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Joe Biden président : À quelle relation États-Unis-Palestine s’attendre ?

Jeanne-Louise Roellinger
3 février 2021
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Joe Biden président : À quelle relation États-Unis-Palestine s’attendre ?
9 mars 2016, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu rencontrait Joe Biden alors le vice-président de Barack Obama, lors d’une visite officielle en Israël et dans l'Autorité palestinienne. ©Ben Gershom / GPO

Quelques jours après la prise de possession officielle de Joe Biden à la Maison Blanche, les États-Unis déclarent à la communauté internationale ses intentions concernant le conflit israélo-palestinien. Alors que les relations entre les États-Unis et Israël ne semblent pas remises en question, qu’en sera-t-il du rapport entre les États-Unis et la Palestine ?


« Sous la nouvelle administration, la politique des Etats-Unis sera de supporter une solution à deux États mutuellement acceptée, dans laquelle Israël vit en paix et en sécurité aux côtés d’un État palestinien viable ». C’est ce qu’a déclaré, le 26 janvier dernier, le chargé d’Affaires des États-Unis aux Nations Unies Richard Mills. Cette prise de parole marque les pas en arrière que le président Biden souhaite faire vis-à-vis du conflit israélo-palestinien, dont la configuration a été profondément marquée par les dispositions prises par la précédente administration.

Pour rappel, le soutien inconditionnel à Israël a été un élément de campagne du candidat Trump avant son élection. En ont donc découlé des décisions historiques : le déplacement de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, la fin des relations diplomatiques avec l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) en fermant sa mission à Washington, la mise à l’arrêt de l’aide humanitaire et de développement par les canaux de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés (UNRWA) et de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), et enfin le plan de paix avantageant largement Israël dans l’avancement de la résolution du conflit. Le mandat précédent a aussi été ponctué par des reconnaissances inédites de la part de l’administration Trump : celle de Jérusalem comme capitale d’Israël, ou encore de la légalité des colonies en Cisjordanie, toutes les deux allant à l’encontre du droit international.

Lire aussi : Quand le Twitter de l’ambassade US reconnaît brièvement Gaza et la Cisjordanie 

Ainsi, Joe Biden a rapidement affirmé qu’il allait rétablir certaines des conditions en vigueur précédemment au mandat de Donald Trump, notamment la réouverture du consulat à Jérusalem-Est ainsi que celle des bureaux de l’OLP à Washington, mais aussi le rétablissement de l’aide financière et humanitaire américaine qui représente près de 700 millions de dollars.

L’élection de Joe Biden ne signifie pourtant pas un retour à l’ère pré-Trump. Malgré son opposition première au déplacement de l’ambassade à Jérusalem, Joe Biden a déclaré qu’il n’avait aucune intention de la transférer de nouveau à Tel Aviv. Il se place aussi toujours dans la lignée de son prédécesseur en conditionnant le rétablissement de l’aide américaine à l’Autorité Palestinienne si elle interrompt son soutien aux familles de prisonniers et d’agresseurs palestiniens tués par des Israéliens. Joe Biden s’est également révélé très proche du mouvement sioniste, d’Israël ainsi que de Benyamin Netanyahou avec lequel il entretient une amitié de longue date, au contraire de Barack Obama.

Quelques pas en arrière… mais quels pas vers l’avant ?

Ainsi, les décideurs palestiniens n’attendent pas de changement majeur dans la future politique étrangère des États-Unis, comme l’a déclaré Nabil Shaath, le représentant spécial de Mahmoud Abbas. À cela s’ajoute la défense d’une solution à deux États, qualifiée d’irréalisable aujourd’hui par beaucoup, au vu du changement ces dernières années dans le rapport de force entre Israël et les territoires occupés. Cette position est cependant souvent réaffirmée dans l’arène internationale, à l’image de la France le 16 novembre dernier alors qu’elle dénonçait la construction de nouveaux logements dans la colonie de Givat HaMatos à Jérusalem-Est. Mais cette position est aussi difficile à tenir, le représentant Mills ayant déclaré lors de la même prise de parole devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies que « de manière réaliste, il est difficile de voir les perspectives de moyen terme allant dans ce sens ».

Comment la nouvelle administration procèdera-t-elle afin de « renouveler les relations des États-Unis avec le leadership palestinien et le peuple palestinien » ? La discrète tentative de changer le nom du compte Twitter de l’ambassadeur des États-Unis en Israël n’est évidemment pas passée inaperçue et s’est finalement soldée par un retour à la normale quelques heures plus tard. Ce qui s’apparente à une volonté de redonner son importance à la Cisjordanie et à la bande de Gaza et à marquer une rupture avec la position controversée de l’administration précédente semble plutôt maladroit.

Renouveler ses relations avec les territoires palestiniens ne passerait-il pas par une dissociation des relations États-Unis-Palestine et États-Unis-Israël ? Si le gendarme du monde souhaite se repositionner comme arbitre entre Israël et la Palestine, peut-être devrait-il enfin construire une relation indépendante avec cette dernière, et non pas associer ces deux entités comme si elles pouvaient être administrées de manière conjointe et indissociable. Défaire une partie des décisions prises par l’administration Trump ne sera pas suffisant au rééquilibrage de la position des États-Unis entre Israël et la Palestine. Ce rééquilibrage est pourtant nécessaire afin que les États-Unis retrouvent – s’ils le souhaitent – leur véritable place de médiateur dans ce conflit.