L’époque des triomphes militaires semble déjà loin pour les troupes de l’Etat islamique. De nombreux combattants désertent les rangs, que faire d'eux ?
(Is) – L’avancée des troupes kurdes et irakiennes en direction des villes de Mossoul et Raqqa, avec une perte progressive des territoires conquis par l’Etat islamique, poussent de plus en plus de combattants à abandonner les rangs du « calife » Abu Bakr al-Baghdadi.
C’était un jour d’avril 2016, Mohamed al-Ghabi (un des commandants de la brigade Jaysh al -Tahrir, appartenant à l’Armée syrienne libre) a vu apparaître à l’horizon un milicien de Daesh, il se dirigeait droit vers lui. « Il venait d’Afrique du Nord, il n’était pas syrien – raconte Mohamed al-Ghabi à l’envoyée du quotidien français Le Figaro, qui relate cette histoire -. Il nous a dit être en fuite, que l’Etat islamique n’était qu’une bande de bandits et d’assassins qui avaient souillé l’Islam ».
Que faire avec de cet homme ? Le tuer, l’emprisonner ou le laisser continuer chemin avec le risque qu’il puisse mener des attaques en Turquie ou en Europe ? La décision d’al-Ghabi fut aussi troublante que surprenante : il décida de créer un centre d’accueil pour les combattants de Daesh repentis et en fuite.
« Nous leur donnons un toit, nous les nourrissons et les aidons à comprendre qu’ils ont eu tort. Vous devriez voir à quel point les hommes de Daesh ont lavé le cerveau de ces gens avec un islam violent et intolérant », partage al-Ghabi. Ce constat a donné lieu à une sorte de programme de réhabilitation afin d’éliminer les « toxines » de cette propagande djihadistes. L’objectif : « Leur offrir l’opportunité d’une vie nouvelle tout en les gardant sous stricte surveillance – a dit al-Ghabi -. Mon objectif est de lancer un processus formel de dé-radicalisation de ces étrangers avant leur retour dans leur pays d’origine ». Les neutraliser maintenant c’est éviter de possibles actes violents ou des attaques.
Le centre – situé dans un endroit secret – accueille actuellement une soixantaine de personnes, y compris des syriens, des nord-africains et des européens. Tout le monde doit suivre de juristes et théologiens qui illustrent le «vrai Islam». Parmi les fugitifs il y également des femmes : deux françaises pour être exact. Elles ont probablement rejoint la Syrie, après s’être converties à l’islam, pour se marier avec des djihadistes.
Les risques qu’encourt ce centre sont de diverses natures. Le plus concret : la présence d’infiltrés de Daesh parmi les déserteurs. « Chaque personne est interrogée et ce à plusieurs reprises ; nous voulons nous assurer qu’il n’y a pas des espions. De plus, tous sont étroitement surveillés », déclare Mohamed al-Ghabi qui tient néanmoins à souligner que la structure n’est pas une prison.
La brigade Jaysh al-Tahrir n’est pas la seule à accueillir les déserteurs de l’Etat islamique. La division Falaq Cham a dû convertir une de ses propriétés en centre d’accueil pour plus de 300 fugitifs en provenance des territoires de l’Etat islamique et capturés au cours des quatre mois : syriens, tchadiens, égyptiens, tunisiens et peuples du Caucase. « Ceux qui ont du sang sur leurs mains sont jugés et emprisonnés – explique un combattant de la brigade -. D’autres sont placés dans le centre et contrôlés par nos hommes ». Avec le temps qui passe, cette situation risque de devenir insoutenable, car elle est extrêmement onéreuse. « Nous dépensons des fortunes pour eux – admet Abou Khalil, l’un des membres de la brigade Jaysh al-Tahrir -. Et il y a tant d’incertitudes quant à leur avenir : ceux qui ont contacté leur ambassade n’ont toujours pas de réponse sur l’hypothèse d’un possible retour ».