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Quel patrimoine culturel immatériel israélien à l’Unesco ?

Christople Lafontaine
20 février 2019
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Quel patrimoine culturel immatériel israélien à l’Unesco ?
Elazar Nudell, consultant, préconise l'inscription de la lecture de la Torah au Patrimoine culturel immatériel de l'humanité © Yahav Gamliel/Flash90

Israël n’est plus membre de l’Unesco. Cela ne l’empêcherait pas de présenter des dossiers à la liste du patrimoine culturel immatériel mondial. Selon un consultant spécialisé qui a signé récemment dans le Jerusalem Post.


« Le patrimoine culturel israélien étant de plus en plus menacé par l’antisémitisme mondial et les risques géopolitiques régionaux, il est impératif de le préserver sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco », écrit Elazar Nudell dans le Jerusalem Post. Le journal lui ayant ouvert ses colonnes le 6 février dernier.

L’auteur, basé aux Etats-Unis est un consultant spécialisé dans le patrimoine culturel immatériel (PCI) israélien. A noter que l’Unesco entend par ‘patrimoine culturel immatériel’, « les traditions ou les expressions vivantes héritées de nos ancêtres et transmises à nos descendants, comme les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ou les connaissances et le savoir-faire nécessaires à l’artisanat traditionnel. »

Elazar Nudell explique que la récente sortie d’Israël, le 1er janvier 2019, de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science « ne l’empêche pas nécessairement de proposer des éléments à inscrire sur la liste officielle du PCI de l’Unesco. »  A titre d’exemple, alors que l’Unesco n’admit qu’en 2011 la Palestine comme Etat membre à part entière, on se souviendra qu’en 2008, la Hikaye palestinienne (récit narratif pratiquée par les femmes) fut inscrite sur la Liste représentative du PCI de l’humanité.

Cette liste est une mesure de sauvegarde internationale du patrimoine culturel immatériel qui figure dans la Convention adoptée par l’Unesco en 2003 et mise en vigueur en 2008. Selon Elazar Nudell, également membre de l’Association of Critical Heritage Studies (dont l’objectif principal est de promouvoir la recherche et la réflexion sur le patrimoine), l’Unesco – l’année dernière – a officiellement « inscrit » 31 éléments venant du monde entier sur cette fameuse liste, dont l’art français de la fabrication de parfums, l’As-Samer jordanien (art composé essentiellement de danses et de chants, interprété à diverses occasions, le plus souvent lors des cérémonies de mariage).

Une liste de six éléments …

« Malheureusement, déplore le consultant, Israël n’a jamais soumis de patrimoine culturel immatériel à la liste de l’Unesco pour inscription. » Or, pour lui, six éléments emblématiques « devraient immédiatement être soumis à l’Unesco pour inscription. » Quatre étant directement liés au judaïsme.

Premièrement, le shofar, témoin de l’histoire biblique. Abondamment cité dans la Bible (les murailles de Jéricho, procession de l’arche sous la direction de David…), le shofar servait aussi à rassembler après les batailles ou à avertir d’un danger. Le shofar est aujourd’hui sonné pour commémorer un événement exceptionnel comme lors des cérémonies d’investiture d’un nouveau président. Symbole le plus manifeste de Roch Hachana, le shofar est sonné comme une alarme pour les consciences. Il retentit tous les jours le dernier mois de l’année civile, le mois d’Eloul (sauf durant shabbat), au cours de l’office du matin, et jusqu’à Kippour. La sonnerie du shofar a la particularité d’être une obligation pour les hommes comme pour les femmes, qui implique le fait d’écouter le shofar et non pas de souffler dedans.

En deuxième élément, la lecture de la Torah « dont les pratiques de lecture et de cantillation se sont développées de différentes manières dans diverses communautés juives à travers le monde », explique Elazar Nudell.

Le consultant suggère aussi que devraient rejoindre la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité aussi bien la danse folklorique israélienne que la poésie hébraïque moderne. Celle-ci ayant connu son envol à la fin du XIXème siècle avec la renaissance de l’hébreu. Une poésie dont les sources d’inspiration sont aussi variées que les origines des poètes, et dont l’évolution est étroitement liée aux soubresauts de l’histoire européenne au XXème siècle et à la création de l’Etat d’Israël.

…qui englobe même le rituel du mariage druze et la céramique arménienne

Aux côtés du patrimoine culturel immatériel israélien proprement lié au judaïsme et à son histoire, Elazar Nudell défend également l’idée que la « diversité multiculturelle » du pays est riche aussi des héritages de communautés « sous-représentées » dit-il. Comme par exemple celles des Druzes et des Arméniens. Mais le site de l’Unesco précise bien que « le patrimoine culturel immatériel ne peut être patrimoine que lorsqu’il est reconnu comme tel par les communautés, groupes et individus qui le créent, l’entretiennent et le transmettent ; sans leur avis, personne ne peut décider à leur place si une expression ou pratique donnée font partie de leur patrimoine. »

Elazar Nudell retient deux points. D’abord, le rituel du mariage druze qui tourne autour du pain. A la fin des trois jours de noces, la jeune épousée applique fermement une pâte « la Khamire », agrémentée de fleurs et de pièces de monnaie sur le linteau de la demeure qu’elle habitera avec son mari. Chez les Druzes, le levain (khamire) est le signe du ‘vivant’ en germe. Il est la promesse que l’épouse fera « lever » sa demeure et gonfler son ventre. De plus, le pain qui nourrit la famille fonde l’hospitalité de ceux qui habiteront le foyer. Le mari fait les mêmes gestes. Lui qui doit protéger sa maison et sa femme. Si par malheur le pâton cru se détache et tombe pendant le rituel, le présage est mauvais.

L’auteur recense enfin l’artisanat arménien. Expliquant que depuis une centaine d’années, « la poterie artisanale arménienne est un élément familier à Jérusalem. »  Elles sont bien connues ces céramiques où le bleu-turquoise côtoie le vert, le marron-terre (rouille), et même le rouge. Œillets, roses, tulipes, et style saz (feuilles dentelées), entourent paons, oiseaux du paradis, biches.

On retrouve aussi sur les céramiques de Jérusalem, les « sept espèces » de la Terre Sainte (le blé et l’orge, la grenade, le raisin, les figues, les dattes et les olives).