Le président américain, s’est prononcé, à l’Onu le 26 septembre, pour une solution à deux Etats afin de régler le conflit israélo-palestinien. Quand le chef de l’Autorité palestinienne l’accuse de la mettre « en péril ».
C’est un revirement inattendu. Dans un contexte des plus tendus. Reste à savoir si le positionnement de Donald Trump sur le conflit israélo-palestinien est réellement en train de changer.
« J’aime bien la solution à deux Etats », a-t-il déclaré à la surprise générale, le 26 septembre 2018 en marge de la 73ème session de l’Assemblée générale de l’Onu à New York au début d’une rencontre avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Cette allusion préférentielle à la création d’un Etat palestinien indépendant coexistant avec Israël est une grande première venant de la bouche de Trump.
Cette déclaration s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs et reste la référence pour la communauté internationale. Alors qu’il l’a pourtant reléguée aux oubliettes depuis le début de son mandat, il est même allé jusqu’à affirmer devant la presse : « je pense que les deux Etats vont voir le jour » tout en reconnaissant que c’est « un peu plus difficile » avant d’ajouter « cela marche mieux parce que chacun gouverne de son côté », a-t-il expliqué. Jusqu’alors, l’hôte de la Maison Blanche se contentait de dire qu’il soutiendrait cette solution que si les deux camps l’acceptaient. D’ailleurs, un peu plus tard après sa rencontre avec le Premier ministre israélien, lors d’une conférence devant les journalistes, il a quelque peu tempéré ses propos, rapporte le Times of Israel, en disant : « Je pense que deux États sont probablement plus probables, mais vous savez quoi ? Je pense que s’ils en font un seul, s’ils en font deux, je suis d’accord, si les deux sont heureux. »
Des paroles et des actes
En tous les cas, la déclaration du président américain a fait le tour du monde. Tant elle s’inscrit en faux avec la rafale des décisions prises par l’administration américaine ces neuf derniers mois à l’encontre des Palestiniens. Et ce, depuis la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël le 6 décembre 2017 suivi du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem en mai dernier. Sans compter les coupes de quasiment toutes les aides bilatérales accordées aux Palestiniens, la suppression de ses versements à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), ou encore récemment la fermeture des bureaux de la mission palestinienne à Washington… C’est pourquoi, les représentants palestiniens se montrent des plus dubitatifs face à la politique des Etats-Unis. Ces propos « vont à l’encontre de leurs actes, et leurs actes détruisent clairement toute possibilité d’une solution à deux Etats », a déclaré à l’AFP, Hossam Zomlot, chef de la fameuse mission diplomatique palestinienne à Washington, tout juste fermée.
A la tribune de l’Assemblée générale annuelle de l’Onu, au lendemain des déclarations du président américain, le président de l’Autorité palestinienne a souligné qu’« avec toutes ses décisions, le gouvernement américain est revenu sur tous les engagements qui avaient précédemment été pris par son pays et a même mis en péril la solution à deux Etats. »
Le rôle de médiateur des Etats-Unis en cause
Mahmoud Abbas, fait savoir Reuters, a d’ailleurs appelé jeudi 27 septembre, Donald Trump à annuler sa décision de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël. « C’est Jérusalem-Est dans son ensemble qui est notre capitale », a redit Mahmoud Abbas, après une rencontre avec le secrétaire général de l’Onu Antonio Guterres où ils ont réaffirmé leur « engagement commun » pour la solution à deux Etats, avec Jérusalem comme capitale partagée. Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a ainsi clairement refusé jeudi aux Etats-Unis un rôle de médiateur unique au Proche-Orient. Les enjoignant de participer au Quartet pour le Moyen-Orient qu’ils composent avec la Russie, l’Union européenne et l’Onu.
Pour sa part, le Premier ministre israélien a affirmé après sa rencontre avec Donald Trump qu’Israël ne renoncera pas « au contrôle sécuritaire à l’ouest du Jourdain », y compris en Cisjordanie, craignant notamment que, faute de cela, Daech, le Hamas ou l’Iran n’en profitent. Benjamin Netanyahu ne s’est toutefois pas prononcé directement sur la création d’un vrai Etat palestinien. A l’inverse de deux poids lourds de la coalition ont clairement dit ne pas vouloir d’Etat palestinien. Le ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman a déclaré jeudi qu’un Etat palestinien « ne l’intéressait pas », a rapporté le site d’informations Ynet. Même son de cloche du côté du ministre de l’Education israélien Naftali Bennet, chef du parti nationaliste religieux « Foyer juif » qui a tweeté que tant que son parti était dans le gouvernement, « il n’y aura pas d’Etat palestinien ». Au risque d’« un désastre pour Israël ».
A contrario, rapporte IsraelValley, Tzipi Livni (centre-gauche), chef de l’opposition à la Knesset (le parlement israélien) « s’est dite très encouragée par cet apparent changement de cap du président américain. » Et a demandé à Mahmoud Abbas, rapporte i24news, de reprendre le dialogue avec les Etats-Unis pour faire avancer le processus de paix. Littéralement au point mort. De fait, 25 ans après Oslo, la colonisation israélienne se poursuit, l’Autorité palestinienne n’inspire plus confiance auprès des Palestiniens, ses rivaux islamistes du Hamas, qui contrôle depuis 2007 la bande de Gaza, persistent dans le refus de reconnaître Israël. L’enclave palestinienne pouvant « exploser d’une minute à l’autre », selon l’Onu. L’Etat hébreu a quant à lui, le gouvernement réputé le plus à droite de son histoire.
Malgré tout, le président américain a annoncé qu’il présentera d’ici deux à quatre mois un plan de paix « équilibré ». Un plan plusieurs fois annoncé et reporté… Mais l’hôte de la Maison Blanche n’a pas précisé si ce plan de paix préparé depuis de longs mois et dans la plus grande discrétion, par une petite équipe menée par son gendre et conseiller Jared Kushner, inclurait la solution à deux Etats. Ou pas…