Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Voici que nous montons

Archiprêtre Alexandre Winogradsky *
1 mars 2011
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La ville de Jérusalem est la ville des montées, qu’il s’agisse de la parcourir à pied ou de suivre la voie qu’elle trace spirituellement à tous les croyants.

 

Jérusalem se prépare à la Fête de Pessah juive, puis les fêtes chrétiennes de la Résurrection. Une ville faite de tant de strates différentes qui se sont succédé au cours des siècles, laissant des empreintes mais pas nécessairement des mémoires vives. Autour de la Vieille ville et de ses quartiers : chrétien, arménien, musulman et juif, l’histoire humaine et spirituelle des hommes s’est déclinée selon tous les temps et toutes formes. Le Mont Moriah et la Pierre fondatrice du monde, la ligature d’Isaac sauvé par le mouton, les deux Temples du judaïsme, renvoient l’écho de la recherche de Dieu tant vers le désert de Judée par-delà le Mont des Oliviers que les multiples collines qui entourent la ville ancienne.

Voici le centre tellurique de quête de sens ou du désir d’approcher, sinon de se laisser toucher par le Dieu Créateur.

Ici, la Présence divine était dans le Premier Temple. Ici, le Fils de Dieu est entré aux cris de l’Alléluia, est mort ; ici, il est ressuscité.

Dans ce pays, tout est histoire de montée. On monte à Jérusalem, que ce soit aujourd’hui en bus, en taxis collectifs, en vélo voire encore à pied pour les puristes et les écologistes de la foi.

L’immigrant monte au pays d’Israël (aliyah = immigration/montée), mais chaque shabbat, différents lecteurs font une « aliyah » (montée au pupitre = placé aussi haut que l’autel dans le Temple) pour lire une partie du texte biblique de la semaine. C’est sans doute l’un des rares pays au monde où le tourisme se confond d’emblée avec un mouvement ascendant, physique qui touche droit au corps et mental car il demande une discipline de l’âme.

C’est aussi le dernier mot de la Bible hébraïque (écrite en hébreu) : « que tout ceux qui appartiennent au peuple juif monte (veya’al) à Jérusalem » pour y construire précise le décret du roi Cyrus (2 Ch 36,23). Monter, c’est grimper, c’est crapahuter à travers le sable, le désert, sous le soleil, dans une nuit plus frileuse. C’est vaincre une nature qui fut souvent hostile par les animaux ou les plantes.

C’est resté : au cours des siècles d’exil juif. À Pessah, Shavuot (Don de la Loi, Pentecôte), Soukkot (Fête des Tentes), les juifs sont montés à Jérusalem, depuis tout point du globe ou du pays. Aujourd’hui ces fêtes sont des moments obligés où les habitants viennent à Jérusalem en pèlerinage. Ils viennent pour prier, pour apprendre, découvrir, se promener, découvrir une terre qui fleurit et s’amuser en même temps de faire ces voyages-découvertes ensemble.

La radio diffuse des programmes permettant de découvrir les meilleurs itinéraires historiques, géographiques, archéologiques et proposer des quiz bibliques, des jeux-questions pour approfondir la connaissance du terrain.

Lorsque l’Impératrice Hélène découvrit les reliques de la Vraie Croix et le lieu du Saint Sépulcre, elle déclencha avec Constantin une marée à la découverte des Lieux Saints du christianisme. On trouve d’autres témoignages, plus anciens sur la présence des géorgiens et des caucasiens en général. Egérie nous laisse une description vivante des offices religieux et d’une population bigarrée. Les colonnes du Saint Sépulcre portent la marque des signes tracés par des pèlerins venus ici au risque d’y perdre leur vie. « Advenimus » peut-on lire en latin dans une pierre de l’église arménienne : « Il fallait vraiment vouloir parvenir, ils le firent ».

Le chrétien monte aussi au Tombeau du Christ. Il est situé à 791 m, une vraie colline ! On voit bien que l’on monte vers la Porte de Jaffa, sans vraiment s’en rendre compte. À l’origine, un jardin pour crucifiés, situé hors les murs de Jérusalem à l’époque du Christ. Il est vrai – tout comme au mont du Temple – l’histoire du Salut est compactée jusqu’au Tombeau qui est vide. Il y a le Golgotha où Jésus est monté sur la Croix. Il y a le lieu de son ensevelissement d’où il fut happé par la résurrection. Tout groupe spirituel humain a trouvé une raison pour venir visiter, se prosterner, se relever devant le Dieu qui nous fait » (Ps. 95,6). Ce psaume annonce le mouvement du relèvement d’entre les morts qui constitue le défi majeur et fondamental de la foi judéo-chrétienne.

L’Orient insiste sur la Résurrection. À Jérusalem, on chante toute l’année le tropaire byzantin de la Résurrection. L’Occident semble plus marqué par la mort du Christ jusqu’à son retour. L’Orthodoxie chante constamment « le Christ est ressuscité des morts, par sa mort, il a vaincu la mort et à ceux qui gisent dans les tombeaux il (a) donné la vie ! ».

On sait trop peu que les termes de ce chant sont ceux de deux bénédictions, toujours récitées trois fois par jour dans le judaïsme : « Béni sois-Tu Seigneur Notre Dieu, Roi de l’Univers / Qui ressuscite les morts complétée par « Qui, avec confiance, relève ceux qui gisent dans la poussière (de Hébron, les tombeaux des patriarches).

Tous les dimanches, le chrétien slave aime à saluer ses proches de ce chant de la Résurrection.

 

(* Patriarcat Grec-Orthodoxe de Jérusalem)

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