Combattants pour la paix: « Endurer la douleur des deux côtés, c’est le chemin »

Le 7-Octobre aurait pu faire basculer ces anciens combattants dans la récidive. Pourtant, à l’image des deux directrices du mouvement, les Combattants pour la paix ont rempilé dans la non-violence.
Dans le quotidien du conflit au Moyen-Orient, Rana Salman et Eszter Koranyi forment un couple inhabituel. La chrétienne palestinienne et la juive israélienne co-dirigent l’organisation israélo-palestinienne “Combattants pour la paix” (CfP en anglais). Elles appartiennent donc à la minorité des deux sociétés qui milite activement pour une sortie non-violente du conflit.
L’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 et la guerre de Gaza qui a suivi ont bouleversé la réalité du conflit et mis à l’épreuve les deux femmes et leur organisation. Elles ont affronté le choc en pleine conscience et relèvent le défi d’être porteuses d’espoir dans la période présente.
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Le 7-Octobre les a frappées “de nulle part” et a provoqué un énorme choc, dit Eszter Koranyi. Originaire de Jérusalem, alors responsable du programme de leadership des jeunes du CfP, elle se trouvait à Tel Aviv lorsque le Hamas a attaqué plusieurs villes israéliennes frontalières de la bande de Gaza, tuant environ 1 270 personnes et prenant 250 otages. “Ce fut un choc, dit Rana Salman, ça ne semblait pas réel.” Elles reçurent les rapports à leur domicile, “sur le chemin du bureau”.
La guerre n’a de bonne issue pour personne
Mais l’une et l’autre vécurent différemment le choc de cette dramatique journée d’octobre. Alors que la compréhension de l’ampleur de la tragédie s’installait lentement, Eszter l’Israélienne recevait de plus en plus de réactions regrettant un manque de compassion de la part des partenaires palestiniens.
Du côté palestinien, les premières images n’étaient pas celles des massacres du Hamas, mais celles de clôtures qui s’effondraient et qui “symbolisaient la libération des Palestiniens”, accueillies donc avec joie par le peuple, explique Rana Salman. Les Palestiniens, alors le plus souvent au rang des victimes, se sont soudainement retrouvés en position de force. Ce n’est que plus tard qu’est apparue l’horreur, et avec elle la honte : “Ce n’est pas la libération que nous voulons.”
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Entendre les Palestiniens dire qu’ils niaient le 7-Octobre ou des épisodes de celui-ci a été difficile, dit Koranyi. Presque immédiatement, l’organisation a entamé des pourparlers entre ses membres israéliens et palestiniens. “Dès la première semaine de guerre, nous avions déjà eu deux discussions en commun. Nous avons compris que nous devions réduire l’écart entre nous. Puis les appels de Palestiniens qui s’inquiétaient pour leurs collègues israéliens sont arrivés.
Lueur d’espoir
Le 7-Octobre, comme la guerre à Gaza, a profondément ébranlé l’activisme pacifiste israélo-palestinien. De nombreux pacifistes purs et durs imaginent difficilement avoir à nouveau un partenaire du côté palestinien. Des projets communs ont été mis en attente, des événements sur la coexistence sont maintenant menés par groupe ethnique, les Palestiniens qui s’accrochent à leur engagement ont été accusés de “normalisation” par leurs compatriotes.
Les Combattants pour la paix ont également perdu des plumes en termes de nombre de membres. Cependant, tourner le dos à l’association et s’engager ailleurs n’entrèrent pas en ligne de compte pour les deux femmes. Koranyi a été nommée codirectrice. Il a fallu faire un gros travail sur le plan émotionnel, disent Salman et Koranyi, mais en même temps, elles ont aussi eu le sentiment de devoir prendre leurs responsabilités. En fin de compte, cette attitude a conduit de nombreuses nouvelles personnes à découvrir l’organisation. “Beaucoup ont réalisé que les deux parties sont piégées dans ce cycle de la violence et que la guerre n’a de bonne issue pour personne”, explique Koryani.
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Comme la plupart des habitants du pays, le 7-Octobre a asséné un coup dur aux Combattants pour la paix, mais ce n’est pas surprenant. “Nous ne savions pas quand ni où cela allait se produire, mais chez Combattants pour la paix, nous étions très conscients que la situation n’allait pas durer comme elle était.”
Les Combattants pour la paix ont été une des rares organisations israélo-palestiniennes à faire face aux médias après le 7-Octobre, rapportent Salman et Koranyi. “Tous les yeux étaient rivés sur nous. Ils avaient besoin que nous leur donnions une lueur d’espoir. Aujourd’hui, les blessures que le 7-Octobre a également infligées aux Combattants pour la paix sont en train de guérir. Il est difficile d’endurer la douleur des deux côtés, “mais nous savons que c’est le chemin”, disent-ils.t