Alors que sur les réseaux sociaux la lettre arabe "ن" se propage en soutien aux chrétiens d’Irak, l’évêque de Qaraqosh lance un appel aux dirigeants des puissances mondiales afin d’offrir à tous les chrétiens d'Irak une émigration collective.
(Jérusalem/ER) – La lettre « N » en arabe pour nasrani (nazaréen), un terme péjoratif pour désigner les chrétiens. C’est cette lettre, la 25e de l’alphabet arabe que les familles chrétiennes de Mossoul ont découverte avec stupeur peinte sur leur porte. Sonnant le signal de l’exode imposé par le califat islamique et ses 25 000 hommes, aux 3000 derniers chrétiens de Mossoul qui avaient jusqu’alors refusé de laisser leurs maisons et églises. Dépouillés aux check points, leurs passeports détruits et victimes de violence, ces familles trouvent provisoirement refuge à Dohouk ou Erbil dans la province kurde voisine. Mais combien de temps pourront-elles tenir face au manque de médicaments, d’eau et d’essence?
Reprise par nombre de médias, la déclaration du patriarche chaldéen Louis Sako affichait au monde entier la gravité de la situation : «Pour la première fois dans l’histoire de l’Irak, Mossoul se vide de ses chrétiens». Abritant les anciennes communautés chrétiennes chaldéenne, syriaque catholique et syriaque orthodoxe, l’Irak compte 400 000 chrétiens sur l’ensemble de son territoire, dont la moitié au Nord dans la province de Ninive. Archevêché des Syriaques Catholiques brûlé, couvent chaldéen Saint-Georges saisi, aucune des communautés n’est épargnée. Dimanche 20 juillet, ce sont les monastères de Mor Behnan (près de la ville de Qaraqosh) et Mort Sara, lieux de culte les plus vénérés du christianisme syriaque, qui ont été pris d’assaut. Le père dominicain Anis Hanna, o.p. raconte :
« Dans l’après-midi de ce dimanche 20 juillet 2014, les combattants de l’État islamique ont obligé les moines à quitter le monastère. Les terroristes de l’État islamique n’ont pas laissé les moines emporter quoi que ce soit (…). Toute la communauté se trouve actuellement à Qaraqosh. Consternée, révoltée, triste et désemparée. Elle laisse derrière elle un haut lieu de spiritualité, un monument historique de toute beauté, une bibliothèque pleine de manuscrits très anciens, des livres liturgiques et un lieu symbolique de la rencontre islamo-chrétienne. Ce monastère était le havre de paix, de spiritualité et de référence religieuse pour les chrétiens comme pour les musulmans ! ».
Les grands de ce monde se font entendre les uns après les autres. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a qualifié les agissements du califat islamique de « crime contre l’humanité ». Le Pape François qui a reçu en audience, mardi 22 juillet, le nonce apostolique d’Irak, a manifesté sa vive inquiétude et téléphoné au patriarche d’Antioche des Syriaques, S.B Ignace Youssef III Younan. Le patriarche lui a demandé d’intensifier les efforts auprès des responsables politiques du monde afin que l’immobilisme ne gagne pas la communauté internationale. La situation pousse aujourd’hui Mgr Charbel, co-évêque Qaraqosh, à appeler la communauté internationale à accueillir les chrétiens d’Irak dans une émigration collective. « Il n’y a que l’émigration collective qui pourrait sauver le reste des chrétiens de la mort et de l’extermination. Nous appelons et exhortons les dirigeants des pays occidentaux comme le Canada, les États-Unis et même l’Australie à prendre au sérieux notre demande. Nous voulons sauver le reste des chrétiens d’Irak » partageait-il au père A. Hanna.
Ce week-end, samedi 26 juillet, plusieurs manifestations de soutien sont prévues en France et dans le monde. Pour la France Lyon fait figure de tête de file du mouvement. Le départ du cortège s’effectuera à 15 heures place Saint-Jean, non loin de la cathédrale, à l’initiative de la communauté assyro-chaldéenne de la région (deuxième de France). Quant à la manifestation organisée à Paris par des cadres du Front National, elle a été décriée par le comité de soutien aux chrétiens d’Irak (CSCI France) qui précise qu’il ne s’associera « en aucun cas » à cette manifestation. L’association Fraternité en Irak s’inscrit dans la même lignée.
Un rassemblement est organisé par le Comité de Soutien aux Chrétiens d’Irak (CSCI, composé d’assyro-chaldéens). Les participants sont invités à se rassembler devant la cathédrale Notre Dame de Paris à 17h avec une bougie et le symbole ن à la main. A la suite, une messe pour la paix et pour les chrétiens d’Orient sera célébrée par Mgr de Dinechin à la cathédrale.