À Gaza, le cardinal Pizzaballa constate un « retour à la vie » après deux ans de guerre
À l’issue d’une nouvelle visite pastorale à Gaza, le patriarche latin de Jérusalem, le cardinal Pierbattista Pizzaballa, a livré ses impressions sur la situation dans l’enclave palestinienne. Après deux années de guerre, a-t-il souligné, la population ne se situe plus seulement dans une logique de survie, mais dans une attente pressante : celle d’un retour à une vie aussi normale que possible.
« Après deux ans de guerre, ce que j’ai ressenti très fortement, c’est le désir de revenir à la vie », a déclaré le cardinal lors d’une conférence de presse à Jérusalem, au retour de sa visite à la paroisse latine de la Sainte-Famille de Gaza, où il était accompagné notamment du vicaire général du Patriarcat latin, Mgr William Shomali.
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Le patriarche n’a pas minimisé l’ampleur des destructions. « Les gens vivent encore dans des tentes, dans des conditions très misérables. Il n’y a plus d’écoles, les hôpitaux ont de graves problèmes », a-t-il rappelé. Mais il a tenu à relever une évolution notable par rapport à son précédent déplacement, six mois plus tôt.
« L’atmosphère était complètement différente », a-t-il affirmé. « La situation reste catastrophique, mais malgré toutes ces difficultés, nous avons ressenti un désir de revenir à la vie. »
S’agissant des conditions humanitaires, le cardinal a noté : « Il faut le dire : il y a de la nourriture. Il n’y a pas de famine aujourd’hui. » Une situation toutefois fragile, inégale et dépendante de nombreux facteurs.
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Selon le patriarche latin, la population gazaouie entre dans une phase nouvelle : « Jusqu’à présent, ils étaient dans une sorte de mode survie. Maintenant, toutes les questions qu’ils avaient mises de côté pendant ces deux années surgissent : qu’allons-nous devenir ? Quel avenir pour nos enfants ? »
Dans ce contexte, des signes ténus mais réels de reprise apparaissent. « Nous avons vu des magasins rouvrir, des restaurants ouvrir alors qu’ils n’ont presque rien à vendre », a-t-il noté. « Des universités ont repris les cours, dans des conditions extrêmement précaires, mais les étudiants veulent recommencer. »

Ce constat rejoint les paroles adressées par le cardinal aux paroissiens de Gaza, à au moins deux reprises, lors du spectacle de la crèche vivante et dans son homélie de dimanche : « Nous pensons souvent que les puissances mondiales décideront de notre avenir. Mais en réalité, c’est nous, le peuple, qui déciderons comment tout reconstruire. […] Je vous encourage, ne perdez pas espoir. Dans cette nouvelle phase, nous devons insuffler l’esprit de Noël, l’esprit de lumière, l’esprit de tendresse, l’esprit de croissance ». […] Cela paraît impossible aujourd’hui, mais après deux années de guerre terrible, nous sommes toujours là ».
Lors des visites qui l’ont conduit en dehors de l’enclos paroissial, un élément a particulièrement frappé le patriarche : la présence massive d’enfants dans les rues. « Voir autant d’enfants dehors, au milieu de rien, à une heure où ils devraient être à l’école, est saisissant », a-t-il confié, évoquant également « des montagnes de gravats et immondices partout au cœur de la ville ».
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Pourtant, au sein de la petite communauté chrétienne, une forme de résistance intérieure demeure. « Ils sont capables d’être joyeux malgré tout, surtout les enfants », a-t-il insisté. « J’en suis arrivé à penser que ce sont les enfants qui sauvent la communauté, et non l’inverse. Leur joie maintient la communauté en vie. »
Mgr William Shomali, qui se rendait à Gaza pour la première fois depuis le début de la guerre, a livré un témoignage à la hauteur du choc vécu. « Quand j’entendais dire que 80 % de Gaza avait été détruit, je pensais à une exagération orientale. Mais j’y suis allé, j’ai pris des centaines de photos : c’était la réalité. Des quartiers entiers sont rasés. »
Sur le plan humanitaire, il a précisé : « Oui, il y a de la nourriture sur les marchés, même des fruits et des légumes. Mais il faut de l’argent pour les acheter, et beaucoup n’en ont pas. » Une situation aggravée par l’effondrement du système bancaire : « Même ceux qui ont de l’argent à la banque n’y ont pas accès, car les banques ne fonctionnent pas. »
Le constat le plus alarmant concerne la santé. « La première chose que les hôpitaux nous disent, c’est : nous n’avons pas d’antibiotiques », a rapporté Mgr Shomali. « Aujourd’hui, la priorité n’est pas la nourriture, mais les médicaments, le matériel médical, les équipements hospitaliers. »
Mgr Shomali a exprimé sa fierté du rôle exercé par les ONG catholiques dans le domaine humanitaire à l’adresse de tous, citant (CRS) Catholic Relief Service, Caritas, et l’Ordre de Malte en soutien logistique au Patriarcat latin.

Interrogé sur les perspectives politiques et les discussions internationales, le cardinal Pizzaballa a rappelé la ligne de l’Église : « Nous ne sommes pas un acteur politique. Mais l’usage de la violence, nous en avons vu les résultats, et nous y sommes opposés. »
Son message de Noël se veut avant tout spirituel et concret : « Jésus est entré dans l’histoire telle qu’elle était, sans attendre qu’elle soit parfaite. C’est une leçon pour nous : entrer dans la réalité telle qu’elle est, sans se limiter à dénoncer, accuser ou désigner des coupables, mais s’engager dans la reconstruction, surtout dans les lieux les plus blessés, comme Gaza. »
Selon les chiffres communiqués, environ 400 chrétiens vivent aujourd’hui dans l’enceinte de la paroisse de la Sainte-Famille, sur un total de moins de 600 chrétiens dans toute la bande de Gaza, contre plus d’un millier avant la guerre. « La tentation de partir existe, et le nombre sera sans doute plus faible à l’avenir », a reconnu le patriarche. Mais partir ne garantit pas une vie meilleure.
À Gaza, a résumé le cardinal, l’espérance n’est ni naïve ni abstraite : elle prend la forme d’une population qui, au milieu des ruines, « veut recommencer à vivre ».



