Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Il y a 50 ans Nazareth

Par Giuseppe Caffulli
30 septembre 2019
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Il y a 50 ans Nazareth
↓ La basilique de l’Annonciation au cœur de la vieille ville de Nazareth Une façade majestueuse et un toit en forme de tente enchâssent l’humble fiat de Marie et le mystère de la conception virginale.

En 1969, la nouvelle basilique de l’Annonciation était consacrée
à Nazareth, après 8 ans de travaux. Conçue par Giovanni Muzio,
elle se trouve dans l’un des lieux les plus saints et abrite 2000 ans d’histoire et de foi.


Avec la consécration solennelle de la nouvelle basilique, une couronne précieuse vient se poser sur la tête de la Mère de Dieu et de l’Église, fruit de la foi, de la dévotion, du courage et des sacrifices de tant de personnes de tous les pays du monde qui ont désiré et attendu ce jour”. C’est par ces mots que commence la circulaire qu’adressa le président de la custodie, fr. Erminio Roncari, aux religieux de Terre Sainte. La lettre est parue dans le numéro d’avril-mai 1969 du magazine La Terre Sainte, annonçant la consécration de la nouvelle basilique de Nazareth, conçue et réalisée par l’architecte Giovanni Muzio.

↑ L’église de Nazareth vers 1954. C’est ce modeste bâtiment classique du XVIIIe siècle qui a cédé la place à la basilique actuelle.

Le numéro de septembre fit une large place à Nazareth et à la consécration solennelle. Tandis que la revue italienne y consacrait un numéro entier (en juillet-août) d’une grande richesse. Le directeur de la rédaction italienne de l’époque, fr. Claudio Baratto, expliquait dans son éditorial l’importance de l’entreprise : “Pour Nazareth, l’année 1969 restera indélébile car elle ouvre une nouvelle ère qui ne résulte pas d’événements douloureux, comme c’est souvent le cas dans l’histoire humaine, mais de la convergence en un objectif commun, de foi, de contributions universelles, du travail d’humbles gens, d’ingéniosité et d’art.” Ce numéro fut très riche en matière d’informations et d’approfondissements. Il y avait notamment un article sur le “Message de Nazareth” de fr. Ignazio Mancini, une étude sur les fouilles archéologiques liées au Lieu saint (signée T.C.) ; un article de fr. Metodio Brlek sur les relations entre le Saint-Siège et la nouvelle basilique, et un long essai de fr. Gino Concetti sur la présence des franciscains à Nazareth. Parmi les contributions les plus intéressantes et les plus originales du numéro en question, il faut noter la liste des artistes, décorateurs et ouvriers (qui ne furent pas seulement italiens) engagés dans la réalisation du projet, coordonnée par l’architecte Giovanni Muzio “auteur aussi de plusieurs autres détails fonctionnels et décoratifs du sanctuaire, comme les autels, les ambons, les inscriptions, les sols, les lustres…” dont Yoki Aebischer de Fribourg (Suisse), Max Ingrand de Paris (France), Claude Lafleur de North Hatley (Canada), (voir pages suivantes).

Dans l’abside centrale de la partie supérieure, se déploie la grande mosaïque représentant l’article du Credo professant l’Église “Une, sainte, catholique et apostolique”.

 

L’événement

Le programme de la consécration nous permet de saisir la solennité de l’événement qui s’est déroulé sur plusieurs jours, du dimanche 23 mars 1969 au mercredi 26 mars 1969, en présence du cardinal Gabriele Garrone, alors préfet du Conseil pontifical pour l’éducation catholique, et du ministre général des frères mineurs, fr. Constantine Koser. Le point culminant des célébrations fut le 25 mars, avec la cérémonie solennelle pontificale présidée par le patriarche latin de Jérusalem, Mgr Alberto Gori, ancien custode de Terre Sainte.
Voici le compte-rendu de cet événement : “Le 23 mars, après huit années de travail intense et continu, nous avons atteint le moment tant attendu de la consécration solennelle de la nouvelle basilique de Nazareth. Le monumental édifice et ceux alentours sont décorés pour la fête, les entrées et les quartiers sont animés par un large public composé de fidèles des nombreuses paroisses de Terre Sainte, d’un grand nombre de pèlerins, principalement italiens, de journalistes et de photographes professionnels, de la radio et de la télévision israélienne et d’autres pays”.*

Détail d’une des 4 portes de bronze toutes ouvragées par Roland Friederischen. Ici Jésus prêchant au bord du Lac.

 

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Devant la grotte, on voit bien le tracé de l’antique église byzantine.

 

Le custode de Terre Sainte de l’époque, fr. Alfonso Calabrese, était absent pour des raisons de santé à la consécration de la nouvelle basilique de l’Annonciation (visitée aussi par Paul VI alors qu’elle était encore en construction, pendant son voyage historique en Terre Sainte de janvier 1964).
Cinquante ans plus tard, il convient de rappeler l’événement de la construction et de l’inauguration de la basilique érigée sur l’un des Lieux Saints les plus importants et les plus visités de Terre Sainte. “Son architecture en béton apparent – explique le Guide de la Terre Sainte de Heinrich Fürst et Gregor Geiger, ne révèle peut-être pas au premier regard toute sa beauté au pèlerin ; mais elle parvient, d’une façon unique, à relier le passé et le présent, l’Église locale et l’Église universelle. Le bâtiment se compose de deux églises superposées. Alors que l’église supérieure est réservée pour les célébrations de la communauté locale ou de pèlerins, l’église inférieure entourant la grotte de l’Annonciation invite avant tout – malgré ses dimensions – au recueillement, à la méditation sur les événements qui ont eu lieu là, il y a 2000 ans.”
Comme l’a souligné fr. Ignazio Mancini dans son article sur le “Message de Nazareth”, le mystère qui a eu lieu dans les pauvres murs de la sainte Grotte indique que “la vie de famille est communion d’amour” et qu’à Nazareth “on apprend une nouvelle dimension, celle de l’incarnation de Dieu” dans l’Histoire. Un événement qui nous rend coresponsables dans le projet du Salut et nous engage à réaliser le Royaume de Dieu sur terre.♦

 

 


Là où l’ange a visité Marie

Devant la grotte de l’Annonciation, dans l’église inférieure, on reconnaît encore clairement la structure d’une église byzantine avec son abside orientée à l’est. En dessous, comme l’ont révélé plusieurs découvertes, il devait y avoir un temple chrétien plus ancien. Certains spécialistes parlent d’une “église-synagogue”, du fait de la forte influence culturelle du judéo-christianisme à Nazareth ; mais nous sommes loin d’avoir des certitudes en la matière. Il est en fait probable que ce précédent bâtiment remonte également à l’époque byzantine. On peut lire chez Épiphane de Salamine (vers 375 ap. J.-C.) que Joseph de Tibériade, juif converti, avait après avoir été baptisé – grâce aussi à la contribution de l’empereur – fait construire des églises dans sa ville natale, puis à Sepphoris, Nazareth et Capharnaüm, tous lieux habités par des juifs. Il est vrai qu’Épiphane ne jouit pas d’une excellente réputation auprès des historiens, mais dans cette région la tentation de lui faire confiance est forte. La première église de la grotte a donc été construite peu après l’an 350. Elle était probablement décorée de mosaïques du début de la période byzantine. Ces mosaïques étaient toutes ornées de croix et datent d’avant 427, année où l’empereur Théodose II a décrété que la vénération de la Croix ne signifiait pas pour autant recouvrir les sols de son image.

↑ Maquette de l’église croisée beaucoup plus vaste que la byzantine. Maquette réalisée d’après le résultat des fouilles de l’église rasée en 1263 par le sultan mamelouk Baybars. La maquette est démontable de façon à voir où prenait place la grotte dans la basilique.

Il est une découverte particulièrement précieuse concernant cet ancien sanctuaire. Il s’agit d’une inscription gravée en grec à la base d’une colonne : XE MAPIA, abréviation du grec Chaïre Maria, les premiers mots de la salutation de l’ange à la Vierge (Lc 1, 28 : “Réjouis-toi”), traduit par Ave Maria en latin. Cet émouvant joyau est conservé dans le petit musée voisin. À côté de l’église byzantine, il y avait d’autres pièces et probablement des fonts baptismaux.
Les Croisés ont alors construit leur église dans l’axe de la byzantine mais avec des proportions complètement différentes : 70m de long sur 30m de large. Sur le côté gauche (nord) de l’église inférieure se trouve un mur de l’époque croisée qui a été intégré au bâtiment actuel. (…)
Les franciscains (après la défaite des Croisés – ndlr) ont tenté à plusieurs reprises de reprendre pied dans la ville, mais tout long séjour leur fut interdit pendant longtemps. Vers 1547, ils se trouvaient à Nazareth, mais ont été contraints de fuir à cause d’une émeute ; ils ont laissé les clés de l’église à un chrétien du lieu. C’est seulement en 1620 qu’ils réussirent à récupérer ses ruines et à s’établir de nouveau, et définitivement, dans la ville. (…) En 1730, ils obtinrent un permis pour construire une nouvelle petite église. Cet édifice faisait face à la grotte de l’Annonciation, il était donc de travers par rapport au précédent. La petite église baroque aurait dû être remplacée en 1954 par une plus grande, à la mesure de l’importance du lieu, mais la date du début des travaux était toujours reportée. La nouvelle basilique, reposant sur les fondations de l’église croisée, a été construite entre 1960 et 1969 selon le projet de l’architecte milanais Giovanni Muzio.

(extrait du Guide de la Terre Sainte
de H. Fürst – G. Geiger, Milan 2017, p. 106-107)

Dernière mise à jour: 08/04/2024 12:18

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