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Clap de fin pour les offres Airbnb dans les colonies

Christophe Lafontaine
23 novembre 2018
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Clap de fin pour les offres Airbnb dans les colonies
Airbnb ne proposera plus locations à Kfar Adumim, colonie israélienne à l'est de Jérusalem © Miriam Alster / FLASH90

A la satisfaction de ceux qui dénonçaient un « tourisme d’occupation », Airbnb ne proposera plus de location dans les colonies de Cisjordanie, nœud gordien du conflit israélo-palestinien. Réactions israéliennes.


« Située au bord du désert, avec une vue panoramique à couper le souffle, se trouve notre suite. » Jacuzzi, patio, climatisation, lit Queen Size, wifi.  Le tout « à 15 minutes de Jérusalem, sur la route principale qui descend jusqu’à la mer Morte.». Problème, cette annonce propose une location saisonnière à Kfar Adumim, une colonie israélienne en Cisjordanie. Or, aux yeux de l’Onu, la Cisjordanie est un territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967. Les colonies où vivent plus de 400 000 personnes et où les Palestiniens n’ont pas droit de cité, sont donc considérées comme illégales par le droit international.

Et c’est là que le bât blesse. Est-il légal (et même éthique) qu’Airbnb tire financièrement profit de ces offres de locations entre particuliers alors que la communauté internationale condamne la colonisation ?

Le leader mondial de location en ligne, après plusieurs années de controverse, s’est finalement engagé par voie de communiqué, publié le 19 novembre, à effacer une liste de près de 200 annonces de logements dans les colonies israéliennes. Précisant au Times of Israel que Jérusalem-Est et le plateau du Golan, annexés par Israël sans reconnaissance internationale, n’étaient pas concernés.

Déjà en 2016, des annonces d’hébergements situés dans des colonies avaient été dénoncées parce que présentées sur le site d’Airbnb comme se trouvant « en Israël » plutôt que dans les Territoires palestiniens…

Pour Saëb Erakat, secrétaire général du comité exécutif de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine), la décision d’Airbnb « constitue une première étape positive. » Dans son communiqué, il ajoute qu’ « il était crucial qu’Airbnb se conforme au droit international. »

La plate-forme touristique en prenant sa décision a en fait choisi d’anticiper d’un jour la publication le 20 novembre d’un rapport de l’ONG Human Rights Watch (HRW) et de l’ONG israélienne Kerem Navot consacré aux « chambres d’hôtes sur des terrains volés. » Les auteurs du rapport estiment que « le fait de contribuer à la viabilité financière des colonies en aidant les entreprises de colonie à louer des propriétés participe au maintien et à l’existence de colonies et favorise la perception qu’elles sont légitimes, malgré leur caractère illégal. » En gros, une condamnation de toute forme de « tourisme d’occupation » au service de la « normalisation » de la situation israélo-palestinienne.

Désaccord

Dans ce cadre, Booking.com a été appelé à suivre l’exemple d’Airbnb qui devrait supprimer les offres litigieuses dans les prochains jours. La plate-forme basée à San Francisco avoue ne pas avoir l’expertise « en matière de différends historiques » dans la région. Expliquant que la législation américaine autorise des sociétés comme Airbnb à exercer des activités sur ces territoires, elle reconnaît que « dans le même temps, de nombreux membres de la communauté internationale ont déclaré que les entreprises ne devraient pas faire affaire ici, car elles estimaient qu’elles ne devaient pas tirer profit des terres déplacées. D’autres pensent que les entreprises ne devraient pas retirer leurs activités de ces zones. » Avant de conclure : « Nous savons que des gens vont être en désaccord avec cette décision et nous respectons leur perspective. »

Dans son communiqué, l’entreprise a expliqué avoir développé « un cadre » pour étudier « au cas par cas » les annonces publiées dans des situations de conflits territoriaux dans les 191 pays où évoluent les prestations Airbnb. Il s’agit notamment d’évaluer outre les questions de sécurité, « si l’existence d’annonces contribue aux souffrances humaines existantes », et de « déterminer si l’existence d’annonces sur le territoire occupé [en question] a un lien direct avec le différend plus vaste qui se déroule dans la région. »

« Class action »

Alors quid du Sahara occidental occupé par le Maroc ? Et du Tibet ? Et de la Crimée ? Et de Chypre-nord occupée par les Turcs, se sont émues certaines autorités israéliennes. Pour ce qui est du Sahara, le Times of Israel a rapporté que deux jours après la décision d’Airbnb, un responsable de la plate-forme avait déclaré étudier la question.

En attendant, le ministre israélien des affaires stratégiques, Gilad Erdan, a dénoncé « une position politique raciste. » Celui qui lutte contre le mouvement BDS (boycott-sanctions-désinvestissement), a appelé tous « ceux qui sont affectés à envisager de porter plainte contre Airbnb », en se basant sur une loi israélienne contre le boycott de l’Etat hébreu. Et c’est ce que n’a pas hésité à faire un groupe d’avocats représentant des colons israéliens propriétaires des biens visés par la décision d’Airbnb, réclamant des dommages et intérêts. Selon Reuters. La class action (plainte en nom collectif) a été déposée devant un tribunal de Jérusalem jeudi 22 novembre, soit quatre jours après l’annonce d’Airbnb.

Le ministre israélien du tourisme, Yariv Levine, a demandé à son cabinet d’étudier des mesures de représailles pour limiter les activités d’Airbnb en Israël. Comme le relève le journal Le Monde, « le passage des mots aux actes n’est pas certain, en raison des revenus générés par cette activité et l’importance croissante du tourisme dans l’économie nationale (4,2 milliards d’euros, près de quatre millions de touristes prévus sur l’année 2018). »