Le 27 décembre, le président d’Israël a voulu rassurer les Eglises chrétiennes de Jérusalem concernant leurs droits de propriété. Pourtant, des députés reviennent régulièrement à la charge comme ce fut le cas avant Noël.
« Nous ne ferons jamais cela. » Le ton se veut à la fois ferme et apaisant. Le Président Reuven Rivlin a en effet déclaré que « l’Etat d’Israël n’a pas l’intention de porter atteinte aux droits de propriété des Eglises », indique un communiqué du ministère israélien des Affaires étrangères. Il s’adressait aux chefs des communautés chrétiennes en Israël qu’il a reçus le 27 décembre dans sa résidence officielle à l’occasion d’une réception désormais devenue traditionnelle au moment des fêtes de Noël et du Nouvel An (du calendrier grégorien). Le chef de l’Etat hébreu a également assuré aux Eglises qu’Israël ne s’attaquera pas non plus « à leur capacité de réaliser leurs actifs pour appuyer leurs activités. » Des propos qui font écho à ceux qu’avait tenus en octobre dernier, le ministre de la Coopération régionale Tzachi Hanegbi, qui avait déclaré que « le gouvernement israélien [n’avait] aucune intention de confisquer les terres des Eglises ou de (leur) causer un tort économique quelconque. » Le ministre étant chargé d’organiser des concertations avec les responsables chrétiens au sujet d’un projet de loi concernant les terres des Eglises auquel a fait directement référence le président israélien en présence des leaders chrétiens de Jérusalem.
Evoqué pour la première fois à l’été 2017, le projet de loi est réapparu à plusieurs reprises sous différentes moutures tout au long de l’année passée. Selon ses parrains, il s’agirait d’autoriser l’Etat hébreu à confisquer les terres en Israël qui seraient vendues par les Eglises à des promoteurs privés. Le raisonnement est le suivant : le projet de loi vise à protéger les résidents qui vivent sur ces terrains situés à Jérusalem-Ouest qui ont la particularité d’être vendus loués sous forme de baux emphytéotiques signés entre Israël et les Eglises. Or, quand les terrains sont vendus, les résidents ignorent – à l’heure où les baux arriveront à leur terme – à quelle sauce ils seront mangés : renouvellement, hausse des loyers, expulsion, destruction du bâti pour des opérations immobilières plus rentables ? L’incertitude règne, d’où la volonté de permettre, à l’avenir, l’Etat hébreu à saisir ces biens au moment où ils seront vendus et d’offrir des compensations financières aux investisseurs privés.
Mais pour les Eglises chrétiennes, les membres de la Knesset qui poussent le projet de loi « sont induits en erreur », pour reprendre les mots du Patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem qui s’est adressé au président israélien au nom des Eglises et des Communautés chrétiennes de Terre Sainte. En effet, pour elles, le projet de loi reviendrait à nationaliser les propriétés qu’elles pourraient être amenées à céder en compliquant leurs opérations de vente à des acquéreurs privés et facilitant à l’inverse le rachat par l’Etat israélien de ces terres. D’autre part, les Eglises redoutent que cette nouvelle législation dissuade les futurs acquéreurs et impactent négativement leur liberté en matière d’opérations financières. Le tout portant atteinte au statu quo établi entre l’Etat d’Israël et les institutions non-juives régissant les Lieux Saints et assurant les droits et prérogatives des Eglises.
En somme, comme l’a exprimé Théophilos III, les Eglises voient « un projet de loi discriminatoire qui restreint le droit des institutions chrétiennes de gérer leurs biens et menace les revenus qui soutiennent la mission humanitaire de l’Eglise ainsi que les soins apportés aux Lieux saints. »
Mais le 27 septembre, le président israélien a spécifié que « les représentants légaux des Eglises ont été invités à prendre part au processus juridique et à s’assurer que l’accord en discussion ne nuira pas aux Eglises ultérieurement. » Espérant, a-t-il dit, que « cette discussion et ce dialogue aboutiront à une solution. » Ce à quoi a répondu le Patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem, dont l’intervention a été publiée in extenso sur le site institutionnel de son Eglise, que les chefs des Eglises de Jérusalem étaient ouverts au dialogue. Précisant qu’ils resteront « activement attentifs à cette question » et « convaincus que ce projet de loi n’a pas sa place dans le corpus législatif de l’Etat d’Israël. »
Un nouveau sursis … jusqu’à quand ?
Malgré les assurances du président israélien, le Patriarche n’a de fait pas caché les craintes des Eglises de voir se poursuivre à nouveau « les tentatives visant à introduire ce projet de loi. » Car, sur ce sujet de l’expropriation des biens des Eglises, certains députés se révèlent plutôt coriaces, n’ayant pas hésité à remettre le débat régulièrement sur le tapis de la dernière législature israélienne.
Dernièrement encore, alors que le Premier ministre israélien avait assuré à déjà deux reprises qu’un tel projet serait retiré, il s’en est fallu de peu pour qu’un nouveau texte ne soit débattu à la Knesset (le parlement israélien), le dimanche 23 décembre. La décision de poser cette date à quelques heures des festivités de Noël avait été vivement critiquée, perçue comme un acte d’irrespect pour les chrétiens. Finalement, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu et le président Rivlin sont intervenus pour assurer le retrait à l’ordre du jour décidé par le comité ministériel. En conséquence de quoi, les chefs des Eglises chrétiennes avaient aussitôt annulé une réunion d’urgence prévue dans la matinée du 23 décembre.
Le geste de l’exécutif israélien a été salué par le Patriarche Theophilos III. « Cette action est conforme à vos engagements de préserver le statu quo de longue date et de préserver la tapisserie multireligieuse unique de notre bien-aimée Jérusalem », a souligné le prélat. Après avoir manifesté la reconnaissance des Eglises chrétiennes de Jérusalem « au ferme soutien de nos amis, tant en Israël que dans le monde entier, qui, malgré le timing peu commode, sont venus immédiatement à notre aide. » Sûr de pouvoir y compter si l’occasion devait se représenter.
L’heure est donc encore une fois à un nouveau sursis. La question est de savoir jusqu’à quand. Sachant qu’avec les élections législatives anticipées au 9 avril 2019, la vie politique israélienne sera partiellement ralentie.
Clin d’œil de situation, la rencontre entre le président israélien et les chefs des Eglises chrétiennes avait lieu dans la résidence présidentielle, la Beit HaNassi, sur un terrain loué à l’Eglise grecque-orthodoxe, qui du reste est le deuxième propriétaire terrien le plus important du pays après l’Autorité des terres d’Israël.
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