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Un nouvel évêque pour l’Anatolie : « Paul et Barnabé me montrent le chemin »

Carlo Giorgi
18 septembre 2015
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Un nouvel évêque pour l’Anatolie : « Paul et Barnabé me montrent le chemin »
Portrait de Mgr. Bizzeti Paul lors d'un de ses nombreux pèlerinages au Moyen-Orient.

Le père Paulo Bizzeti sera ordonné évêque le 1er novembre prochain et deviendra vicaire apostolique pour l'Anatolie. Le pape François l'a récemment choisi comme successeur de Mgr Luigi Padovese, assassiné en juin 2010 par son chauffeur. Suite à cette annonce en date du 14 août, Terrasanta.net a pu l'interviewer.


Le père Paulo Bizzeti sera ordonné évêque le 1er novembre prochain et deviendra vicaire apostolique pour l’Anatolie. Le pape François l’a récemment choisi comme successeur de Mgr Luigi Padovese, assassiné en juin 2010 par son chauffeur. Après cinq ans de vacance, l’Anatolie – territoire de la Turquie, dans lequel Paul et Barnabé ont inlassablement prêché – retrouve donc un évêque.

Père Paul, 67 ans, jésuite d’origine florentine, a toujours cultivé une attention particulière pour le Moyen-Orient. Et tout spécialement la Turquie, où il a mené durant son ministère une quarantaine de pèlerinages. « Il ne s’agit pas pour moi d’un troupeau inconnu, reconnait Bizzeti. Dieu merci, je connais déjà plusieurs personnes et certaines sont même des amis ».

Père Paul, de qui est composée la communauté chrétienne qui vous attend en Anatolie ?

Il faut d’abord reconnaitre que les cinq années d’absence à la tête de l’évêché ont créé une situation de grande difficulté qui se traduit par l’absence de statistiques précises et une diminution générale du nombre de prêtres et de religieuses, mais aussi dans la participation du peuple chrétien. Cela dit, les prêtres de la région sont au nombre d’une douzaine, la population chrétienne est d’environ 5.000 personnes, dont de nombreux réfugiés Syriens et Irakiens qui sont en augmentation et donnent un nouveau visage aux communautés paroissiales. L’Eglise est en évolution, un peu comme en Israël, où l’arrivée de chrétiens qui viennent d’autres pays renouvelle les communautés traditionnelles et apportant aussi du sang neuf.

Quelle est la plus grande croix que cette communauté doit porter ? Et quelle est, au contraire, sa force ?

Sa plus grande force réside dans sa conscience en terme de vocation et d’identité, bien qu’elle rencontre des difficultés à la conserver. Le point faible c’est qu’il y a un besoin de formation plus approfondie et organisée des laïcs et de leur rôle.

L’Eglise de l’Anatolie a-t-elle une vocation particulière ?

Je dirais que oui. Cette église détient sur plus de deux mille ans une présence chrétienne sans interruption dans des lieux qui ont généré la foi. Antioche, à certains égards, est la véritable Eglise mère de l’Eglise celles « d’où viennent les gentils« . Plus que de Jérusalem, en fait, ce sont d’Antioche que sont parties les grandes missions ; c’est là que furent appelés, de ce nom et pour la première fois, les « chrétiens » ; d’ici encore que s’est clairement posée la question de savoir comment l’Eglise venue du judaïsme et l’Eglise composée de «gentils» pouvaient vivre ensemble. Antioche est le véritable berceau de tout cela ; et puisque nous sommes dans le fond l’Eglise « des Gentils », ce lieu est notre Église mère. Ce n’est pas un hasard si certains disent que l’Anatolie est la Terre Sainte de l’Eglise.

Quel est le premier message qui vous apporterez à cette communauté ?

Je m’insérerai dans le début de l’année Jubilaire de la Miséricorde (qui débutera le 8 décembre). Ainsi mon premier message sera celui de la réconciliation, de la miséricorde, de l’acceptation des autres églises chrétiennes ; et sûrement un message de bienveillance aux chrétiens réfugiés qui ont besoin de tout.

Le Pape François vous a-t-il donné quelques conseils ?

Personnellement, je n’ai pas encore vu le pape, mais j’appliquerai les lignes directrices qu’il donne à l’Eglise universelle : à savoir élan évangélique nouveau, une attention aux pauvres et à la réconciliation, il y a tellement de divisions.

Pensant à la Syrie, quel rôle peut jouer la Turquie en cette crise très grave ?

La Turquie, comme l’Europe, doit faire tous les efforts pour mettre fin à ce commerce des armes qui est le vrai problème : les franges extrémistes reçoivent des armes d’autres pays, et donc si nous rompons le commerce des armes, la situation changera. Tel est l’engagement premier.

Quel effet cela fait de se savoir évêque sur le territoire même où est né et a prêché l’apôtre Paul ?

Je pense que la personne et la mission de saint Paul ont été partiellement oubliées à travers les siècles. Permettez-moi de m’expliquer : on a plus étudié Paul le grand théologien que saint Paul grand missionnaire, prédicateur de l’Evangile doté de la possibilité d’adapter son message évangélique aux différents types de public qu’il rencontrait. Paul avait une capacité pastorale et théologique unique dans sa façon de transmettre le message chrétien ; capacité qui a été largement «oubliée» en faveur d’un héritage doctrinal plutôt statique. Paul n’était pas un théologien systématique, il était un pasteur et un évangéliste capable de décliner l’héritage de la foi prenant en compte la diversité des gens qui se tenaient devant lui. C’est évident, à la fois dans ses lettres et dans les Actes des Apôtres, comme je l’ai montré dans mes méditations Fino ai confini estremi (Jusqu’aux extrêmes confins). Je suis convaincu que c’est justement à partir de l’expérience de Paul et Barnabé que nous devons commencer à mieux comprendre aussi la nouvelle évangélisation.

L’ordination épiscopale de Mgr. Bizzeti, aura lieu en la solennité de la Toussaint, elle est prévue à 10h30 dans la Basilique de Santa Giustina de Padoue, Prato della Valle. C’est Mgr Cyril Vasil’ SJ – Secrétaire de la Congrégation pour les Eglises orientales, qui présidera le rite liturgique. A ses cotés se trouveront le nouvel archevêque de Padoue, Mgr Claudio Cipolla, l’archevêque de Ravenne-Cervia, Mgr Lorenzo Ghizzoni, et l’abbé de Santa Giustina, Don Giulio Pagnoni, ainsi que d’autres concélébrants.