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Désunion du peuple juif, qui a le plus à perdre ?

Propos recueillis par Christophe Lafontaine
30 septembre 2019
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Désunion du peuple juif, qui a le plus à perdre ?
Jeunes juifs américains participant au programme Taglit Birthright le 6 janvier 2011. ©Yossi Zamir/Flash 90

Israël s’oriente de plus en plus vers le nationalisme et l’identité juive tandis que les juifs américains progressistes approfondissent de plus en plus l’éthique universaliste de leurs croyances juives. Les deux sont-ils irréconciliables ? Décryptage avec l’analyste israélien Ofer Zalzberg de l'International Crisis Group.


La tendance du fossé grandissant entre les juifs américains et les juifs israéliens est-elle irréversible ?

Un changement de politique israélienne en faveur d’une réalité à deux États pourrait modifier radicalement les tendances actuelles. En revanche, si Israël annexait la Cisjordanie sans accorder de droits de citoyenneté aux Palestiniens, les courants libéraux aux États-Unis – orthodoxes modernes, conservateurs et réformés – se sentiraient de plus en plus coupés d’Israël.

 

Lequel des deux groupes a le plus à perdre de voir cette tendance se confirmer ? Et pourquoi ?

Pour les juifs américains cela est principalement perçu comme un coût d’identité. La centralité décroissante d’Israël dans l’identité juive américaine est étroitement liée à une centralité accrue de l’histoire de la diaspora juive, et en particulier à la commémoration de la persécution juive. En conséquence, les parties les plus libérales de la communauté juive américaine comptent de moins en moins d’organisations d’éducation sionistes et un nombre croissant de monuments commémorant la Shoah.
Pour les juifs israéliens cela est principalement perçu comme un coût politique potentiel. Israël semble perdre le soutien politique des politiciens et des électeurs juifs américains. Cette tendance est susceptible d’accroître la propension des futures administrations américaines à poursuivre des politiques conflictuelles à l’égard d’Israël.
L’un des coûts évidents pour les deux groupes est la désunion mondiale croissante du peuple juif, mais les partis politiques religieux de plus en plus puissants en Israël, qui remettent en question l’authenticité du judaïsme réformé et conservateur ne considèrent pas cette unité comme importante.

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Lequel des deux groupes s’éloigne le plus de l’idéal sioniste et de l’identité juive ?

Il existe différents idéaux sionistes et différentes identités juives. Israël s’éloigne de plus en plus de l’idée sioniste initiale selon laquelle les juifs ont le droit à un État, car toutes les nations ont le droit de disposer d’elles-mêmes. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui pour les Palestiniens. Face aux risques que la mondialisation représente pour certaines identités, Israël affirme également l’identité juive de sa sphère publique d’une manière non libérale, au détriment des groupes minoritaires non-juifs. Cela était particulièrement palpable lors de l’adoption de la loi sur la nationalité qui a établi qu’Israël était l’État-nation du peuple juif tout en rétrogradant le statut officiel de la langue arabe en Israël.
En revanche, certaines des parties les plus jeunes et les plus progressistes du judaïsme américain se retirent du sionisme tout en renforçant leur engagement en faveur de types de judaïsme humanistes et libéraux, dans lesquels la théologie est centrée sur le Tikkun Olam (réparer le monde). ♦


Relever le défi de la réunion

Le président de l’Alliance juive a appelé, il y a un an, à organiser des “centaines de débats” entre les juifs d’Israël et de l’étranger pour ne pas “risquer de perdre une part importante du peuple juif”. Isaac Herzog a aussi appelé le gouvernement d’Israël à “honorer son engagement historique de prendre soin du peuple juif de la diaspora en allouant une part substantielle de son budget annuel à une entreprise nationale de diffusion et d’enseignement de l’hébreu dans le monde juif”. Le président israélien, en octobre 2018, a soutenu l’idée de créer des “taglit inversés”. Les taglit sont des séjours de 10 jours offerts à tout juif de la diaspora (de 18 à 26 ans) afin qu’il découvre Israël et explore ses propres liens avec le judaïsme et la communauté juive. Un taglit inversé “[exposerait] davantage” les juifs israéliens aux juifs de l’étranger en se rendant chez eux.

Dernière mise à jour: 08/04/2024 12:00

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