Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

La présentation de Jésus au Temple

Frédéric Manns ofm Studium Biblicum Franciscanum - Jérusalem
16 décembre 2011
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Célébrée à Jérusalem au IVe siècle, la fête fut introduite tardivement à Rome. Le nom symbolique qui lui fut donné est celui de « Hypapantê », la rencontre entre le Christ et son peuple représenté par Syméon et Anne. Marie, figure de l’Église, présente le Messie à son peuple. Il s’agit donc de la rencontre de l’espoir d’Israël avec le Messie attendu. Syméon prédit que l’enfant est le Serviteur de Dieu qui doit être « la lumière des nations et relever les tribus de Jacob » (Is 49,6). Marie qui connaissait les Écritures a dû comprendre le sens de sa prophétie.

Une annonce de la passion

Autel de Notre-Dame des Douleurs au Calvaire dans la basilique du Saint-Sépulcre à Jérusalem.

Dans l’épisode de la présentation de Jésus au Temple l’Église a entrevu, au-delà des lois concernant la purification de la mère (Lv 12,6-8), un mystère relatif à l’histoire du salut.
Noël signifiait l’offrande du Verbe incarné au Père. En entrant dans le monde Jésus dit : « Voici, je viens faire ta volonté ». La fête de la présentation au Temple, comme celle de l’Épiphanie, proclame l’universalité du salut. Syméon l’affirme en citant le prophète Isaïe. Unissant dans une unique prophétie le Fils, signe de contradiction, et la mère dont l’âme sera transpercée par un glaive, Syméon annonçait la passion du Christ et la souffrance de sa mère. La présentation au Temple est ainsi orientée vers l’événement salvifique de la croix. Une grande inclusion marque la vie de Jésus.
À partir du Moyen Age l’Église a entrevu dans le geste de Marie qui porte son Fils au Temple de Jérusalem une volonté d’oblation qui dépasse le geste du rite qu’elle accomplissait. Saint Bernard en témoigne lorsqu’il écrit : « Offre ton fils, Vierge sainte et présente au Seigneur le fruit béni de ton sein. Offre pour notre commune réconciliation la victime sainte qui plaît à Dieu » (in Purificatione B. Mariae, Sermo 3,2).
Jean Paul II dans de nombreuses homélies a rappelé que dans la présentation de Jésus au Temple la coopération de la femme à la Rédemption est sous-jacente.
« Les paroles du vieillard Syméon, annonçant à Marie sa participation à la mission salvifique du Messie, mettent en lumière le rôle de la femme dans le mystère de la rédemption. »

Le rôle de Marie

En effet, Marie n’est pas seulement une personne individuelle, mais elle est également la « fille de Sion », la femme nouvelle placée aux côtés du Rédempteur pour prendre part à sa passion et engendrer dans l’Esprit les fils de Dieu.
Syméon semble suggérer à Marie d’accomplir ce geste pour contribuer au rachat de l’humanité.
Cette réalité est exprimée par la représentation populaire des « sept épées » qui transpercent le cœur de Marie : la représentation souligne le lien profond existant entre la mère, qui s’identifie avec la fille de Sion et avec l’Église, et le destin de douleur du Verbe incarné. En restituant le Fils, à peine reçu de Dieu, pour le consacrer à sa mission de salut, Marie se livre également elle-même à cette mission ».
Le rôle de la femme est encore accentué par la présence de la prophétesse Anne. Jean Paul II continue : « A l’aube de la Rédemption, nous pouvons distinguer dans la prophétesse Anne toutes les femmes qui, à travers la sainteté de leur vie et une attente dans la prière, sont prêtes à accueillir la présence du Christ et à louer chaque jour Dieu pour les merveilles opérées dans sa miséricorde éternelle. Choisis pour rencontrer l’Enfant, Syméon et Anne vivent intensément ce don divin, partageant avec Marie et Joseph la joie de la présence de Jésus et la diffusant dans leur milieu.
En particulier, Anne démontre un zèle magnifique en parlant de Jésus, témoignant de cette façon de sa foi simple et généreuse. Une foi qui prépare les autres à accueillir le Messie dans leur existence. L’expression de Luc : « [Elle] parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem » (2, 38) semble l’accréditer comme le symbole des femmes qui, se consacrant à l’Evangile, suscitent et alimentent les espérances de salut ». (Audience du 8 janvier 1997).

La maternité juqu’au bout

Marie au Temple obéissant à la loi de Moïse est enfin le modèle de la femme qui accepte de se détacher de son enfant. L’aspect législatif de la purification de la femme qui reste en arrière-plan laisse émerger une vérité psychologique importante. Le geste de l’offrande de l’enfant à Dieu a des répercussions affectives profondes qui modifient le rapport de la mère à l’enfant. Marie dut accepter que le fils ne lui appartienne pas, qu’il était une personne avec son individualité propre. Ce passage critique pour la mère qui doit respecter l’autonomie de son fils signifie qu’elle est invitée à se préparer à une rupture, comme Abraham qui dut sacrifier son fils. Ce détachement transforme le désir possessif de l’enfant et ouvre au respect de la vie. La maternité de Marie ne s’achève pas avec la naissance de son fils, mais elle se développe à chaque instant dans un rapport nouveau avec lui.
Syméon avait annoncé à Marie qu’un glaive transpercerait son âme. Le glaive dans toute l’Ecriture est le symbole de la parole de Dieu. Avec ce glaive les ennemis d’Israël seront brisés (2 M 15,15). Ambroise de Milan reprend ce symbolisme et l’applique à Marie dans son Homélie sur Lc 2,61 :
« Et votre âme à vous sera traversée d’un glaive. » Ni l’Ecriture ni l’histoire ne nous apprennent que Marie ait quitté cette vie en subissant le martyre dans son corps ; or, ce n’est pas l’âme, mais le corps, qu’un glaive matériel peut transpercer.
Ceci nous montre donc la sagesse de Marie, qui n’ignore pas le mystère céleste : « Car la parole de Dieu est vivante, puissante, plus aiguë que le glaive le mieux aiguisé, pénétrante jusqu’à diviser l’âme et l’esprit, les jointures et les moelles ; elle sonde les pensées du cœur et les secrets des âmes. » (He 4,12). Car tout dans les âmes est à nu, à découvert devant le Fils, auquel les replis de la conscience n’échappent point ».
Curieusement Luc ne s’intéresse pas en premier lieu à la purification de Marie, puisqu’il parle de « leur purification ». Il oublie la cérémonie du rachat du premier-né qui exigeait le don de cinq sicles (Nb 18,16). Ils’intéresse davantage à la délivrance de Jérusalem et à la rédemption d’Israël. Pour « leur purification » un couple de colombes est offert. Au livre des Nombres 6,10 il est question de l’offrande de deux colombes pour la purification d’un nazir qui s’est rendu infidèle. Or Israël peut être comparé à un nazir, puisqu’il est consacré au Seigneur. Au thème de leur purification correspond au verset 38 celui de la rédemption d’Israël. Bref c’est le sort d’Israël qui est orchestré dans cette page d’évangile.

Dernière mise à jour: 16/12/2023 12:57