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Daoud Nassar : « L’espérance active » d’un fermier chrétien palestinien

Cécile Lemoine
15 octobre 2021
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Daoud Nassar : « L’espérance active » d’un fermier chrétien palestinien
Daoud Nassar fait partie de la troisième génération à habiter la ferme. Une présence essentielle pour ne pas que la terre soit préemptée par les Israéliens ©Cécile Lemoine/TSM

Depuis 30 ans Daoud Nassar se bat pour conserver la propriété de sa ferme, la « Tente des Nations » dans les hauteurs de Bethléem. Malgré les pressions administratives et physiques de la part d’Israël qui cherche à récupérer ces terres, il a choisi la résistance non-violente, en accord avec sa foi. Rencontre.


Si l’espérance avait une forme, elle aurait celle des jeunes feuilles vertes et tendres qui poussent sur les branches des oliviers calcinés de la ferme des Nassar. De leur grand verger en terrasses, il ne reste que quelques arbres aux feuilles roussies et une terre noire comme le charbon. En mai dernier, cette famille chrétienne palestinienne a vu plus de 1 000 de ses figuiers, amandiers, vignes et oliviers, partir en fumée dans un immense incendie, allumé volontairement.

Par qui ? Daoud Nassar et sa femme Jihane, qui sont à la tête de la ferme familiale, ont leur idée sur la question : « Des Palestiniens du village en dessous. Probablement payés par l’État d’Israël pour tenter de nous chasser de nos terres. ». Un coup dur pour le couple qui voit dans ce geste une escalade des pressions et des injustices qu’ils subissent depuis 30 ans, habituellement de la part des colons israéliens. 

Plus de 1 000 arbres fruitiers sont partis en fumée lors d’un incendie criminel en mai 2021. Les dégâts sont estimés à 80 000$. En face, la colonie juive Neve Daniel. ©Cécile Lemoine/TSM

 

Force tranquille sous son chapeau en cuir élimé, Daoud se veut aussi résilient que les jeunes repousses de ses oliviers. Homme d’action, tourné vers le futur, il n’abandonnera pas. Ni sa terre, ni ses principes : « Je ne compte pas rester assis à attendre que les choses s’améliorent toutes seules. Je dois agir à mon échelle. Sans haine. Sans violence ». Il englobe sa ferme, la Tente des Nations, d’un regard et d’un geste. « J’appelle ça l’espérance active ». Plus qu’un slogan, c’est une philosophie de vie, ancrée dans sa foi chrétienne et héritée de longues années de bataille pour conserver la propriété d’une terre qui appartient à sa famille depuis plus de 100 ans. 

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L’histoire des Nassar commence comme celle de beaucoup de Palestiniens. En 1916 le grand-père de Daoud, Daher Nassar, achète un lopin de terre, au sommet d’une colline à une dizaine de kilomètres à l’est de Bethléem. Il fait alors deux choses inhabituelles pour l’époque : il enregistre sa propriété auprès des autorités ottomanes, puis britanniques lorsque celles-ci prennent le contrôle de la région en 1920 ; et il décide de vivre à la ferme, dans une des grottes qui parsèment le terrain.

« Vendre sa terre, c’est vendre sa mère »

Depuis leur colline, les Nassar observent la Nakba de 1948, le début de l’occupation de la Cisjordanie par l’armée israélienne en 1967, et assistent à l’expansion des colonies à partir des années 1980. Bientôt elles sont cinq à entourer la ferme de leurs toits rouges si caractéristiques. Ces implantations forment le troisième plus gros bloc de colonies de Cisjordanie. Seuls obstacles à leur raccordement : la ferme des Nassar et quelques villages palestiniens.

Israël dégaine alors son outil préféré. En 1991 il déclare la région « Terre d’État ». Une manipulation de la loi ottomane qui permet à l’État hébreu de récupérer des terres lorsque les habitants sont dans l’incapacité de prouver qu’elles leur appartiennent. Et c’est souvent le cas : pour éviter de payer des impôts aux Ottomans ou aux Britanniques, les Palestiniens n’enregistraient pas leurs biens fonciers.

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Seulement les Nassar ont fait les démarches et ont les papiers qui démontrent que le terrain leur appartient. Les sessions au tribunal s’enchaînent. Douze années durant. Pour que la famille se voit finalement rétorquer que leurs documents ne sont pas suffisants et que leur terre doit être saisie, ou rachetée. « Vendre sa terre, c’est comme vendre sa mère », refuse Daoud.


 

Retrouvez le reportage entier dans le prochain numéro de Terre Sainte Magazine

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