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“Le coronavirus n’est pas une honte” 

Claire Riobé
5 mai 2020
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“Le coronavirus n’est pas une honte” 
Hedal Bisharat Farraj avec son mari et ses enfants, la vieille de sa mise en quarantaine. Avril 2020. ©Shady Farraj

Depuis le début du confinement, Terre Sainte Magazine vous propose de vivre au plus près le quotidien de nos frères et soeurs de Terre Sainte, au travers d'une série de portraits exclusifs. Retrouvez aujourd'hui le témoignage d'Hedal, jeune maman guérie du coronavirus.


Hedal Bisharat Farraj est une jeune chrétienne de Nazareth contaminée par le coronavirus début avril. Isolée au sein même de son foyer le temps de sa guérison, elle décide de faire de sa maladie un défi et un jeu pour ses enfants. Un mois plus tard, guérie, Hedal revient pour Terre Sainte Magazine sur cette expérience. 

Hedal, comment avez-vous découvert que vous étiez malade ?

J’ai d’abord eu quelques symptômes tels que des difficultés à respirer, des maux de tête, une sensation de dessèchement. Beaucoup de fatigue, aussi. J’ai décidé de faire un test et ai pris le plus vite possible rendez-vous auprès d’un médecin, un dimanche midi. La réponse est arrivée quelques jours après. On a appelé mon mari, qui n’était pas à la maison, pour lui dire que j’étais atteinte du coronavirus. J’avoue que ça a été une nouvelle à la fois très surprenante et difficile, sur le coup.

Début avril, nous entendions parler du coronavirus partout. Beaucoup de gens en ont toujours peur, se sentent menacés. Qu’avez-vous ressenti ? 

Au début, cela a été un choc. Ce virus est répandu à travers la planète, tout le monde en a entendu parler, mais il n’y a pas un seul vaccin clair qui ait déjà été mis en place. On en a peur car on ne le connaît pas, en fait. 

En ce qui me concerne, une fois la nouvelle intégrée, j’ai pris cette maladie comme un vrai défi. il fallait que je me défende, et ne le transmette pas aux autres, à fortiori à mon mari et mes enfants. J’ai aussi pris cela comme une opportunité de vivre une situation que je n’avais jamais connue auparavant.

… « Une opportunité pour rentrer en moi-même et redéfinir mes priorités du moment »

 

Je me suis demandée : qui sont aujourd’hui les gens les plus importants pour moi, et qu’attendent-ils de moi ? Ça a été difficile parce qu’on se sent seul, la-dedans… mais j’ai vraiment essayé de tirer le meilleur de ce qui m’arrivait.

Savez-vous où et comment vous avez été contaminée ? 

Non, on s’est beaucoup posé la question mais je ne sais toujours pas. Ce n’est pas le plus important en fait. L’essentiel est de ne pas contaminer les autres et de se rétablir le plus vite possible. 

Comment avez-vous vécu ces onze jours éloignée de vos enfants ?

En ce qui concerne l’organisation pratique, une fois les résultats du test reçus, je me suis isolée dans une pièce de la maison loin de mes enfants et de mon mari. Personne n’y entrait. Mes enfants ont bien compris que j’avais le virus “à l’intérieur de moi”, et que si pour ne pas être infectés il était très, très important qu’ils restent loin de moi. 

Lorsque je souhaitais quitter la maison, je mettais des gants et un masque tout en restant éloignée d’eux. Pour me rendre dans notre cuisine, je passais par l’extérieur, via notre jardin. Quand je voulais parler à ma famille, je m’asseyais loin d’eux, à distance. 

Vos enfants sont très jeunes. Comment ont-ils vécu cette période si particulière, éloignés de leur maman ?

Mes enfants ont entre sept ans et un an et demi. Les aînés ont bien compris par exemple ce que voulait dire le mot “corona”, ce qu’était un virus et comment s’en protéger. Je ne sais pas dans quelle mesure ils ont compris que j’étais malade, mais ils ont pris cela comme une aventure, un jeu en quelque sorte, où il fallait rester loin de moins pour que l’on puisse de nouveau jouer ensemble comme avant.  

Je ne m’attendais pas à ce qu’ils comprennent tout, mais j’ai été surprise de voir qu’ils ont vite assimilé la nécessité de rester loin de moi pour se protéger, et d’adopter de nouvelles normes d’hygiène comme se laver très souvent les mains.

Ca a été davantage compliqué avec mon plus jeune fils, car il ne comprenait pourquoi il devait rester loin de sa maman. Plusieurs fois pendant ces onze jours, il a répété à mon mari qu’il avait besoin de moi et que c’était dur pour lui…

Comment votre mari a-t-il traversé cette situation ? 

Il a joué le rôle de mère durant cette période et s’est entièrement occupé de nos enfants en leur assurant tout ce dont ils avaient besoin. Il est aussi resté à mes côtés et m’a énormément aidée. Mon frère, nos voisins, mes collègues de travail et la famille de mon mari… tous n’ont ont également beaucoup aidés et supportés, en nous permettant de rester optimistes 

Des responsables du ministère israélien sont-ils passés vous voir durant cette période ? 

Oui et des policiers de Nazareth, aussi. On est passé me voir trois fois en onze jours. Nous n’étions que 8 ou 9 personnes malades en tout dans Nazareth début avril, et les policiers avaient pour instruction de visiter toutes les personnes contaminées pour s’assurer qu’elles restaient bien chez elles […]. Jusqu’ici, très peu de gens sont infectées dans les environs, nous sommes assez épargnés à Nazareth. C’est bien pour cela que les gens doivent continuer de rester chez eux et être vigilants !

 

Un médecin de Nazareth rend visite à Hedal durant la quarantaine pour déterminer si elle est encore porteuse du coronavirus. ©Shady Farraj

On a entendu parler de personnes qui refusaient de se faire soigner parce qu’elles n’acceptaient pas le fait d’être malades du coronavirus. Quel message souhaitez-vous donner aujourd’hui ?

J’aimerais répéter à toutes les personnes malades comme non-malades que le coronavirus n’est pas une honte. C’est un virus normal, nouveau, certes, mais normal. Il faut que chacun comprenne qu’il n’y a rien de mal en soi à avoir été contaminé et que ce n’est pas de sa faute à soi si cela est arrivé. 

Je voudrais rappeler également que si nous restons chez nous, et prenons soin de nos proches en restant optimistes, on peut très bien guérir rapidement de ce virus. 

Un dernier mot ?

Restez chez vous, suivez les instructions du Ministère de la santé. Prenez soin de vous et de ceux que vous aimez…. cette période va passer. 

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