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Quand le handicap s’invite à la Crèche

Laurent Guillon-Verne
24 décembre 2021
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Tous les pèlerinages connaissent des temps forts. Mais quand les pèlerins veillent les uns sur les autres et notamment les personnes en situation de handicap moteur, cela donne l’occasion de vivre une autre dimension comme ici à Bethléem.


Les anges dans nos campagnes ont entonné l’hymne des cieux ; Et l’écho de nos montagnes redit ce chant mélodieux…

C’est ainsi que l’on entend à chaque Noël l’invitation à se rendre à la crèche et comme les santons de Provence à cheminer vers le divin Messie, (qui vient) nous rendre espoir et nous sauver. Une crèche, une simple étable, une grotte, c’est forcément petit. On n’image pas cela dans une cathédrale… Le lieu est à la dimension de l’événement : une naissance inaperçue dont les premiers témoins sont les plus pauvres – des bergers dans la campagne.

En Judée à Bethléem, c’est bien dans une crèche que nous avons rendez-vous. Une crèche, certes avec une basilique au-dessus, mais une crèche quand même ! Il peut arriver d’attendre dans la basilique supérieure une, deux, trois heures, avant de pouvoir se prosterner devant l’étoile d’argent, lieu présumé de la naissance de notre divin Roi.

Entre ces deux rochers, ils descendent tous, les curieux,les sceptiques, les solennels,les hautains, les superbes,les hébétés, les fiers, les timides, les officiels, les modestes,
les irrités, les gracieux, les religieux, les agressifs, les prévenants… Tous devront courber l’échine pour emprunter la vingtaine de marches creusées au fil du temps par des millions de pèlerins. Tous… sauf les personnes atteintes d’un handicap physique : il est impossible de descendre avec des fauteuils roulants…

La tension est forte, pour celui qui est porté, attentif, comme pour les porteurs, concentrés, et la récitation du chapelet permet d’avancer au même tempo, dans une pleine communion.

Pourtant, nous l’avons fait ! Nous n’avons pas pris l’escalier d’entrée, mais celui de la sortie, un peu plus large. Alignés le long du chœur, dans la partie arménienne de la basilique, nos treize amis handicapés attendent avec un mélange de gravité, de joie et d’anxiété que nous puissions les descendre, puis ils s’abandonnent avec confiance dans les mains d’une équipe de volontaires qui les installent tour à tour dans une grande bâche, tenue par six personnes. C’est en jouant des coudes que chacun passe dans cet escalier trop étroit pour descendre jusqu’à la crèche. La tension est forte, pour celui qui est porté, attentif, comme pour les porteurs, concentrés, et la récitation du chapelet permet d’avancer au même tempo, dans une pleine communion. Marche après marche tous cheminent vers l’étoile, aidés par les gardiens qui font attendre les autres pèlerins présents, libérant la place afin que nous puissions déposer nos amis devant la crèche. Moment d’éternité et de grande émotion pour tous devant la souffrance, le handicap et la pauvreté des corps confiés à Jésus.

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Christelle, la mère d’Anne que l’on vient de déposer ainsi sur le sol de la crèche, éclate en sanglots. Elle confiera avoir revécu à ce moment l’accouchement de sa fille née polyhandicapée, 21 ans auparavant. Maria, une mère italienne de 80 ans sur son fauteuil roulant, accompagnée de ses trois enfants, ne fait pas partie de notre groupe mais se présente à nous.

Dans un anglais approximatif, nous proposons notre aide. Nous avons ainsi accompagné ses enfants pour la porter. Ici, à la crèche, ces trois frère et sœurs s’offraient ensemble, leur maman dans les bras, à la sainte Famille. En remontant le petit escalier, et en réinstallant Maria dans son fauteuil, nous ne pourrons pas oublier son lumineux regard bleu, ni celui de ses enfants : pas d’échange de paroles mais l’émotion de ce geste vécu ensemble, unis dans une même foi. Quand depuis, le soir de Noël, résonne le couplet suivant : Il apporte à tout le monde / la paix, ce bien si précieux / Que bientôt nos cœurs répondent / en accueillant le don des cieux / le refrain, “Gloria, in excelsis Deo (bis)” prend une dimension encore plus grande et nous pouvons témoigner que l’événement de la crèche n’est pas qu’une histoire du passé. à Bethléem, c’est toujours Noël !

 

Dernière mise à jour: 24/04/2024 10:02

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