Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Le crève-cœur de Nazareth

Marie-Armelle Beaulieu
3 avril 2021
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable

Malgré le nombre de projets qu’il a réalisés pour elle, les relations entre Antonio Barluzzi et la Custodie de Terre Sainte n’ont pas toujours été simples. Les deux plus grands projets qu’il lui a présentés n’ont pas abouti. L’échec de Nazareth a brisé l’architecte italien.


Un projet, deux commandes

Ce fut en 1924 que la Custodie songea pour la première fois à Barluzzi pour la construction d’une église à Nazareth. Le custode d’alors était le père Diotallevi. Mais le projet avorta. De nouveau en 1939 un custode, le père Alberto Gori, passa commande à Antonio Barluzzi d’une étude pour un sanctuaire à Nazareth. À l’époque, une église construite en 1730 et dédiée à l’Annonce de l’ange à Marie recouvre déjà la grotte. Mais elle est trop petite.

© Library of Congress Prints and Photographs Division Washington, D.C. 20 540

 

Premières présentations

La Seconde Guerre mondiale obligea Barluzzi à rentrer en Italie. En 1941 le premier à avoir connaissance du résultat de son travail est le Ministre général de l’Ordre franciscain le père Leonardo Bello. En 1950, la maquette est présentée – comme celle du Saint-Sépulcre (1) – à une exposition d’art sacré au Vatican.

L’intention de l’architecte était de construire l’église la plus importante sur terre consacrée à l’Annonciation et à l’Incarnation afin de glorifier solennellement “la plus humble des créatures” et de faire une évocation grandiose du Mystère de l’Incarnation du Verbe.

1. Voir Terre Sainte Magazine, numéro 671.

© Archives de la Custodie

 

Révélé au monde et aussitôt critiqué

Quand en 1954 la Custodie publie un livret de 24 pages rédigé par l’architecte pour présenter le projet, on comprend que Barluzzi y voit un accomplissement personnel technique
et spirituel.

Mais les critiques vont très vite se faire entendre de la part soit de spécialistes d’art sacré, soit d’architectes. Un dominicain français le premier parle de projet “monstrueux”, au “style éclectique” et qui fait “penser à une mosquée”. Un projet surdimensionné pour la taille de la communauté chrétienne locale. Lors de la Xe Triennale d’Art décoratif à Milan, une photo de la maquette est épinglée dans l’exposition qui parle de “l’insensée et trop coûteuse basilique qui s’élèvera à Nazareth si les chrétiens du monde entier ne se révoltent pas”.

Coupe de l’église. Sous le dôme, un baldaquin conçu comme “un calice”, recouvre la grotte tel un reliquaire.

© Archives de la Custodie

 

Le coup de grâce

En 1955 la Custodie demande à Barluzzi de revoir ses plans à la baisse. En 1957 un nouveau custode a été élu, le père Alfredo Polidori.

Sous le feu des critiques et des pressions
il confie le projet à un autre architecte italien Giovanni Muzio. Barluzzi écrit dans son journal : “Le 3 février 1958 le custode de Terre Sainte me remplace par l’architecte de Milan pour réaliser le sanctuaire de Nazareth. Toute la nuit j’ai failli avoir une crise cardiaque. Je rentre à Rome me réfugier à la Délégation de Terre Sainte.” Il n’y reviendra plus.

Le plan au sol de la basilique permet de comprendre que la grotte était au centre accessible par des escaliers, tandis que de nombreuses chapelles latérales auraient permis le culte. Un des reproches qui sera fait à Barluzzi était que ce plan ne respectait pas les abords du village que l’on trouve autour de la grotte.

© Archives de la Custodie

Dernière mise à jour: 03/04/2024 12:40