Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Jérusalem: le volume de l’appel à la prière en question

Christophe Lafontaine
4 janvier 2019
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable
Jérusalem: le volume de l’appel à la prière en question
Vue de la mosquée al Aqsa à Jérusalem ©NatiShohat/FLASH90

Le nouveau maire de Jérusalem a l’intention de faire baisser le volume sonore des haut-parleurs pendant l’appel à la prière des musulmans dans la ville sainte, dès le mois de mars. Une proposition qui ne date pas d’hier.


Les médias israéliens se sont fait l’écho cette semaine d’un projet du maire de Jérusalem qui risque de faire du bruit. Selon un reportage télévisé de la chaîne Hadashot diffusé le 1er janvier 2019, la première initiative majeure de Moshe Lion, élu il y a un mois et demi dans le fauteuil de maire de Jérusalem, veut mettre le chant des muezzins en sourdine pour préserver la tranquillité des riverains, notamment la nuit. Dans la religion musulmane, l’appel à la prière – l’adhan – est lancé cinq fois par jour, y compris au moment du coucher du soleil et à la pointe du jour, pouvant commencer dès 4h du matin.

Le plan concernant les haut-parleurs extérieurs des minarets de Jérusalem sur lequel travaille le maire consisterait en trois points. Premièrement, échanger d’anciens haut-parleurs jugés trop forts contre d’autres équipements acoustiques plus petits ou en tous les cas plus silencieux. Deuxièmement, interdire le dépassement de la limite autorisée concernant les nuisances sonores et la prévention du bruit. Troisièmement, permettre à la police d’intervenir pour faire réduire le volume des haut-parleurs des mosquées si elle les juge trop bruyants.

« Les partisans soutiennent que la police ne fait pas respecter les règles existantes et qu’une législation plus spécifique est donc nécessaire », fait remarquer le Times of Israel.

La proposition de Moshe Lion est débattue avec les Mukhtar (dirigeants locaux) de différents quartiers de Jérusalem-Est comme Beit Safafa, Beit Hanina et Shuafat, selon les informations du Times of Israel. « Notre objectif est de traiter ce problème avec toutes les parties concernées afin que toutes les personnes impliquées soient satisfaites », a déclaré Moshe Lion, cité dans le quotidien israélien.

D’après les médias locaux, la municipalité a approuvé un budget préliminaire pour un programme pilote qui vérifiera l’efficacité du projet municipal qui est appelé à être appliqué dans le courant du mois de mars avec un coût prévu, pour chaque mosquée concernée, compris entre 50 000 et 70 000 shekels (13 380 – 18 730 euros). Sachant que Jérusalem compte 73 mosquées selon un rapport publié en 2016 par la mission d’Israël auprès des Nations unies à Genève.

Ce n’est pas la première fois que des responsables israéliens s’attaquent au sujet. En 2002, le Centre de recherche et d’information de la Knesset avait recencé de multiples plaintes contre l’appel à la prière, en particulier dans les villes mixtes. L’usage, à l’époque, était de s’adresser directement à chaque muezzin et de lui demander de contrôler les décibels de ses haut-parleurs ou de les orienter différemment voire de se coordonner en réseau avec les autres mosquées de la ville – comme à Jaffa – pour émettre en même temps les appels à la prière et éviter toute cacophonie.

Mais le cas par cas n’a pas toujours été suivi de succès. C’est pourquoi, un premier projet de loi avait été présenté en 2011. Sans suite. Puis, en mars 2017, la Knesset (le parlement israélien) avait donné un accord de principe à deux versions de ce que l’on appelait le « projet de loi muezzin ». Une version aurait limité les heures de la journée où l’appel à la prière pouvait sonner dans le pays, ainsi que son volume ; l’autre aurait totalement interdit les appels amplifiés à la prière comme c’est le cas au Caire, en Egypte, par exemple, avait avancé le Premier ministre israélien qui soutenait le projet. Benjamin Netanyahu avait alors qualifié en novembre 2016 dans les colonnes du Times of Israel, les bruyants appels à la prière de « nuisance publique qui touche toutes les confessions religieuses […] les musulmans, les juifs et les chrétiens en souffrent tous. »

Le projet était finalement resté lettre morte car d’une part, les ultra-orthodoxes craignaient que la mesure ne se retourne contre eux et que la sirène d’ouverture du Shabbat le vendredi soir ne soit elle aussi limitée. Et d’autre part, parce que les Palestiniens y voyaient une tentative de réduire l’influence musulmane à Jérusalem et une atteinte à la liberté religieuse des musulmans et donc au statu quo dans la ville sainte. L’israélienne, Tzipi Livni, chef de file de l’Union sioniste (centre gauche) avait défendu à l’époque le même argument.

Face au récent projet municipal poussé par le maire de Jérusalem, alors que certains estiment qu’il suffirait de faire respecter les règles en vigueur en matière de pollution sonore pour éviter les problèmes interreligieux, les critiques sont les mêmes qu’il y a deux ans. Le conseil islamo-chrétien de soutien à Jérusalem et aux lieux saints a qualifié dans un communiqué le projet de « dangereux » qui pourrait accroître les tensions dans la ville sainte, selon le journal israélien Arutz Sheva. Hanna Issa, secrétaire générale du conseil précité, elle, a déclaré que cette mesure faisait partie des tentatives israéliennes de modifier l’identité de Jérusalem, ville des trois monothéismes.