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100 Palestiniens en Israël pour le Jour du souvenir

Christophe Lafontaine
7 mai 2019
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100 Palestiniens en Israël pour le Jour du souvenir
Palestiniens et Israéliens assistant à une cérémonie commémorant le long conflit israélo-palestinien à Tel-Aviv le 30 avril 2017, pour Yom HaZikaron. (foto Tomer Neuberg / Flash90)

La Cour suprême israélienne a autorisé 100 Palestiniens à entrer en Israël pour une cérémonie conjointe du jour en hommage aux soldats israéliens morts au combat et aux victimes de terrorisme. Controverse.


« La décision de la Haute Cour de justice est erronée et décevante », a déclaré dans un tweet Benjamin Netanyahu, le 7 mai. Le Premier ministre israélien qui est aussi à l’heure actuelle ministre de la Défense, avait décidé que la Cisjordanie serait bouclée pendant Yom HaZikaron, fixée cette année du 7 mai au soir au 8 mai. Le « Jour du souvenir pour les victimes de guerre israéliennes et pour les victimes des opérations de haine », précède d’un jour la fête de l’Indépendance d’Israël, Yom Haaztmaout.

Or, depuis 14 ans, Lohamim LeShalom (Combattants pour la paix) avec la collaboration le Forum des familles – Cercle des parents (PCFF) rassemblant des familles endeuillées des deux côtés du conflit israélo-palestinien, organisent une cérémonie alternative intercommunautaire. Contrairement à la commémoration traditionnelle israélienne de Yom HaZikaron, la cérémonie conjointe célèbre les victimes des deux camps. L’événement se déroule alors en hébreu et en arabe, avec des intervenants israéliens et palestiniens, pour « transformer le récit traditionnel de la victime en récit de la solidarité et de l’espoir », indique sur son site Lohamim LeShalom. « Israéliens et Palestiniens reconnaissent ensemble la souffrance de ceux qui vivent de « l’autre côté » et s’efforcent de transformer la violence en une société fondée sur la paix, la justice et l’égalité », détaille l’organisation.

Ses pourfendeurs dont certains manifestent chaque année le soir de la cérémonie, y voient la légitimation du terrorisme et critiquent le fait de mettre au même niveau les soldats israéliens tombés au combat et ceux qui les ont attaqués. Les porteurs du projet, eux, ont déclaré dans un communiqué la semaine dernière que les Palestiniens invités étaient des « membres de familles endeuillées qui avaient choisi de mettre de côté tout désir de violence, de terreur et de vengeance et de travailler main dans la main pour le dialogue et la réconciliation. »

« Partager le chagrin. Donner de l’espoir »

La cérémonie ne cesse de faire des émules. Au début, en 2005, elle avait réuni 50 personnes. L’année dernière, la cérémonie s’est déroulée au Hayarkon Park de Tel Aviv et a rassemblé 8 000 participants, indique les Combattants pour la paix. Cette année, la soirée est prévue au même endroit et les organisateurs attendent 10 000 personnes autour du thème « Partager le chagrin. Donner de l’espoir ».

Pour cette année, les organisateurs ont déclaré au Times of Israel avoir déposé 181 demandes d’autorisation d’entrée sur le territoire israélien pour les Palestiniens souhaitant participer à l’évènement.

Mais si – pour la deuxième année consécutive – le ministère de la Défense les a toutes rejetées, indique le Times of Israel, l’avis de la Cour suprême d’Israël n’a pas changé depuis l’année dernier et a donc déclaré que le Premier ministre ne pouvait pas empêcher la participation des Palestiniens et « intervenait dans la façon dont les familles veulent manifester leur chagrin intime. »

« Une fois encore, la Cour suprême a démontré que les pouvoirs du Premier ministre et du ministre de la Défense restaient sous contrôle et que l’idée de refuser aux familles palestiniennes, dont beaucoup étaient endeuillées, le droit de participer à une cérémonie commémorative dédiée à la paix, la réconciliation et l’espoir – était totalement absurde », a déclaré l’avocat Gaby Lasky, au nom des organisateurs de la cérémonie alternative de Yom HaZakiron qui ont relayé sur Facebook ses propos.

« Dans une réalité plus juste, a-t-il rajouté, nous n’aurions pas besoin de soumettre une telle requête à la Cour suprême et, dans une réalité plus juste, nous n’aurions plus du tout besoin d’une telle cérémonie commémorative. » Et l’homme de loi, dont l’action a été saluée par Tamar Sandberg, présidente du parti Meretz (gauche laïque), de préciser que « nous sommes dans une année où le nombre de personnes en deuil des deux côtés a augmenté » D’où son appel au public : « participez à la cérémonie et amplifiez notre message, que nous sommes fiers de livrer depuis 14 ans : non à l’apathie, oui à l’espoir. »

Benjamin Netanyahu, au contraire, a estimé, qu’« il n’y [avait] pas de place pour une cérémonie commémorative comparant le sang de notre peuple et celui des terroristes. » L’année dernière, le ministre de la Défense, Avigdor Liberman, soutenait que ce genre de cérémonie lui apparaissait comme « de mauvais goût » et susceptibles de blesser la sensibilité de familles endeuillées, « qui [peuvent voir] dans la cérémonie… un mépris de la dignité de ceux qui sont morts dans les guerres israéliennes. » Ce à quoi, Robi Damelin, porte-parole du Cercle des parents avait rétorqué : « peut-être que Lieberman ne connaît pas de parents endeuillés de gauche. Le deuil et la mémoire sont quelque chose de très personnel, et c’est comme cela que nous avons décidé de le faire savoir. »