Ils se marieront l’été prochain. Ils ont le même âge et ont fait un choix résolument à contre-courant (surtout pour des jeunes issus, comme eux, de familles bourgeoises) : rester à Bethléem et fonder
une famille, afin de servir d’exemple à d’autres jeunes chrétiens.
Sabeen Rahil et Elias Al-Arja, tous deux âgés de 24 ans et chrétiens, ont décidé de construire leur avenir et leur foyer dans la ville où ils sont nés : Bethléem. En dépit de la situation environnante ils affirment : “Nous avons confiance que la paix reviendra dans ce pays, si ce n’est aujourd’hui, ce sera demain”. Et d’ajouter : “Nous croyons que ce pays est béni. Nous ne pourrions trouver un meilleur endroit pour vivre que celui où Jésus est né”.
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Sabeen et Elias se sont rencontrés fin 2020 dans le cadre du Leo Club, la branche jeunesse du Lions Club. Cette association, très active à Bethléem, organise des événements caritatifs et des collectes de fonds pour des projets d’aide aux personnes en difficulté. Leur histoire d’amour est née en travaillant côte à côte, partageant le désir d’aider les autres et de donner avec générosité.
Leur relation a été mise à l’épreuve lorsque Sabeen, déjà diplômée en audiologie et orthophonie, est partie à Bruxelles pour un master en management, au moment où éclatait la guerre à Gaza. Avant son départ, en septembre 2023, ils ont fait se rencontrer leurs familles, première étape pour formaliser leur relation selon la tradition locale. “Je savais que je partirai pour la Belgique, mais j’ai tout de même décidé de rendre notre relation officielle”, raconte Sabeen. “Je savais que je voulais quelqu’un comme lui à mes côtés. Cette année n’a pas été facile – il a fallu beaucoup de communication, de confiance… mais cela en valait la peine. Cela a renforcé notre relation et approfondi notre amour.”
En nous mariant, nous souhaitons encourager d’autres chrétiens à rester ici, à contribuer et à faire grandir la communauté chrétienne de Bethléem.
Les fiançailles officielles ont eu lieu début août et le mariage est prévu pour fin juillet 2025. En attendant, ils ont commencé à construire un appartement au-dessus de celui des parents d’Elias.
Elle, issue d’une famille catholique, et lui, d’une famille grecque-orthodoxe, partagent un rêve commun : “Nous voulons que nos enfants grandissent ici, explique Elias. En nous mariant, nous souhaitons encourager d’autres chrétiens à rester ici, à contribuer et à faire grandir la communauté chrétienne de Bethléem, là où Jésus est né. Nous voulons bâtir une génération de personnes convaincues que cette ville est un lieu pour les chrétiens.”
Leur choix représente un véritable défi, compte tenu de la grave crise économique qui frappe les Territoires Palestiniens depuis l’éclatement de la guerre à Gaza, avec des répercussions sociales importantes : tensions accrues, hausse de la criminalité et taux élevé d’émigration.
Des défis à relever
C’est dans ce contexte difficile que Sabeen et Elias ont commencé leur carrière professionnelle. Bien qu’ils aient intégré les entreprises familiales, de nombreux défis les attendent. La famille Al-Arja s’est d’abord distinguée dans le secteur textile avant d’investir dans le tourisme. Elias, diplômé en économie, a pris la gestion de l’hôtel de son père à Beit Jala. “Bethléem vit à 90 % du tourisme. Mais depuis près d’un an, il n’y a plus de revenus. J’essaie de trouver une autre solution. J’ai ouvert l’hôtel à une clientèle locale, comme les travailleurs venus du nord de la Palestine, qui ne peuvent pas faire la navette. Ce n’est pas une solution définitive, mais c’est déjà ça. Nous remettons tout entre les mains de Dieu.”
Quant à Sabeen, qui vient de terminer son master et a rejoint l’entreprise de son père, elle devra également trouver des solutions pour pallier la perte de clients. Les difficultés d’accès à Bethléem pour les habitants d’Hébron ou du nord de la Palestine, dues aux fermetures de routes, aux checkpoints, et à la montée de l’agressivité des colons israéliens, compliquent fortement la situation.
À cela s’ajoute une criminalité en hausse. Le terrain sur lequel Elias avait commencé à poser les fondations de leur future maison a été à plusieurs reprises attaqué par des bandes armées du camp de réfugiés de Deisheh, l’obligeant à modifier ses plans pour éviter les violences répétées. “Si un jour la guerre arrivait jusqu’ici et que nous devions fuir, je laisserai tout derrière moi pour protéger ma femme et nos enfants. Mais pour l’instant, nous nous concentrons sur la construction de notre maison et de notre communauté. Je veux que nos enfants connaissent leurs racines.”
Depuis le début de la guerre, 55 familles chrétiennes ont quitté Beit Jala pour s’installer à l’étranger. Dans l’ensemble de la région de Bethléem, ce chiffre dépasse largement la centaine. “Nous croyons fermement en l’importance de la présence chrétienne dans le lieu où Jésus est né”, affirment les fiancés. “Nous aussi, nous avons envisagé de vivre à l’étranger. Mais finalement, nous nous sommes dit que nous ne pouvions pas imaginer notre vie ailleurs. Peut-être qu’avec notre choix de rester, nous pourrons être un exemple pour d’autres chrétiens.”