Card. Pizzaballa «La fin de la guerre ne marque pas nécessairement le début de la paix»
La lettre à son diocèse écrite par le cardinal Pizzaballa devait initialement être publiée le lundi 6 octobre. « À la veille d’accomplir une deuxième année de guerre, je voulais m’adresser à mon peuple désorienté par une telle déshumanité, et l’inviter à se joindre à la prière pour la paix désirée par le pape Léon XIV le 11 octobre », a confié le patriarche latin à Terre Sainte Magazine.
La nouvelle de l’acceptation par le Hamas du plan de Donald Trump, visant à libérer les otages israéliens et palestiniens et à obtenir une cessation des hostilités, a amené le cardinal à remanier son texte et avancer la publication qui, par ce que le religieux franciscain appelle « une heureuse coïncidence », est rendue publique au jour de la fête de saint François d’Assise.
L’espérance fragile d’une accalmie
Dès les premières lignes, le patriarche rappelle le climat qui pèse depuis deux ans : « Massacres incessants de civils, famine, déplacements répétés, difficultés d’accès aux hôpitaux et aux soins médicaux, manque d’hygiène, sans oublier ceux qui sont détenus contre leur gré. »

Pourtant, il souligne une nouveauté : « Pour la première fois, les médias font état d’une possible nouvelle évolution positive : la libération des otages israéliens, de certains prisonniers palestiniens et la cessation des bombardements et des offensives militaires. » Mais il avertit : « Nous ne devons pas nous faire d’illusions. »
L’attente des familles est évoquée avec force : « Nous attendons avec impatience le moment où les familles d’otages pourront enfin embrasser leurs proches. Nous souhaitons la même chose aux familles palestiniennes qui pourront embrasser ceux qui reviennent de prison. »
La souffrance en Cisjordanie
Le cardinal insiste sur la nécessité de ne pas détourner les yeux de la Cisjordanie : « Les petits villages sont de plus en plus encerclés et étouffés par les attaques des colons, sans une défense suffisante de la part des autorités de sécurité. »
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Il dénonce aussi la lassitude et la méfiance qui gagnent les cœurs : « Le manque de clarté sur les perspectives d’avenir contribue au sentiment de désorientation. Mais c’est précisément là qu’en tant qu’Église, nous sommes appelés à prononcer une parole d’espérance. »
Contre la logique de la force
La lettre dénonce avec vigueur l’usage de la violence comme règle du jeu : « La puissance, la force, la violence sont devenues le critère principal sur lequel se fondent les modèles politiques, culturels, économiques et peut-être même religieux de notre temps. »

Le cardinal Pizzaballa oppose à cette logique « la réaction indignée de la société civile » face aux images de Gaza, qui « ont profondément blessé la conscience commune des droits et de la dignité ».
Il appelle à résister spirituellement : « C’est pourquoi je ressens de plus en plus fortement l’appel à garder les yeux fixés sur Jésus (cf. He 12, 2). C’est seulement ainsi que nous parviendrons à mettre de l’ordre en nous-mêmes et à regarder la réalité avec des yeux différents. »
Une Église qui reste et qui témoigne
Le patriarche rappelle que la mission de l’Église n’est pas politique : « Notre dénonciation n’est pas une offense faite aux parties en présence, mais une invitation à oser une voie différente de celle de la confrontation. Notre mort a eu lieu sous la croix, pas sur un champ de bataille. »
Il met en garde : « La fin de la guerre ne marque pas nécessairement le début de la paix. Mais c’est la première étape indispensable pour commencer à la construire. » Le chemin reste long, dit-il, pour « reconstruire la confiance, concrétiser l’espérance, se désintoxiquer de la haine. »
Une foi mise à l’épreuve
« Cette période a mis notre foi à l’épreuve », reconnaît le cardinal. La manipulation de la religion pour justifier la guerre ne fait qu’aggraver le fossé entre la foi et la souffrance vécue. Mais le patriarche appelle à persévérer : « Nous voulons continuer à chercher, même à tâtons, des chemins de justice, de vérité, de réconciliation, de pardon : tôt ou tard, au bout de ces routes, nous rencontrerons la paix du Ressuscité. »
La lettre s’achève sur un appel clair : rejoindre la journée de jeûne et de prière pour la paix, convoquée par le pape Léon XIV le 11 octobre. Le patriarche invite « toutes les communautés paroissiales et religieuses à organiser librement, pour cette journée, des moments de prière, tels que le rosaire, l’adoration eucharistique, des liturgies de la Parole et d’autres moments similaires de partage. »
Enfin, il place son diocèse sous la protection de sa patronne : « Nous approchons de la fête de la Reine de Palestine et de toute la Terre Sainte. Dans l’espoir que nous pourrons enfin nous rencontrer ce jour-là, nous renouvelons à notre protectrice notre prière d’intercession pour la paix. »