
Ces cinq derniers mois, le séisme du 7-Octobre a occasionné de fortes répliques au Liban et en Syrie. Les deux pays, qui font partie de la Terre Sainte élargie et du territoire de la province franciscaine de la Custodie, n’en finissent pas d’accumuler les crises. Dans les 11 couvents, quatre au Liban, sept en Syrie, les 24 frères (12 par pays) poursuivent inlassablement leur service pastoral et le soutien concret aux populations qui leur sont confiées.
Quand tombe le régime de Bachar Al-Assad le 8 décembre dernier et que le nouveau maître de la Syrie se révèle avoir été membre du Front Al Nosra avant de se rallier à Al Qaïda, quiconque a à cœur la présence des chrétiens en Orient et singulièrement en Syrie ne peut cacher ses craintes. On sait ce que ces forces djihadistes, prônant un islamisme radical et d’une violence extrême, ont produit depuis le déclenchement de la guerre civile qui mine la Syrie depuis 2011.
À la Custodie, on tenait les nécrologies prêtes des frères en poste dans la région d’Idlib sous califat islamique et à Alep. En janvier 2016, le custode de Terre Sainte informait ses frères que Luai Bshara, 32 ans, ordonné depuis un an pour la Custodie, se proposait pour remplacer un des deux prêtres dans le califat. Il partait, acceptant courageusement l’idée du martyre.
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Aussi, quand le 5 janvier dernier, on le vit fondre en larmes dans l’église de sa paroisse de Yacoubieh tandis qu’il accueillait une large délégation de la Custodie avec des frères venus de toute la province, on comprit qu’il vivait une libération. À tout le moins, la fin d’un isolement de huit années vécues au cœur du califat. Mais frère Luai, comme le curé de Knayeh connaît bien Abou Mohammed al-Joulani. C’est dans le gouvernorat d’Idlib où sont situées les deux paroisses qu’il a vu à l’œuvre le fondateur et chef du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC).
Sous son impulsion, il a été témoin de ce que d’aucuns appellent la “déradicalisation par le haut”. À son arrivée en 2016, les chrétiens devaient tout cacher de leur foi et avaient perdu tous leurs droits. Sous la gouvernance de Joulani, leurs terres leur ont été restituées, ils ont à nouveau pu commercer, les églises ont été restaurées, sans ostentation les signes chrétiens étaient tolérés. Depuis la chute de Bachar, de nombreux villageois exilés reviennent. Le 3 janvier dernier, les paroisses de l’Oronte faisaient un accueil triomphal à leur vicaire apostolique, lui-même né à Knayeh dont il fut curé jusqu’à son ordination en septembre 2023. Une manifestation impensable il y a quelques années encore.

Une vitalité inouïe
Depuis l’accession au pouvoir de Joulani, Mgr Jallouf et frère Bahjat Karakach, le curé d’Alep, essaient à leur niveau d’œuvrer pour une Syrie libre où les chrétiens seraient des citoyens comme les autres.
Tous les frères franciscains ne partagent pas leur enthousiasme devant le nouveau maître de la Syrie. Dans tous les cas, leur agenda ne leur laisse pas le loisir de la distraction politique.
Aux ravages de 12 ans de guerre civile se sont ajoutés ceux du tremblement de terre de 2023. Cela fait 14 ans que les frères sont sur la brèche d’une situation d’urgence qui n’en finit pas. Aussi ont-ils multiplié les groupes, réunissant chrétiens et musulmans, pour répondre aux urgences.
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Un groupe mobilise architectes et ingénieurs pour réparer ce qui peut l’être.
À Alep, Frère Harout dirige “la cuisine” qui existe depuis 2021. Avec une solide équipe, il assure la préparation et la distribution de 1 000 repas. Au moment du séisme, la cuisine assurait 3 000 repas par jour. “Un rythme que nous ne pouvions pas soutenir dans la durée”, explique frère Harout. “Les inscrits bénéficient d’un repas tous les deux jours. On pourrait en offrir le double que ça trouverait preneur.”
La mission du Centre franciscain de soins est d’aider les enfants à se relever du choc traumatique de la guerre et du tremblement de terre. Avec une forte secousse ressentie en août dernier, les peurs ont ressurgi également chez les adultes qui peuvent eux aussi venir au centre trouver un accompagnement pour les conjurer.
Il y a aussi le groupe qui assure le soutien scolaire pour les enfants, celui pour la formation de jeunes entrepreneurs que la Custodie accompagne avec des offres de micro-crédit.
Le groupe “Frères de Jésus” soutient, lui, les personnes en situation de handicap.
Au centre TAU, l’objectif est de donner aux enfants et aux jeunes les moyens de vivre leur foi chrétienne dans leur vie quotidienne. Il y en a pour tous les âges, tous les besoins, du plus social au plus spirituel.
Si l’ONG de la Custodie Pro Terra Sancta tourne à plein régime pour soutenir les projets en Syrie et au Liban, à n’en pas douter, c’est dans l’adoration eucharistique, tous les vendredis, que les frères puisent la force de se démultiplier de la sorte.