Des clés pour comprendre l’actualité du Moyen-Orient

Netanyahou à l’ONU : les chrétiens palestiniens dénoncent un « mensonge »

Rédaction
30 septembre 2025
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable
Des fidèles chrétiens orthodoxes participent à une cérémonie du Feu sacré dans l'église de la Nativité à Bethléem, en Cisjordanie, le 19 avril 2025. ©Wisam Hashlamoun/Flash90

Quand le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou accuse l’Autorité Palestinienne de faire fuir les chrétiens de Palestine, ils montent au créneau. D’après eux, ce sont les politiques des gouvernements israéliens successifs qui poussent les chrétiens à émigrer de Palestine mais aussi d'Israël comme le montrent les chiffres.


Le 26 septembre 2025, devant l’Assemblée générale des Nations Unies, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a consacré une partie de son intervention à l’Autorité palestinienne. Il l’a accusée de « rémunérer et glorifier les assassins de Juifs », mais aussi d’encourager ceux qui « tuent des chrétiens ».

Allant plus loin, il a attribué le déclin de la présence chrétienne à Bethléem – passée, selon lui, de 80 % sous contrôle israélien à « moins de 20 % » sous Autorité palestinienne – à la mauvaise gestion palestinienne. Ce paragraphe a immédiatement provoqué une réaction indignée de la part de représentants chrétiens palestiniens, qui y voient une falsification de l’histoire et de leur réalité quotidienne.

Lire aussi → Nous avons choisi de rester à Bethléem – 2025

Le communiqué le plus attendu et le plus relayé est celui du groupe « Une Voix de Jérusalem pour la Justice ». Publié le 27 septembre, il accuse Netanyahou de « mensonges flagrants » et lui dénie tout droit à parler au nom des chrétiens palestiniens.

« C’est l’occupation qui nuit aux chrétiens »

Le texte rappelle que Bethléem était encore une ville majoritairement chrétienne jusqu’en 1948, avec plus de 80 % de chrétiens. La situation démographique s’est renversée à partir de la Nakba (750.000 réfugiés palestiniens expulsés, dont une partie vers Bethléem modifiant la composition démographique de la ville) puis de l’occupation israélienne en 1967, bien avant l’existence de l’Autorité palestinienne.

Lire aussi → L’Église et la diaspora ont un rôle à jouer pour freiner l’émigration – 2018

Selon ce communiqué, ce sont les conditions imposées par l’occupation qui poussent aujourd’hui chrétiens et musulmans à quitter Bethléem : confiscation des terres, mur de séparation, checkpoints, permis de résidence discriminants, effondrement du tourisme depuis le début de la guerre contre Gaza. « Chrétiens et musulmans continuent de vivre ensemble comme un seul peuple, partageant la même lutte sous l’occupation », insiste le texte.

Des chiffres qui parlent

Les données disponibles confirment cette lecture. En Palestine, d’après des sources du patriarcat latin, 162 familles chrétiennes ont quitté la Cisjordanie ces deux dernières années.  Les jeunes diplômés expriment massivement leur désir d’émigrer, invoquant l’absence de perspectives, la peur devant la violence des colons.

Plus surprenant, les chrétiens palestiniens vivant en Israël et jouissant du passeport israélien, ne se sentent pas non plus à la fête. Une enquête du Rossing Center, conduite en 2024, révèle que 37 % des chrétiens envisagent de quitter le pays. La tendance est encore plus marquée chez les jeunes : 48 % des moins de 30 ans et 52 % des 30-44 ans. Les motivations varient : insécurité à Jérusalem-Est, violences criminelles dans les zones arabes d’Israël (comme à Nazareth), difficultés économiques, manque d’accès au logement.

Lire aussi →La communauté chrétienne slave d’Israël est encore en gestation – 2023

Une très nette majorité des personnes interrogées (64,8 %) estime également que la loi de 2018 sur l’État-nation confirme que les chrétiens sont considérés dans l’Etat hébreu comme des citoyens de seconde zone.

Ces chiffres montrent que le départ des chrétiens n’est pas lié à l’Autorité palestinienne en tant que telle, mais à un environnement d’occupation, de restrictions et de crise prolongée.

Un autre communiqué, publié le même jour par le Haut comité présidentiel pour les affaires ecclésiastiques en Palestine, a également dénoncé les « mensonges » du ministre Netanyahou. Dans un langage plus dur, il a parlé de « nettoyage ethnique », d’« apartheid » et de « génocide ». Il a rappelé l’histoire longue des expulsions (Iqrit, Kafr Bir’im localités situées en Israël), les attaques contre les églises de Gaza, les restrictions de culte à Jérusalem et la spoliation des biens des Patriarcats.

Lire aussi → Le village de Taybeh face à la violences des colons israéliens – 2024

S’il illustre la colère officielle palestinienne, ce texte a moins de poids pastoral que celui d’« Une Voix de Jérusalem pour la Justice », plus proche du ressenti des fidèles.

Une inquiétude partagée

En définitive, les réactions chrétiennes à l’ONU soulignent la même conviction : les causes de l’exode des chrétiens ne se trouvent pas dans la gouvernance palestinienne mais dans les politiques israéliennes. À Bethléem, comme dans le reste de la Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ce sont le mur, les colons et l’asphyxie économique qui poussent familles et jeunes générations à chercher un avenir ailleurs.

La réponse palestinienne aux propos de Netanyahou n’est donc pas seulement un démenti : c’est aussi un cri d’alarme. Si rien ne change, l’hémorragie démographique risque de s’accélérer.

Sur le même sujet
Le numéro en cours

La Newsletter

Abonnez-vous à la newsletter hebdomadaire

Cliquez ici
Les plus lus