Les Damascènes peuvent de nouveau, depuis le 28 octobre 2018, visiter le musée national de la capitale syrienne. Une réouverture partielle, avant qu’elle ne soit totale, qui se veut le signe d’un retour à la normale.
La « renaissance culturelle est encore loin, mais en tant que pays, nous pouvons dire que nous avançons », a déclaré Mgr Antoine Audo. L’évêque de l’Eglise catholique chaldéenne d’Alep, cité par l’agence AsiaNews fait référence à deux événements. D’une part, à la tournée en France de la chorale d’Alep durant le mois d’octobre. « Nous avons ici, dit-il, une chorale d’une vingtaine de jeunes, dirigée par un chef de chœur de haut niveau (…). En chantant, ils ont voulu donner un signe de présence, de vitalité et de relèvement malgré et au-delà de la guerre. Le pays doit continuer à avancer ». Et c’est dans ce sens que le prélat a salué d’autre part la réouverture du musée national de Damas, le 28 octobre dernier. Une première depuis 2012.
Pour l’occasion le ministre syrien de la culture, des dignitaires syriens, des archéologues locaux et étrangers et des spécialistes de la restauration, ont assisté à la cérémonie inaugurale. Dans l’enthousiasme général, l’entrée du musée était gratuite pour tous durant les jours qui ont suivi. En marge de la réouverture du musée, s’est par ailleurs tenue une conférence internationale sur « la réalité des musées syriens et leur rôle dans le renforcement de l’appartenance nationale », a indiqué l’agence Sana, l’agence de presse officielle de la Syrie.
Situé dans le centre de Damas, inauguré en 1920 et déménagé en 1936 à l’endroit où il se trouve actuellement, le musée national de Damas – le plus important du pays – était destiné aux collections nationales exhumées au cours de la première moitié du XXe siècle en Syrie, a rappelé l’AFP. Le fonds des collections est extrêmement important. Il couvre l’ensemble de l’histoire de la Syrie sur une période de plus de 11 millénaires allant de la préhistoire à l’époque moderne en passant par la période classique et l’ère islamique sans oublier les conquêtes d’Alexandre le Grand ou l’ère byzantine. L’une des pièces les plus emblématiques concerne la reconstitution de la synagogue de Doura Europos, (245 après J.-C.) avec son ensemble unique de fresques figuratives. Des fresques aussi célèbres que celles – chrétiennes cette fois – de la Domus ecclesiae du même site archéologique et datant de la même époque.
Sauvetage
Le musée de Damas fut contraint de clore ses portes au public un an après le début de la guerre civile en 2011. Tous les musées ont fermé pendant la guerre. Des millions de dollars et de nombreuses années seront nécessaires avant la réouverture de tous les musées syriens. Le 13 août dernier, c’est le musée d’Idleb en Syrie qui a rouvert au public deux de ses salles.
En fait, dès 2012, le département des musées syriens avait évacué et stocké dans des lieux tenus secrets, quelque 300 000 objets (dont 80 000 de Damas) ainsi que des milliers de manuscrits provenant des 34 musées du pays. « Les pièces difficiles à transporter sont restées sur place mais protégées avec des blocs en ciment » placés tout autour, a expliqué le directeur des bâtiments historiques à la Direction générale des antiquités et des musées (DGAM), Ahmed Dib, dont les propos ont été rapporté par l’AFP.
Si le musée national de Damas a rouvert, ce n’est toutefois que partiellement. Pour le moment, les visiteurs n’ont accès qu’à 1 500 objets exposés, sur plus de 100 000 que possède l’institution. Les autorités se retroussent désormais les manches pour une réouverture totale sous peu. Les visiteurs peuvent toutefois déjà contempler des statues grecques, des peintures murales datant du IIe siècle, des mosaïques et des stèles chrétiennes des Ve et VIe siècles. Il y a aussi la statue romaine en marbre blanc d’un sportif datant du IIe siècle après J.-C. ou encore un sarcophage monumental en provenance de Palmyre.
« Nous voyons la fin de cette grande crise »
Au cœur des jardines du musée, règne en maître, sculpté dans le calcaire, le « Lion d’al-Lât », du nom de la déesse pré-islamique de la fécondité et de la féminité. Il est la première pièce à avoir été restaurée après avoir été, dans une précédente vie, exposé au musée de Palmyre avant que l’Etat islamique ne le ravage. Il est vu comme le symbole d’un retour à la normale dans le pays à un moment où Bachar al-Assad, aidé de la Russie, stabilise son emprise sur la capitale et a repris la quasi-totalité des positions rebelles.
En dépit des conflits encore en cours dans certaines parties du pays notamment dans la province d’Idleb, « la réouverture du musée est un message de sécurité pour la Syrie », s’est félicité le ministre syrien de la culture, Mohamed al-Ahmad. Pour l’évêque chaldéen d’Alep, cette étape revêt « une importance capitale » pour l’ensemble du pays, car elle semble témoigner que « nous voyons la fin de cette grande crise » en Syrie, même si de nombreuses étapes « doivent encore être franchies » a concédé Mgr Antoine Audo. Si le musée national de Damas, souligne Mgr Audo, « est un centre culturel très important pour le pays, le rouvrir signifie tenter de panser l’une des nombreuses blessures ouvertes par cette guerre sanglante, même s’il existe aujourd’hui d’autres priorités : lutter contre la pauvreté, surmonter le problème de la migration des jeunes et nous avons besoin de l’aide de la communauté internationale pour cela. »
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