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À Gaza, le cardinal Pizzaballa constate un « retour à la vie » après deux ans de guerre

Rédaction
22 décembre 2025
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À l’issue d’une nouvelle visite pastorale à Gaza, le patriarche latin de Jérusalem, le cardinal Pierbattista Pizzaballa, a livré ses impressions sur la situation dans l’enclave palestinienne. Après deux années de guerre, a-t-il souligné, la population ne se situe plus seulement dans une logique de survie, mais dans une attente pressante : celle d’un retour à une vie aussi normale que possible.


« Après deux ans de guerre, ce que j’ai ressenti très fortement, c’est le désir de revenir à la vie », a déclaré le cardinal lors d’une conférence de presse à Jérusalem, au retour de sa visite à la paroisse latine de la Sainte-Famille de Gaza, où il était accompagné notamment du vicaire général du Patriarcat latin, Mgr William Shomali.

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Le patriarche n’a pas minimisé l’ampleur des destructions. « Les gens vivent encore dans des tentes, dans des conditions très misérables. Il n’y a plus d’écoles, les hôpitaux ont de graves problèmes », a-t-il rappelé. Mais il a tenu à relever une évolution notable par rapport à son précédent déplacement, six mois plus tôt.

« L’atmosphère était complètement différente », a-t-il affirmé. « La situation reste catastrophique, mais malgré toutes ces difficultés, nous avons ressenti un désir de revenir à la vie. »

S’agissant des conditions humanitaires, le cardinal a noté : « Il faut le dire : il y a de la nourriture. Il n’y a pas de famine aujourd’hui. » Une situation toutefois fragile, inégale et dépendante de nombreux facteurs.

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Selon le patriarche latin, la population gazaouie entre dans une phase nouvelle : « Jusqu’à présent, ils étaient dans une sorte de mode survie. Maintenant, toutes les questions qu’ils avaient mises de côté pendant ces deux années surgissent : qu’allons-nous devenir ? Quel avenir pour nos enfants ? »

Dans ce contexte, des signes ténus mais réels de reprise apparaissent. « Nous avons vu des magasins rouvrir, des restaurants ouvrir alors qu’ils n’ont presque rien à vendre », a-t-il noté. « Des universités ont repris les cours, dans des conditions extrêmement précaires, mais les étudiants veulent recommencer. »

Réunion avec les ONG humanitaires chrétiennes pour faire le point sur les besoins

Ce constat rejoint les paroles adressées par le cardinal aux paroissiens de Gaza, à au moins deux reprises, lors du spectacle de la crèche vivante et dans son homélie de dimanche : « Nous pensons souvent que les puissances mondiales décideront de notre avenir. Mais en réalité, c’est nous, le peuple, qui déciderons comment tout reconstruire. […] Je vous encourage, ne perdez pas espoir. Dans cette nouvelle phase, nous devons insuffler l’esprit de Noël, l’esprit de lumière, l’esprit de tendresse, l’esprit de croissance ». […]  Cela paraît impossible aujourd’hui, mais après deux années de guerre terrible, nous sommes toujours là ».

Lors des visites qui l’ont conduit en dehors de l’enclos paroissial, un élément a particulièrement frappé le patriarche : la présence massive d’enfants dans les rues. « Voir autant d’enfants dehors, au milieu de rien, à une heure où ils devraient être à l’école, est saisissant », a-t-il confié, évoquant également « des montagnes de gravats et immondices partout au cœur de la ville ».

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Pourtant, au sein de la petite communauté chrétienne, une forme de résistance intérieure demeure. « Ils sont capables d’être joyeux malgré tout, surtout les enfants », a-t-il insisté. « J’en suis arrivé à penser que ce sont les enfants qui sauvent la communauté, et non l’inverse. Leur joie maintient la communauté en vie. »

Mgr William Shomali, qui se rendait à Gaza pour la première fois depuis le début de la guerre, a livré un témoignage à la hauteur du choc vécu. « Quand j’entendais dire que 80 % de Gaza avait été détruit, je pensais à une exagération orientale. Mais j’y suis allé, j’ai pris des centaines de photos : c’était la réalité. Des quartiers entiers sont rasés. »

Sur le plan humanitaire, il a précisé : « Oui, il y a de la nourriture sur les marchés, même des fruits et des légumes. Mais il faut de l’argent pour les acheter, et beaucoup n’en ont pas. » Une situation aggravée par l’effondrement du système bancaire : « Même ceux qui ont de l’argent à la banque n’y ont pas accès, car les banques ne fonctionnent pas. »

Le constat le plus alarmant concerne la santé. « La première chose que les hôpitaux nous disent, c’est : nous n’avons pas d’antibiotiques », a rapporté Mgr Shomali. « Aujourd’hui, la priorité n’est pas la nourriture, mais les médicaments, le matériel médical, les équipements hospitaliers. »

Mgr Shomali a exprimé sa fierté du rôle exercé par les ONG catholiques dans le domaine humanitaire à l’adresse de tous, citant (CRS) Catholic Relief Service, Caritas, et l’Ordre de Malte en soutien logistique au Patriarcat latin.

Dimanche 21 mars, le Cardinal Pizzaballa baptisat Maco à la paroisse de la Sainte-Famille de Gaza. ©lpj

Interrogé sur les perspectives politiques et les discussions internationales, le cardinal Pizzaballa a rappelé la ligne de l’Église : « Nous ne sommes pas un acteur politique. Mais l’usage de la violence, nous en avons vu les résultats, et nous y sommes opposés. »

Son message de Noël se veut avant tout spirituel et concret : « Jésus est entré dans l’histoire telle qu’elle était, sans attendre qu’elle soit parfaite. C’est une leçon pour nous : entrer dans la réalité telle qu’elle est, sans se limiter à dénoncer, accuser ou désigner des coupables, mais s’engager dans la reconstruction, surtout dans les lieux les plus blessés, comme Gaza. »

Selon les chiffres communiqués, environ 400 chrétiens vivent aujourd’hui dans l’enceinte de la paroisse de la Sainte-Famille, sur un total de moins de 600 chrétiens dans toute la bande de Gaza, contre plus d’un millier avant la guerre. « La tentation de partir existe, et le nombre sera sans doute plus faible à l’avenir », a reconnu le patriarche. Mais partir ne garantit pas une vie meilleure.

À Gaza, a résumé le cardinal, l’espérance n’est ni naïve ni abstraite : elle prend la forme d’une population qui, au milieu des ruines, « veut recommencer à vivre ».

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