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A Bethléem, les franciscains veillent sur les jeunes chrétiens en difficulté

Cécile Lemoine
30 mars 2023
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A Bethléem, les franciscains veillent sur les jeunes chrétiens en difficulté
Frère Sandro joue avec les jeunes garçons qu'il accueille en pension au foyer franciscain de Bethléem ©Boys Home

A l'occasion de la Collecte pour les lieux saints, Vendredi 6 avril, Terre Sainte Magazine et la Custodie de Terre Sainte vous présentent une des activités soutenue par la Collecte.
Au Foyer franciscain des garçons de Bethléem, les frères s’occupent depuis 15 ans, avec amour et patience, d’une trentaine de jeunes issus de familles chrétiennes "brisées".


“Abouna !” Frère Sandro a à peine le temps d’entrer dans la salle commune que déjà, Jiries se jette dans ses bras. Le garçon, freluquet dans les survêtements qui lui servent de pyjama, lui tend ses devoirs d’italien. “Mon père, tu peux m’aider ?” Le franciscain assoit son mètre quatre-vingt-dix de tendresse et de patience à côté de l’adolescent et l’aide à combler les phrases à trous de son cahier d’exercices.

Une accolade reconnaissante plus tard, le jeune Jiries a retrouvé les autres garçons, qui jouent calmement aux échecs sur la table voisine en attendant l’heure du dîner. “Quand il est arrivé au foyer, en janvier 2021, il ne supportait aucune marque d’affection, se souvient frère Sandro. Son quotidien familial était fait de violences physiques et verbales. Il ne connaissait que cela. Il avait de mauvaises notes, disait des gros mots, frappait tout le monde. Au bout d’un mois chez nous, il s’est transformé : plus d’insultes, plus de bagarre… Il est même devenu le meilleur de sa classe.”

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“Chez nous”, c’est la “Maison des garçons” de Bethléem. L’établissement, situé juste derrière la basilique de la Nativité, est dirigé depuis 3 ans par le charismatique frère Sandro Tomašević, franciscain d’origine croate. Sa fondation, par la Custodie, remonte à 2007.

À l’époque, frère Amjad, l’ancien curé de la paroisse de Bethléem constate que les familles, qu’il passe de longues heures à visiter, sont confrontées à de graves problèmes sociaux et économiques.

“Les gens peinaient à se remettre des conséquences de l’Intifada. Les familles ont souffert de la mort de beaucoup de personnes, se sont appauvries… Certaines ne pouvaient plus s’occuper dignement de leurs enfants, la violence et les abus y étaient omniprésents”, glisse Albert, l’assistant social de la Maison qui fait partie du projet depuis le début. Le frère Amjad, puis le frère Marwan ont alors pensé un foyer qui prendrait en charge l’éducation et les besoins de ces garçons chrétiens en difficulté.

Ils sont aujourd’hui 26, âgés de 7 à 18 ans, à bénéficier du suivi des franciscains. Tous partagent les mêmes écorchures d’un début de vie marquée par la violence et la pauvreté. Parmi eux, 16 ne viennent au foyer que l’après-midi, après l’école. Ils profitent du soutien scolaire, des activités sportives ou manuelles et de petites conférences sur les bonnes habitudes liées à l’hygiène, aux réseaux sociaux, organisées toutes les semaines. “Ils ont été éduqués par la rue. On veut les intégrer à la société”, explique frère Sandro. Les 10 autres garçons sont en pension complète. Ils dorment au foyer 6 jours par semaine. La liste d’attente est longue. Les budgets, serrés. Les frais de chaque garçon sont entièrement pris en charge par les franciscains, à travers la Fondation franciscaine pour la Terre Sainte : inscription à l’école Terra Sancta, dépenses médicales, d’habillement, de nourriture… Soit entre 2 000 et 2 500 $ par enfant tous les ans.

Pardon et merci

Dans la salle commune, le dîner est terminé. Les garçons débarrassent en blaguant avant de se glisser silencieusement dans la chapelle. Seule une bougie éclaire la pièce. Sa flamme fait vibrer une large fresque représentant saint François d’Assise. Frère Sandro joue de doux accords au piano. D’une voix claire et dans un arabe parfait, il entame chants et prières, repris à l’unisson par un chœur un peu moins accordé. Le franciscain a fait de ce temps de prière un moment clé de la journée des adolescents. “Pardon Jad, de m’être énervé contre toi”, souffle une voix au bout de la pièce. “Merci Seigneur pour cette bonne journée”, murmure une autre. Chacun est libre de se confier. Chacun recevra aussi une bénédiction avant de filer calmement au lit. A 21 heures, plus un bruit ne filtre dans les chambres. “Ce temps avec le Seigneur aide les jeunes à s’apaiser, à désamorcer les conflits, à se pardonner, à s’aimer”, explique Sandro qui constate que les trois ou quatre garçons qui lui posaient problème quand il a repris la maison, il y a 3 ans, ont radicalement changé leur comportement. “Les enfants, c’est comme les plantes, il faut les arroser : les aimer, leur montrer qu’ils ont de la valeur, les écouter. Être là pour eux. Il ne s’agit pas seulement d’être un prêtre, ou un père, mais surtout un modèle. Les enfants reproduisent ce qu’ils observent : les grandes leçons sont inutiles si on ne les applique pas à soi-même. Si on ne les vit pas, ils ne les vivront pas non plus.”

Organiser la collecte pour les chrétiens chez vous grâce au site du Commissarait de Terre Sainte

Frère Sandro n’a aucune formation en parentalité ou en direction de maison d’enfants. “On apprend de nos propres familles, sourit humblement le franciscain. C’est la meilleure formation qu’on peut avoir. La communication, la patience, la confiance et la prière sont la clé de tout.” Le grand Croate est tombé sous le charme de la Terre Sainte lors d’un séjour imposé par son cursus au séminaire franciscain. Dans les paroisses locales, il rencontre les “pierres vivantes”, les chrétiens palestiniens. Au bout de deux mois, il maîtrise les bases de la conversation arabe. Son cœur, aussi grand que sa joie est volubile, s’attache. Quand il retourne dans sa province, en Croatie, il fait des pieds et des mains pour être détaché en Terre Sainte. Il veut mettre les mains dans le cambouis, œuvrer à y maintenir la présence chrétienne. Aujourd’hui, au milieu des garçons, il se sent à sa place. Il rayonne. Et les jeunes le lui rendent bien. “Abouna Sandro, c’est comme un père. C’est une deuxième maison ici”, confie timidement Jad, en passant une main potelée dans ses cheveux frisés.

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Convaincus de la nécessité d’œuvrer à l’échelle des familles, chez qui les garçons retournent le week-end, frère Sandro et Albert, ont mis en place un programme d’un nouveau genre. Tous les jeudis, les parents sont invités à venir partager un moment de prière et de discussion autour de problématiques précises : les bons réflexes alimentaires, comment gérer la colère de ses enfants… “On voulait créer des ponts, aider ces familles à sortir de leur environnement habituel. Et au bout de deux ans, on voit que cela porte du fruit. Les parents sortent de leur coquille, créent des amitiés, les enfants sont plus sereins…”, s’enthousiasme Albert.

L’assistant social a vu passer près de 150 jeunes depuis la création du foyer il y a 15 ans. [Certains restent plusieurs années NDLR]. “Et il y a beaucoup de belles histoires”, lance-t-il fièrement, avant de citer l’exemple de Nadim, un jeune très dur à son arrivée, qui cumulait les zéros, les bagarres et le manque de confiance en lui. “Petit à petit, à force d’amour et de suivi, il a grandi. Il a eu son bac avec 80/100 et il est parti étudier la physique et les maths, avant de revenir donner un coup de main en tant que prof à temps partiel ici. Aujourd’hui il est marié, et très heureux avec sa famille.”

 

 

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