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Les 10 ans du Centre Jean-Paul II pour le dialogue interreligieux

Beatrice Guarrera
13 mai 2019
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Le Centre Jean Paul II pour le dialogue interreligieux fête ses 10 premières années. Actif à Rome et à Jérusalem, nous avons rencontré ses fondateurs.


Une grand-mère anglicane, un mari juif, un parent musulman : l’engagement au dialogue interreligieux commence souvent par des histoires personnelles. Ce fut également le cas des fondateurs du Centre pour le dialogue interreligieux Jean-Paul II, qui a célébré son dixième anniversaire à Rome le 7 mai.

« Tout a commencé avec l’histoire entre mon mari et moi. Il était juif et j’étais catholique et nous avions un mariage interreligieux ». C’est ainsi qu’Angelica Berrie, présidente de la Russell Berrie Foundation, explique l’origine de son engagement en faveur du dialogue entre les religions. En 2008, le Centre Jean Paul II pour le dialogue interreligieux est né du partenariat entre sa fondation, qui doit son nom à son mari décédé en 2002, et l’Université pontificale Saint-Thomas d’Aquin (Angelicum) à Rome (Italie). La fondation a été fortement soutenue par les deux codirecteurs, le rabbin Jack Bemporad et le professeur Adam Afterman, liés par une profonde amitié partagée avec Angelica Berrie. « Après la mort de Jean-Paul II, nous avons pensé qu’il importait de poursuivre ses travaux dans le domaine du dialogue interreligieux et nous avons donc voulu appeler notre centre par son nom », explique Berrie.

Basée à Rome et à Jérusalem, cette institution vise à établir des ponts entre les traditions chrétiennes, juives et des autres religions. Elle propose un programme d’études interreligieuses, une bourse de la Fondation Russell Berrie, un voyage d’étude en Terre Sainte et la possibilité pour les étudiants de concevoir des projets de dialogue interreligieux. En dix ans, devenant un point de référence pour les personnes engagées dans ce domaine, le Centre a célébré son dixième anniversaire à l’Angelicum de Rome avec un événement consacré à l’éducation et au pouvoir du leadership interreligieux. Outre les initiatives prises par les anciens étudiants du Centre, d’autres organisations impliquées en Terre Sainte et dans le monde entier ont également été portées à l’attention du public : de la Communauté de Sant’Egidio au Mouvement des Focolari jusqu’à la Conférence juive musulmane (Muslim Jewish Conference, MJC), l’Alliance pour la paix au Moyen-Orient (AMEP) et le Mouvement mondial pour la paix, Master Peace.

« Nous ne pouvons plus ignorer la question du dialogue interreligieux », explique Adam Afterman, codirecteur du Centre qui se partage entre Rome et Jérusalem. Peu importe où vous vivez, que ce soit en Terre Sainte, en Europe ou ailleurs dans le monde : cela doit faire partie de votre éducation ». Ce faisant, de nombreux défis sont rencontrés quotidiennement avec les étudiants et pas uniquement. Tout d’abord, surmonter les préjugés, les malentendus et les incompréhensions. « Tout est une question de communication : nous parlons différentes langues, avec différentes références, symboles et passifs historiques. En tant que juif, je peux dire, par exemple, que chaque interaction avec l’Église dans le passé a été compliquée et que même le présent fait partie de la complexité ». Malgré cela, cependant, selon Adam Afterman, cela vaut la peine de s’engager dans la connaissance et le dialogue avec ceux qui sont différents de soi.

« Une partie de ma famille n’était pas juive, ma grand-mère était une chrétienne anglicane. J’étais étudiant en théologie juive médiévale et je savais qu’il était nécessaire d’étudier le christianisme et l’islam pour comprendre ma tradition – poursuit-il -. Ma rencontre avec Angelica Berrie et le rabbin Jack m’a ensuite amené à fonder le Centre Jean-Paul II, qui est aujourd’hui la partie la plus importante de ma vie, avec ma famille ».

Angelica Berrie a également mis à profit son expérience personnelle pour aider les étudiants du Centre à comprendre les points les plus difficiles sur lesquels travailler. « Avec mon mari, il était difficile de parler de théologie – confie-t-elle à Terrasanta.net -. Souvent, les Juifs ne veulent pas discuter de théologie avec des chrétiens et nous avons donc pensé qu’il était important que les étudiants se familiarisent avec la théologie juive pour pouvoir converser. L’étude de la théologie juive peut également être utile pour faire comprendre aux chrétiens d’où vient ce que dit Jésus ».

Berrie, après une vie passée à étudier le judaïsme et après son mariage mixte – qu’elle qualifie « d’aventure interreligieuse » – s’est convertie au judaïsme, mais ne nie pas et ni ne veut oublier ses racines catholiques. « Je pense que la qualité la plus importante qu’un leader du dialogue interreligieux puisse avoir est de savoir comment se rencontrer, connaître l’autre et le regarder en tant qu’être humain », a-t-elle déclaré.

Le rabbin Jack Temporad, également présent à la célébration du dixième anniversaire du Centre Jean Paul II, a raconté à Terrasanta.net comment cette aventure avait commencé pour lui : « J’ai eu huit audiences avec Jean-Paul II, la première en 1987, et j’ai été très touché par sa grandeur, son imagination, sa culture ». De là est née la décision de fonder un centre qui porte son nom, dans le sillage du Concile Vatican II qui pour la première fois, a fait qu’une religion a reconnu la légitimité des autres religions. « Quand j’ai vu cela, je me suis dit que les problèmes du monde sont si gigantesques que la politique et l’économie ne peuvent les résoudre. Nous avons besoin d’un noyau spirituel et moral et où pouvons-nous le trouver si ce n’est dans les religions ? ». À partir de sa réflexion sur la grande influence des religions et sur la manière dont elles peuvent travailler ensemble, le rabbin Temporad a commencé à s’engager dans le domaine du dialogue. « Il fut un temps où les religions pensaient agir pour que tous les peuples du monde deviennent musulmans ou chrétiens – dit-il -. Aujourd’hui, nous comprenons qu’un milliard six cent millions de musulmans ne deviendront pas chrétiens et que deux milliards de chrétiens ne deviendront pas musulmans. Nous devons donc trouver des moyens de vivre ensemble et de nous comprendre ».

« Dans notre Centre, nous croyons que nous devons être attachés à la vérité, mais nous ne voulons pas en même temps créer une sorte de religion « diluée » – précise Adam Afterman -. Je dis toujours à mes collègues et à mes étudiants que le meilleur moyen d’approfondir sa tradition religieuse est d’instaurer un dialogue interreligieux. Mais c’est un processus délicat qui doit reposer sur une implication sincère et un lien personnel ».

Dans ce domaine, le pape François est un ouvrier infatigable que le rabbin Jack Temporad a eu la chance de rencontrer : « Quand je l’ai vu, je lui ai dit : ‘‘Merci, car vous considérez la religion comme la conscience de la société et la voix de l’humanité’’. Et il a répondu : ‘‘Nous devons prier et travailler ensemble pour cela’’ ».