Dans la nuit du 25 au 26 juin, des colons ont mené des attaques coordonnées sur plusieurs villages palestiniens dont le village de Taybeh.
Faut-il des morts chrétiens pour que le monde réalise la guerre que mène les colons sur toute la Cisjordanie avec la bénédiction de l’armée israélienne ?
5 juin, 6 juin, 14 juin, 18 juin, sur le fil d’informations qu’entretient le père Basher Fawadleh, curé de la paroisse du Christ rédempteur à Taybeh, les mauvaises nouvelles s’enchaînent, installation d’une colonie, incursions de l’armée, confinement imposé au village, installation d’une nouvelle barrière sur la dernière entrée qui n’en avait pas.
Taybeh, ce village chrétien de Cisjordanie à une trentaine de minutes de Jérusalem, vit le quotidien de toutes les villes et villages de Cisjordanie. Une pression de l’armée qui depuis le 7 octobre 2023 en a profité pour quadriller de façon de plus en plus serrée toute la Cisjordanie.
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Pas un journaliste ne parle de Taybeh. Il leur faut des morts et encore. À Gaza, seules les agences de presse égrainent encore les morts quotidiens des Hunger Games, les jeux de la faim, comme on les voit appelés dorénavant. Une expression tirée de la trilogie cinématographique éponyme, où l’on voit des adolescents filmés 24 heures sur 24, obligés de s’entretuer pour divertir les dirigeants d’un régime totalitaire.
Au point de distribution d’aide alimentaire, quand les foules affamées de Gaza se ruent et se battent pour recevoir trop peu de nourriture, elles sont dispersées par l’armée israélienne qui tire dans le tas.
Depuis le 27 mai et le début de la distribution dans les centres d’« aide américano-israélienne », le Bureau d’information gouvernemental à Gaza fait état de 516 morts, 3 799 blessés, 39 disparus.
Le titre est en Une dans le quotidien Haaretz ce 27 juin : « C’est un champ de bataille » : les soldats de Tsahal ont reçu l’ordre de tirer délibérément sur des Gazaouis non armés attendant une aide humanitaire ».
On s’est habitué à tout quand il s’agit de Gaza. Plus de deux millions de personnes vivent dans des conditions inhumaines et des centaines de millions d’autres estiment qu’ils l’ont bien mérité.
Alors pourquoi parlerait-on des morts de Cisjordanie occupée ou de Taybeh qui ne compte pas de mort ?
Pourtant la mort a frappé, dans le village voisin de Kafr Malik. « Kafr Malik, explique un villageois de Taybeh, c’est à 5 minutes de chez nous. C’était une attaque coordonnée, tandis qu’une centaine de colons [israéliens] ont attaqué Kafr Malik, d’autres groupes plus petits, d’une dizaine ou une vingtaine de colons, attaquaient Sinjil, Turmus Aya et Taybeh. »
Israeli settlers attack the Christian Palestinian village of Taybeh. Meanwhile, if Christians or Muslims defend themselves, the Israeli military will kill them.
— Khalil Sayegh (@KhalilJeries) June 25, 2025
pic.twitter.com/OHITkNqobp
« À Taybeh, poursuit-il, les colons sont entrés par la route qui vient de Jérusalem, celle du rond-point par où tu descends aussi à Jéricho. Ils ont attaqué la première maison qui est isolée. Ils ont incendié une voiture stationnée et la maison. Le feu a complètement brûlé une pièce et endommagé une autre mais il a pu être éteint. Puis ils ont continué vers le centre du village. Ils sont arrivés presque au niveau de l’église melkite, donc vraiment dans le village, et ils ont rebroussé chemin. »
Pour cette fois, les villageois n’ont qu’à gérer leur peur. Comme à chaque fois qu’il y a une intrusion de colons aux abords du village, ils organisent les nuits suivantes des rondes de surveillance.
Mais la peur est montée d’un cran. À Kafr Malik, le bilan est de trois morts et neuf blessés. « Nous les connaissons tous, poursuit notre témoin, nous sommes voisins et du reste, il y a eu une délégation de Taybeh aux funérailles. Ce sont des voisins, ce sont aussi des amis. Un des morts est un enfant qui était à l’école primaire de la paroisse. »
« Nous vivons sous le feu, la barbarie et la brutalité des colons… [qui sont] sous la protection directe de l’armée d’occupation israélienne », a écrit le père Bashar dans le message adressé aux journalistes. « Nous vaincrons par l’espoir. Nous sommes des chrétiens palestiniens. Nous résistons par notre foi. »
C’est beau mais ce n’est pas vendeur, plus rien ne l’est. D’après l’ONG israélienne B’Tselem, au 25 juin 2025, les forces israéliennes ont tué depuis le 7 octobre 2023 au moins 918 Palestiniens, dont 193 enfants. 24 autres Palestiniens ont été tués par des colons en Cisjordanie.
D’après The Times of Israël « Les attaques de colons contre les Palestiniens dans toute la Cisjordanie ont lieu presque quotidiennement, dans une impunité quasi totale, ce qui a déclenché des sanctions croissantes de la part des gouvernements occidentaux. »
Du reste, 5 suspects dans l’attaque de Kfar Malik ont été relâchés très rapidement commente le même article qui poursuit : « Le chef de la division de la police israélienne en Cisjordanie fait actuellement l’objet d’une enquête pour avoir ignoré les violences des colons afin de s’attirer les faveurs de Ben Gvir. Il a été autorisé à reprendre son poste, malgré l’enquête en cours. »
Combien de morts faudra-t-il à Taybeh pour que des mesures soient prises pour arrêter la violence de la colonisation ?
