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A Nazareth, la vieille ville endormie se réveille

Cécile Lemoine
15 juillet 2022
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A Nazareth, la vieille ville endormie se réveille
Sami Jabali devant Liwan, son concept de café promouvant la culture palestinienne, fait partie de ces Nazaréens pionniers de la reconquête d’une vieille ville longtemps restée moribonde ©Cécile Lemoine/TSM

Longtemps restée déserte et labellisée "à éviter" par les guides touristiques dans les années 2000, la vieille ville de Nazareth vibre à nouveau. Les ouvertures de boutiques se succèdent. Un mouvement initié par des entrepreneurs locaux convaincus de la nécessité pour les Nazaréens de se réapproprier un patrimoine et une histoire qui leur a échappé.


Le café Liwan est à l’image de son propriétaire. Chaleureux, convivial. Un brin excentrique aussi. Il fallait bien cela pour oser ouvrir un café dans les rues désertes de la vieille ville de Nazareth en 2016. Le catogan bien serré à l’arrière de la tête et le sourire franc, Sami Jabali et son grand squelette émergent derrière un comptoir qu’on devine à peine sous le débordement de calligraphies arabes, broderies palestiniennes, bijoux bédouins et autres piles de livres de poésie.

Derrière lui, tableaux et photos d’artistes palestiniens s’enchevêtrent sur des murs où l’espace vide n’existe plus. Un bazar cosy et joyeux au milieu duquel un groupe de jeunes Nazaréens s’installe pour savourer des chocolats chauds. Dehors la pluie froide de février pousse les badauds vers les quelques boutiques dont les portes en fer sont ouvertes. Une grosse vingtaine au total sur les 300 qui faisaient jadis vibrer le centre historique. Cela semble peu. Mais c’est un retour à la vie.

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La ville qui a vu grandir Jésus a une histoire riche, marquée par le développement des pèlerinages et l’essor du commerce à la fin de l’époque ottomane (XVIIe-XIXe siècles). Traversée par l’une des premières routes pavées du pays qui la relie à la ville côtière de Haïfa, Nazareth est alors un carrefour où s’arrêtent des caravanes venues de tous horizons. Cœur battant de la ville, son souk édifié au XVIe siècle, abrite des orfèvres, des épiciers, des forgerons, des selliers, des blanchisseurs, des cordonniers… De quoi répondre aux besoins d’une ville à la population grandissante, et des villages alentour.

Preuves de la réappropriation de la vieille ville par ses habitants, les décorations et les peintures rivalisent de créativité pour séduire l’œil des passants ©Cécile Lemoine/TSM

Témoins de cette prospérité : les demeures quasi palatiales qui maillent le quartier chrétien de la vieille ville de leur architecture ottomane raffinée, désormais un peu fanée. Si le déclin économique de Nazareth a commencé avant 1947, la création de l’État d’Israël lui porte un coup fatal. Plus grosse ville arabe du nouveau territoire (14 200 habitants en 1945, 77 000 aujourd’hui), Nazareth accueille des milliers de réfugiés après la Nakba et subit une occupation militaire brutale qui l’asphyxie économiquement. « Les Nazaréens, en tant que minorité arabe, vivaient sans liberté d’expression ni de travail. Les usines et les petits ateliers qui se trouvaient dans la ville et les villages alentour ont été fermés, même chose pour la compagnie de tabac. Le chômage était omniprésent« , écrit Noha Zorob Kawar, historienne Nazaréenne auteur de L’histoire de Nazareth : un voyage à travers les âges (2000), un ouvrage de référence sur la ville et son passé.

L’échec du plan « Nazareth 2000 »

« Progressivement les familles aisées ont déménagé en raison du manque d’infrastructures, des difficultés d’accès, et du contexte économique pesant« , explique Sami Jabali, intarissable sur l’histoire de la ville qui l’a vu naître il y a 57 ans. La vieille ville, négligée, se paupérise. La plupart de ses habitants sont des familles pauvres, locataires de bâtiments dont ils ne peuvent pas prendre soin. […]


Retrouvez l’article entier dans le numéro 680 de Terre Sainte Magazine (Juillet-Août 2022)

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