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Un nouveau chapitre pour la Bibliothèque nationale d’Israël

Christophe Lafontaine
9 novembre 2017
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Un nouveau chapitre pour la Bibliothèque nationale d’Israël
La Haggadah des oiseaux (vers 1300) présentée au Musée d'Israël, Jérusalem, Israël © Yoninah

Le 7 novembre 2017, un accord entre la Russie et Israël vise à scanner des milliers d’ouvrages en hébreu. Issus de la collection Günzburg, ils ont été recueillis en Russie sur trois générations de juifs au XIXe siècle.


Dans la mythologie grecque, Dionysos est né deux fois. Dans le monde des livres, la collection Günzburg, aussi. D’abord en Russie il y a plus de 100 ans. Puis, le 7 novembre 2017 à Jérusalem, à l’occasion de la signature d’un accord entre la Bibliothèque nationale d’Israël, la Bibliothèque d’Etat de Russie et la Fondation Peri (basée à Moscou) en charge de l’avenir de la collection Günzburg. C’est ce qu’annonce un communiqué de la bibliothèque israélienne. La collection est composée d’environ 2 000 manuscrits et 14 000 ouvrages – tous en hébreu –  religieux, scientifiques, philosophiques ou artistiques. Certains ont plusieurs centaines d’années. En vertu de l’accord, ce fonds exceptionnel qui se trouve sur le territoire russe sera donné – sous forme numérique – à la Bibliothèque nationale d’Israël. Tandis que les documents originaux resteront en Russie, leurs copies numérisées en haute résolution seront rendues accessible au grand public, sur le site web de la Bibliothèque nationale d’Israël.

Alimentée sur trois générations de juifs russes, cette collection est l’une des plus importantes de livres et de manuscrits hébreu. Déjà, « en 1910, il s’agissait de l’une des plus grandes et des plus importantes collections privées au monde », a confié l’AFP, Aviad Stollman, responsable des collections à la Bibliothèque nationale d’Israël.

De la révolution russe à la révolution numérique

C’est d’abord Joseph Günzburg (1812-1878) qui a entamé la collection familiale, que son fils Horace (1833-1909) continua. Mais si le nombre de recueils a augmenté au fur et à mesure des années, c’est au Baron David Günzburg né en 1857 que l’on doit plus de la moitié des 2000 manuscrits de la collection actuelle. La plupart des ouvrages ont été écrits entre les 13ème et 17ème siècles mais la collection compte aussi de nombreux manuscrits en provenance du Moyen-âge. On y retrouve des textes bibliques, des livres de prières, des ouvrages de philosophie juive et aristotélicienne, des études de mathématiques et d’astronomie. Y figurent aussi, entre autres, des travaux sur la Halakha (loi juive) et le Talmud, ou sur la Kabbale.

David Günzburg décède en 1910. En 1917, la veuve de l’orientaliste vend la précieuse collection privée à des juifs sionistes afin de la transférer à Jérusalem, dans l’institution qui deviendrait plus tard la Bibliothèque nationale. Un projet qui fait chou blanc en pleine Guerre Mondiale et au début de la Révolution russe. Le transfert n’a donc pas lieu. Les autorités russes de l’époque s’emparent alors du fonds. Et depuis un siècle tout rond, les manuscrits étaient conservés à la Bibliothèque d’Etat de Russie, l’une des plus grandes au monde abritant 47 millions d’exemplaires.

Si, depuis ce temps, la collection Günzburg était accessible aux chercheurs à la Bibliothèque d’Etat de Russie, des microfilms des ouvrages avaient été cependant créés dans les années 1990 à l’usage de la bibliothèque israélienne. Finalement, après moult discussions entre la Russie et l’Etat hébreu qui a tout fait pour récupérer la collection sur son territoire, c’est grâce à la révolution numérique que l’accord du 7 novembre a pu être voir le jour. Aviad Stollman, le responsable des collections à la Bibliothèque nationale d’Israël estime auprès de l’AFP que la question de savoir si des sionistes ont bien acheté la collection il y a cent ans « n’importe pas vraiment.» « Nous mettons la question de côté et nous allons de l’avant », ajoute-t-il.

Ainsi, les ouvrages scannés rejoindront la vaste collection de la bibliothèque israélienne réunie sur la plateforme web « Ktiv » [en hébreu : Ecriture), La collection internationale des manuscrits hébreux numérisés. « Notre objectif est de rendre ces manuscrits accessibles à tous gratuitement et partout à travers le monde », a indiqué à l’AFP Aviad Stollman. Le « Ktiv » est un programme qui comprend des livres rares, des manuscrits du Talmud, des journaux anciens en hébreu ou en yiddish, des contrats de mariage juifs, ainsi qu’une partie des archives d’Einstein.

La Bibliothèque nationale d’Israël a été fondée en 1892 sous l’instigation du B’nai B’rith, la plus vieille organisation juive dans le monde. Jusqu’en 1920, elle a siégé dans le campus de l’Université Hébraïque de Jérusalem du Mont Scopus mais elle a ensuite été dispersée au moment de la Guerre de 48. Ce n’est qu’en 1960 qu’elle a été installée à Guivat Ram à Jérusalem-Ouest. Dans les années 50, la bibliothèque israélienne avait entrepris un chantier de collecte des manuscrits hébreux à travers le monde. En soixante ans, elle estime avoir retrouvé près de 50 000 écrits hébreux dans 40 pays différents. La Bibliothèque nationale devrait déménager en 2021, annonce son site officiel. Il s’agit d’un programme ambitieux de 45 000 m2. La future bibliothèque se situera entre le Musée d’Israël et la Knesset. La bibliothèque  ambitionne d’être à la fois un reflet de la culture israélienne mais aussi d’être la bibliothèque de la culture juive. Le coût de la nouvelle Bibliothèque nationale d’Israël  est évalué à 200 millions de dollars, y compris la numérisation de toutes les collections existantes.