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Boycott musulman de l’Esplanade des Mosquées

Christophe Lafontaine
18 juillet 2017
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Israël a rouvert dimanche l'Esplanade des Mosquées à Jérusalem après la fusillade du 14 juillet. A cause de nouvelles mesures de sécurité, les musulmans refusent d’y entrer. Le Fatah appelle à un jour de colère.


Après l’attaque meurtrière du 14 juillet, le Premier ministre israélien avait pris la décision exceptionnelle d’interdire vendredi et samedi l’accès à l’Esplanade des Mosquées. Et ce pour des raisons sécuritaires. Ainsi, des milliers de musulmans s’étaient vu empêchés de s’y rendre pour la prière du vendredi. L’attentat à l’arme à feu de vendredi dernier est l’un des plus graves de ces dernières années dans la Vieille ville de Jérusalem. Il a causé la mort de deux policiers israéliens et des trois assaillants, Arabes israéliens, qui avaient pris la fuite en direction de l’Esplanade où ils ont été abattus par les forces de l’ordre israéliennes. Benjamin Netanyahu a décidé de rouvrir le sanctuaire dimanche après avoir ordonné d’y renforcer les mesures de sécurité en installant caméras et détecteurs de métaux, sans consulter le Waqf, l’organisme chargé des biens musulmans sous autorité jordanienne et en coordination avec les autorités palestiniennes. Israël avait déjà installé de tels détecteurs dans le passé, avant de les enlever quand la Jordanie s’y était opposée, invoquant un changement du délicat statu quo qui autorise les musulmans à monter à toute heure du jour et de la nuit sur l’Esplanade, et les juifs à y pénétrer à certaines heures seulement mais sans y prier.

Le Premier ministre israélien a assuré qu’il ne comptait pas remettre en question le statu quo. Il l’a répété à Paris, dimanche, aux journalistes israéliens, en marge de sa visite officielle. Une modification du statu quo « aurait des conséquences imprévisibles dans le monde et dans l’ordre régional », selon ses propos rapportés dans Le Monde. Ce n’est pourtant pas l’avis des représentants du Waqf dessaisis – à leur insu – de leurs attributions pendant le week-end, qui dénoncent les initiatives unilatérales d’Israël. Et donc une prise de contrôle par les Israéliens de l’Esplanade avec la mise en place des  portiques de sécurité. « Nous n’accepterons pas qu’Israël crée un précédent », a confié à l’AFP Nasser Najib, l’un des gardiens employé par le Waqf depuis 31 ans.

Pour le directeur du conseil du Waqf, Abdel Azim Salhab, la fermeture de l’Esplanade des Mosquées a constitué la « pire agression depuis 1967 » contre ce site. Une référence à peine voilée au début de l’occupation israélienne. « Nous refusons les changements imposés par le gouvernement israélien », a déclaré le cheikh Omar Kiswani, le directeur de la mosquée Al-Aqsa, située sur l’Esplanade. « Nous n’entrerons pas sur le site à travers les détecteurs de métaux », a-t-il confirmé à la presse, à l’extérieur du site.

Depuis la réouverture de l’Esplanade qui abrite le Dôme du Rocher et la mosquée al-Asqa, en guise de protestation, les prières musulmanes ont donc été organisées à l’extérieur de l’enceinte sacrée. Selon les médias israéliens, certains ont tenté d’empêcher les autres pèlerins d’y entrer, causant quelques bagarres. Nombre de fidèles musulmans ont scandé « Pour toi mosquée al-Aqsa, nous sacrifions notre âme et notre sang ». Hier lundi (comme dimanche), l’Esplanade, était pratiquement vide. Seuls quelques touristes et visiteurs juifs s’y sont rendus, selon une journaliste de l’AFP sur place.

Climat électrique

Le statut délicat de l’Esplanade des Mosquées (désignée Mont du Temple pour les juifs) est un enjeu central du conflit israélo-palestinien. Toute modification aux arrangements l’entourant peut raviver les tensions dans la région entre Palestiniens et Israéliens, les premiers craignant que les seconds prennent le contrôle exclusif du site. Pour mémoire, l’Esplanade, troisième lieu saint de l’islam, est également révérée par les juifs le lieu le plus sacré du judaïsme. Elle est bâtie sur le site du Temple juif détruit par les Romains en l’an 70 et dont l’unique vestige, le Mur des Lamentations, est situé en contrebas.

Depuis 48h, des affrontements ont eu lieu entre policiers israéliens et Palestiniens qui s’étaient rassemblés à l’extérieur du site. Selon le Croissant Rouge palestinien, 17 personnes ont été blessées dimanche soir. Hier, 11 personnes ont été soignées après avoir été blessées par des balles en caoutchouc et des dizaines d’autres ont inhalé du gaz lacrymogène, de source palestinienne.

Face à la situation qui demeure tendue, le Secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, a mis en garde contre une flambée de violence entre Palestiniens et Israéliens. La tension pourrait être encore plus électrique jusqu’à mercredi. Selon le correspondant de France 24 dans la région, le Fatah palestinien a appelé à observer un « jour de la colère » dans toute la Cisjordanie mercredi. Selon la chaîne israélienne i24news, le Fatah a également invité à un rassemblement devant la mosquée al-Aqsa en guise de protestation. La chaîne affirme aussi que le parti politique de Mahmoud Abbas a annoncé, en coordination avec le ministère du Waqf, l’organisation de prières vendredi dans les places publiques de toutes les villes palestiniennes, accordant à chaque localité la liberté de déterminer un «  plan supplémentaire pour la victoire d’al-Aqsa.

En raison des fortes tensions, Benyamin Netanyahou pourrait renoncer à sa décision de lever l’interdiction aux députés israéliens de se rendre sur l’Esplanade à titre de test durant cinq jours à compter du 23 juillet. Cette interdiction a été décidée il y a deux ans après une vague de violences.