharistie.
Dans ce contexte, Mgr Chrysostome, archevêque de Chypre, a rappelé qu’il était prêt à continuer de jouer un rôle d’intermédiaire dans le règlement du problème ukrainien et pour la restauration de l’unité orthodoxe. Les primats des Eglises d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem ont déclaré souscrire à cette initiative de médiation.

Dans leur communiqué, les quatre leaders orthodoxes réunis à Chypre ont clairement affirmé « leur volonté et leur détermination pour continuer à communiquer et à œuvrer ensemble pour le bien de l’Eglise », soulignant que, dans l’orthodoxie « même si les opinions pouvaient varier, l’Église restait une. » Car la tête est le Christ.

A ce titre, il est particulièrement significatif que Jean X d’Antioche et Theophilos III de Jérusalem se soient entretenus personnellement tous les deux alors que leurs deux patriarcats ne sont plus en communion depuis 2013 en raison de la création d’une paroisse orthodoxe de Jérusalem au Qatar, province ecclésiastique longtemps considérée comme étant placée sous la juridiction du Patriarcat d’Antioche. Les deux patriarches, a indiqué le communiqué du 18 avril, indiquent qu’ils se sont tous deux engagés à régler ce différend le plus rapidement possible et à rétablir leur unité mutuelle.

Renforcer la collaboration entre les Eglises pour protéger les chrétiens au Moyen-Orient

Les prélats orthodoxes réunis à Chypre ont aussi particulièrement prié pour la paix et pour « la stabilité » des Eglises dans « le Moyen-Orient éprouvé. » Ils ont également prié Dieu « d’établir et de fortifier les peuples de cette région », afin que leurs fidèles puissent « continuer à témoigner. » En particulier dans les pays de Terre Sainte, qui ont vu la naissance de l’Eglise fondée par Jésus-Christ et diffusée par les apôtres, ont-ils souligné dans leur communiqué.

Ils ont à cette fin appelé à « l’approfondissement de la coopération » avec les autres Eglises chrétiennes, de dénominations différentes, avec l’objectif commun de « mieux préserver la présence chrétienne dans cette région. »

Ils ont aussi invité tous les responsables politiques à travailler dur au développement de cette région, pour « mettre fin à l’injustice qu’ont subi les peuples en raison des guerres, de l’occupation et des difficultés économiques qui en découlent. »

Les primats orthodoxes ont enfin exprimé leur « tristesse devant l’indifférente totale des Etats et des puissants de ce monde, quant au sort des deux métropolites d’Alep, BoulosYazigi et Yohanna Ibrahim ». L’archevêque grec-orthodoxe et l’archevêque syriaque orthodoxe ont été enlevés le 22 avril 2013 près d’Alep en Syrie. Il y a six ans. L’anniversaire de leur enlèvement a coïncidé cette année avec le début de la Semaine Sainte des orthodoxes.