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Un papyrus en hébreu ancien de 2700 ans de retour en Israël

Christophe Lafontaine
13 septembre 2022
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Un papyrus en hébreu ancien de 2700 ans de retour en Israël
Le « Papyrus Ismaël » © Shai Halevi, Autorité des antiquités d'Israël

Un document en ancien hébreu, écrit à la fin du VIIe ou au début du VIe siècle av. J.C., a été remis à Israël. Il fait partie des trois seuls documents de ce type de la période du Premier Temple, qui nous sont parvenus.


« Vers la fin de la période du Premier Temple, l’écriture était répandue », a confié le docteur Joe Uziel, directeur de l’Unité des manuscrits du désert de Judée de l’Autorité des antiquités israéliennes (AAI) dans un communiqué de l’institution publié le 7 septembre. « Cependant, a-t-il ajouté, les documents de la période du Premier Temple, écrits sur des matières organiques (…), ont à peine survécu ». Contrairement à des écrits retrouvés sur des tessons de poterie ou des sceaux d’argile.

L’AAI a, de fait, annoncé la redécouverte d’un papyrus « extrêmement rare », jusqu’alors inconnu, rédigé en caractères paléo-hébraïques, à la fin du VIIe ou au début du VIe siècle, à la fin de l’âge du fer, période dite du Premier Temple de Jérusalem.

Le document a été retrouvé chez un particulier américain du Midwest qui a accepté de transférer le fragile artéfact en Israël, pour de meilleures conditions de conservation. Sa mère l’avait acheté ou reçu en cadeau en 1965 après une visite à Jérusalem, des mains de Joseph Saad, alors conservateur du musée Rockefeller. Lui-même l’avait obtenu d’Halil Iskander Kandu, un marchand d’antiquités bien connu de Bethléem, qui – il y a de nombreuses années – a vendu des milliers de fragments de manuscrits de la mer Morte qu’il s’était sans doute procuré auprès de Bédouins les ayant découverts.

Une authentification doublement confirmée

« Afin de confirmer l’authenticité du document, un petit échantillon a été daté par radiométrie [ndlr : au carbone 14] à l’Institut Weizmann de Rehovot [ndlr : en Israël]. L’échantillon a fourni une date similaire à celle déterminée par l’évaluation paléographique (basée sur la forme des lettres), consolidant ainsi la datation vers la fin de la période du Premier Temple », a fait savoir l’AAI.

Le document a pu être localisé grâce à la coopération entre l’unité de prévention de vols d’antiquités de l’AAI, l’historien israélien, Shmuel Ahituv, l’un des plus grands spécialistes dans le domaine des études bibliques, de l’histoire du Proche-Orient ancien et de l’écriture biblique ancienne, le ministère israélien de la Culture ainsi que le ministère de l’Héritage et du Patrimoine de Jérusalem.

On a demandé il y a quelques années à Shmuel Ahituv de terminer la publication d’un ouvrage de la chercheuse israélienne Ada Yardeni, décédée en 2018 et qui travaillait sur l’histoire de l’écriture hébraïque au moment de sa mort. En prenant le relais, Shmuel Ahituv a eu la surprise de découvrir dans l’ouvrage en préparation une photo du fameux papyrus dont il n’avait jamais eu connaissance auparavant. De là, l’enquête a mené jusqu’aux Etats-Unis. Mais les experts supposent qu’à l’origine le document a sûrement été pillé dans les grottes du désert de Judée. En témoigne son bon état de conservation ; le climat sec y étant favorable.

Qui es-tu Ismaël ?

« Alors que nous avons des milliers de fragments de rouleau datant de la période du Deuxième Temple, nous avons seulement trois documents, y compris celui nouvellement trouvé, de la période du Premier Temple », a déclaré Joe Uziel. Le papyrus va d’ailleurs rejoindre les deux autres documents de la même période dans les collections des trésors nationaux d’Israël. Le premier a été retrouvé dans une grotte près de la mer Morte dans les années 1950 et un second a été saisi sur le marché noir des antiquités en 2016.

A peine plus grand qu’un timbre-poste, le document en tant que tel ne comporte que quatre lignes aux bouts tronqués où l’on retrouve les mots suivants : « Le Ishmael tishlakh ». En français : « envoie à Ismaël ». Il s’agissait probablement d’une note contenant des instructions.

En intitulant son communiqué, « qui es-tu Ismaël ? », l’AAI n’apporte cependant pas de réponse claire sur le destinataire. Il convient néanmoins de noter que le nom d’Ismaël, qui signifie « Dieu entendra », était assez commun à l’époque, a fait savoir le professeur Shmuel Ahituv. Dans la Bible, le nom est connu comme celui du fils d’Abraham et d’Agar et apparaît aussi comme étant celui de hauts fonctionnaires. Des découvertes paléographiques ont d’ailleurs montré que le nom apparaissait sur des sceaux de documents royaux dans l’administration du royaume du Juda. Une piste possible d’autant que le papyrus était généralement réservé aux correspondances officielles.