Jeudi soir, l’Université Al Quds, conjointement avec son Projet de collège de musique (Al Quds University College of Music Project), organisait une première : un concert de plein air en Vieille Ville de Jérusalem dans le lieu appelé « la piscine du Patriarche ». Un endroit inconnu du public et dont jusqu’à la dernière minute les spectateurs ignoraient même où il se trouvait, ou, s’ils le connaissaient, ignoraient qu’on put y entrer.
(Jérusalem/mab)- Jeudi soir, l’Université Al Quds, conjointement avec son Projet de collège de musique (Al Quds University College of Music Project), organisait une première : un concert de plein air en Vieille Ville de Jérusalem dans le lieu appelé « la piscine du Patriarche ». Un endroit inconnu du public et dont jusqu’à la dernière minute les spectateurs ignoraient même où il se trouvait, ou, s’ils le connaissaient, ignoraient qu’on put y entrer.
Rendez-vous leur fut donné 15 minutes avant l’heure dite à la porte de Jaffa. De là, ils entrèrent dans le quartier chrétien par la rue du patriarcat grec catholique, pour accéder au khan copte, appelé en arabe Khan al Aqbat. Conduits dans une cours, ressemblant à un caravansérail médiéval (encore que sa reconstruction date de 1836), ils accédèrent au site par une entrée improbable, via un couloir étroit. Devant eux soudain, un bassin de 43 mètres sur 73 (soit la taille d’un petit terrain de football). Comment une ville si densément peuplée (plus de 30000 habitants sur moins d’un kilomètre carré), peut-elle cacher un tel espace ?
La piscine du patriarche, connue en vieille ville sous le nom arabe de Birket Hammam al-Batrak ou piscine d’Ezéchias, est une construction attribuée au roi Ezéchias, 13e roi du royaume de Juda qui régna 29 ans, de -716 à -687. Le roi Ézéchias est connu pour avoir construit une partie des murailles de la ville mais aussi des citernes et des piscines à l’usage des habitants. Aucune fouille archéologique sérieuse ne semble jamais avoir été faite du bassin. Il est vrai qu’il fut en eau (au moins l’hiver) jusqu’à la moitié du XXe.
La piscine fut construite en dehors des murs de la ville, mais la construction de nouvelles murailles à la fin de la période du Second Temple l’intégra à la ville.
C’est sous Juvénal évêque puis patriarche de Jérusalem de 422 à 458 que le bassin prit le nom de bassin du bain du patriarche, en arabe Birket hammam al-Batrak
Un édifice soustrait aux regards
La piscine d’Ezéchias, pourtant située porte de Jaffa est inconnue des touristes car dans les années 1850, avec l’essor de la ville, le bassin se vit cerné de toute part par les constructions. Dès lors il n’était plus accessible. Cela sonna le glas de son exploitation. Un nouveau coup de semonce fut donné lors du Mandat britannique quand les Autorités civiles interdirent aux populations de remplir les citernes domestiques pour raison d’hygiène. On abandonna peu à peu l’entretien des derniers canaux existant, dont certains le relie au bassin de Mamillah (entre le cimetière musulman et l’actuel jardin de l’Indépendance).
La piscine resta belle à voir du toit de l’hôtel Petra jusque vers 1940 (voir diaporama). Puis elle se détériora au point de devenir, ces dernières années, une décharge à ciel ouvert où les habitants des alentours se débarrassaient de leurs objets encombrants, gravats et autres détritus.
Après que les voisins actuels du site aient constaté, en 2010, l’insalubrité grandissante et désiré faire du nettoyage, c’est la municipalité israélienne qui entreprit, à la surprise de tous le nettoyage en 2011. Le montant de la facture s’élèverait à 3 millions de shekels (610 000 euros) que la municipalité aurait voulu envoyer aux copropriétaires. À ce jour elle serait impayée.
Et voilà qu’avec l’organisation de ce concert, on apprend que l’Université Al Quds est devenue locataire des lieux en vue d’y organiser des événements culturels. Une façon pour les responsables de l’Université de faire vivre ce lieu de patrimoine. Un risque pour certains habitants de la ville de le voir encore plus convoité par les israéliens et selon eux le gage de le voir confisqué sous quelque prétexte par la municipalité. « Il ne fallait pas organiser un unique concert. Mais d’emblée une série d’événements avec des grosses pointures, dit un habitant de la Vieille Ville. Des israéliens sont venus. Cela pourrait accélérer le processus de confiscation. Tout ce qui est non-juif dans cette ville est convoité et la municipalité fait le lit des organisations de colons pour s’emparer de la ville. C’est une erreur de l’Université qui agit sans jugement. » L’Université, elle, se défend : « Nous sommes dorénavant locataires et allons protéger l’endroit. »
Dans ce lieu devenu mythique à force d’être caché, le guitariste Mutasem Adileh (Palestine), la mezzo soprane Aglaia Maria Mika (Autriche) and le Trio Flautarre (Allemagne) enchaînèrent les pièces de Mozart, Albéniz, Machado, Harrison, Bergeron, Bellinati, Earp and Sor.
Une forte représentation germanique donc pour un concert rendu possible grâce notamment au soutien de la représentation Allemande à Ramallah.
À lieu unique, installation unique… le public pu se régaler de musique assis sur des couvertures disposées au sol. Les enfants des alentours et quelques voisins se joignirent à l’événement profitant aussi de l’espace de jeu qui s’offrait à eux.
Ils ne troublèrent pas tout à fait le calme du lieu. Une acoustique favorable avec un peu de sonorisation firent du concert un moment de grâce. À renouveler sans aucun doute.