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Quand les cerfs-volants partent en guerre

Giorgio Bernardelli
23 juillet 2018
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Même les ballons et les cerfs-volants changent leur symbolique dans cet incongru conflit israélo-palestinien : initialement signes de la joie et de la paix, ils endossent le rôle d'armes rudimentaires.


Une autre arme rudimentaire. C’est précisément pour cela que pour l’armée israélienne si bien équipée, c’est un cass-tête. Depuis quelques semaines autour de Gaza – encore plus que les manifestations du vendredi à la « frontière » – ce qui fait peur aux généraux, ce sont les cerfs-volants. Et il est difficile de les empêcher de nuire : les militants palestiniens ont en effet mis au point un nouveau système pour causer des dommages au-delà de la barrière, dans les villes israéliennes les plus proches. Ils font s’envoler dans le ciel des cerfs-volants ou des ballons qui portent attachées des bandes incendiaires ou des micro-charges explosives. Il en résulte des incendies qui, dans le climat aride de la région de Gaza, peuvent créer de sérieux problèmes. Il y a quelques jours, un de ces systèmes rudimentaires s’est retrouvé dans le jardin d’une garderie où se trouvaient des enfants : heureusement il n’y a pas eu de blessés.

Cette nouvelle forme de guerre du ciel se poursuit depuis avril et a déjà créé des problèmes considérables ; 678 attaques de ce genre ont été comptabilisées, ce qui a dévasté toutes les cultures agricoles de la région. Pour se mettre à couvert, l’armée israélienne avait également annoncé l’utilisation de drones, mais les résultats contre les cerfs-volants ne semblent pas avoir été encourageants. Ainsi, ces derniers jours, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a fait entendre sa voix, suggérant que si cette situation d’urgence ne s’arrêtait pas, il était également prêt pour une nouvelle guerre des cerfs-volants à Gaza. Presque par réflexe conditionné ces dernières heures il a donc été question d’une intervention de l’Egypte à laquelle le Hamas aurait promis l’intention d’interrompre progressivement ce type d’actions. Promesse cependant qui – du moins pour l’instant – a été démentie par une déclaration à l’agence palestinienne Maan de la part de l’unité des cerfs-volants incendiaires, le groupe de miliciens qui auraient coordonné les lancements. Le groupe déclare – au contraire – vouloir intensifier ses opérations dans les prochaines heures.

Cela suffit pour comprendre que cette histoire est destinée à durer encore longtemps. Et pour en tirer une très triste conclusion : lorsqu’un conflit est également incendiaire, les symboles qui parlent de paix et de liberté finissent par se plier à la logique de la guerre. C’est le cas, en effet, des cerfs-volants qui en 2011 justement à Gaza, avaient été les protagonistes d’une initiative d’un tout autre genre : l’UNRWA avait impliqué des enfants et des jeunes qui participaient aux jeux d’été dans l’opération Kites for peace ; ce jour-là, ils en avaient fait voler en même temps bien 13 000, entrant ainsi dans le Guinness des records. Trois ans plus tard – dans l’un des nombreux moments sombres qui ont marqué l’histoire récente de la bande de Gaza – dans de nombreuses villes du monde, une initiative de solidarité avec les jeunes de Gaza a été promue, justement en utilisant comme symbole le cerf-volant. Au contraire, aujourd’hui ces mêmes cerfs-volants sont devenus une arme. Confirmant une loi désormais évidente de ce conflit : plus on laisse grandir les souffrances et les contradictions, sans faire face au défi d’une paix fondée sur la justice, plus l’inertie submerge tout.

Pourtant, ces heures-ci et précisément depuis Gaza et ses voisins israéliens est arrivé un message d’une symbolique opposée qui nous rappelle la permanence de petites îles de liberté, où il est possible de se rebeller contre la logique de l’affrontement. La famille de Reuven Schmerling – un Israélien qui a été tué l’an dernier le jour de son 70e anniversaire lors d’une des attaques de l’Intifada des couteaux – a décidé d’en faire mémoire en lui consacrant une nouvelle synagogue. Mais la famille a eu la surprise de recevoir de la part d’un entrepreneur palestinien à Gaza une contribution économique pour son initiative. Il avait connu Schmerlin et se souvenait de lui comme d’une personne au cœur pur, un homme qui aimait tout le monde. Ce même geste, plus tard, a également été accompli par d’autres Palestiniens, qui gardaient le même souvenir de la victime.

Petits signes d’un monde dans lequel même un cerf-volant peut redevenir un cerf-volant. Si seulement on acceptait de traiter comme un frère celui qui est de l’autre côté de la barrière.

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